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Vers une refonte de la réglementation de la publicité télévisée ?

Vers une refonte de la réglementation de la publicité télévisée ?

Le paysage audiovisuel européen a évolué significativement ces dernières années avec l’arrivée de nouveaux services de VOD (Netflix, Amazon Prime), de plates-formes de partage de vidéos (YouTube) et de réseaux sociaux (Facebook). Estimant ne pas être suffisamment équipés pour faire face à cette concurrence, les diffuseurs traditionnels souhaitent un allègement de la réglementation qui leur est applicable et un renforcement de celle applicable à ces nouveaux entrants.

L’Union européenne a ainsi entrepris de réviser la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 sur les services de médias audiovisuels (SMA). Cette révision devrait être adoptée d’ici la fin de l’année. Dans le même temps, le gouvernement français doit présenter un projet de loi réformant la loi Léotard n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

C’est dans ce contexte que le Conseil supérieur de l’audiovisuel1 et une mission d’information parlementaire2 ont présenté récemment des propositions de réforme de la réglementation audiovisuelle.

L’un des axes possibles de réforme porte sur la publicité télévisée. Le modèle économique de l’essentiel des chaînes de télévision repose actuellement sur les revenus publicitaires. Or, depuis une dizaine d’années, ces recettes publicitaires ont stagné, voire diminué3. Les acteurs concernés estiment que la réglementation de la publicité télévisée serait trop rigide et qu’un assouplissement leur permettrait de générer des revenus supplémentaires utiles pour concurrencer les nouveaux entrants. Plusieurs aménagements sont ainsi actuellement envisagés.

L’augmentation des espaces publicitaires

En l’état, la directive SMA limite la durée de la publicité télévisée à 12 minutes par heure d’horloge. La règlementation française est même plus contraignante à l’égard des services de la TNT car elle y limite cette durée à 9 minutes par heure en moyenne quotidienne4.

La proposition de révision de la directive SMA offrirait plus de flexibilité aux diffuseurs en remplaçant la durée maximale de 12 minutes par heure d’horloge par une moyenne horaire de 12 minutes par tranche (de 06h00 à 18h00 puis de 18h00 à minuit). Si cette révision était transposée en France, les chaînes pourraient diffuser des pages de publicité excédant 12 minutes sur une heure d’horloge, par exemple à des heures de grande écoute. Reste toutefois à savoir si le législateur français souhaitera assouplir le régime en place.

Par ailleurs, la mission d’information propose d’autoriser une troisième coupure publicitaire lors de la diffusion d’œuvres cinématographiques5, afin d’accroître les espaces publicitaires proposés aux annonceurs et d’inciter les diffuseurs à programmer des films de long-métrage plutôt que des programmes plus courts offrant plus d’espaces publicitaires entre chaque programme.

L’élargissement de la base d’annonceurs

Aujourd’hui, la publicité pour le cinéma, l’édition et les promotions dans la distribution est interdite à la télévision, sauf exception6. Ces restrictions visent à protéger les acteurs indépendants de ces secteurs, lesquels ne peuvent pas nécessairement s’offrir des spots publicitaires à la télévision.

Ce marché publicitaire étant toutefois évalué entre 100 et 150 millions d’euros par an pour les promotions dans la distribution et entre 30 et 40 millions d’euros par an pour le cinéma7, le CSA propose donc d’autoriser la publicité télévisée pour ces secteurs.

La valorisation des espaces publicitaires

L’obligation d’émettre le même signal sur l’ensemble du territoire et la garantie du secret des choix de programmes des téléspectateurs8 empêchent la diffusion de publicités télévisées reposant sur la localisation et le comportement des téléspectateurs (telles qu’elles existent sur Internet).

Le CSA et la mission d’information proposent de supprimer ces restrictions et d’autoriser la publicité ciblée à la télévision. Ils y voient une possibilité pour les diffuseurs de valoriser leurs espaces publicitaires auprès des annonceurs.

Ces mesures ont vocation à accroître les revenus publicitaires des diffuseurs dont la situation a été fragilisée ces dernières années. Elles pourraient toutefois modifier l’équilibre en place et avoir des effets négatifs sur d’autres acteurs ou sur les téléspectateurs. Le CSA et la mission d’information préconisent donc, pour la plupart d’entre elles, de réaliser des études d’impact avant toute mise en œuvre.

Reste aussi à savoir si l’augmentation de la publicité à la télévision ne risque pas de détourner les spectateurs vers d’autres services dont le modèle économique ne repose pas sur la publicité, tels que la VOD.

Notes

1 CSA, Refonder la réglementation audiovisuelle, septembre 2018
2 Rapport d’information AN n°1292
3 de 3,460 milliards en 2007 à 3,286 milliards d’euros en 2017 (source IREP : http://www.irep.asso.fr)
4 Article 23 de la directive SMA et article 15 du décret n°92-280 du 27 mars 1992
5 L’article 73 de la loi Léotard interdit à ce jour d’insérer plus de deux pages de publicité au cours d’une même œuvre audiovisuelle ou cinématographique.
6 Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992
7 Les Echos, Nouvelles règles dans la publicité : les gagnants et les perdants, 13 octobre 2017
8 Article 13 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 et article 3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986

 

Auteurs

Florentin Sanson, avocat, droit de la propriété intellectuelle

Joséphine Colin, juriste, droit de la propriété intellectuelle

 

Vers une refonte de la réglementation de la publicité télévisée ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 12 novembre 2018