Les heures supplémentaires accomplies sans l’accord de l’employeur doivent-elles être rémunérées?
11 décembre 2018
L’employeur est tenu de rémunérer les heures supplémentaires lorsque la réalisation de celle-ci a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié même si l’employeur n’a pas donné son accord.
En principe, seules les heures supplémentaires accomplies avec l’accord, au moins implicite de l’employeur, peuvent donner lieu à rémunération.
Il ressort de deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 novembre 2018 publiés au bulletin1 qu’une autre situation peut donner lieu au paiement d’heures supplémentaires.
Il s’agit de celle dans laquelle l’accomplissement des heures supplémentaires a été rendue nécessaires par les tâches confiées au salarié. La Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens2, l’apport des deux arrêts du 14 novembre 2018 ne réside pas exactement là .
La question qui restait à éclaircir était celle de savoir si tel était le cas même lorsque l’employeur s’est opposé à la réalisation de ces heures ou que le salarié n’avait pas suivi l’obligation contractuelle qui était la sienne de demander l’autorisation d’accomplir de telles heures.
C’est à cette question que la Cour de cassation répond positivement.
Dans la première affaire (n°17-16.959), le salarié était contractuellement tenu de solliciter l’autorisation de l’employeur avant d’effectuer des heures supplémentaires (un avenant au contrat de travail avait été signé à ce sujet). Face au non-respect par le salarié de cette obligation, l’employeur avait mis en demeure le salarié de cesser l’accomplissement d’heures supplémentaires puis l’avait sanctionné par un avertissement et lui avait refusé le paiement des heures supplémentaires effectuées. La cour d’appel d’Orléans a fait droit aux demandes du salarié au motif que la réalisation de ces heures supplémentaires avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à l’intéressé, et ce peu important l’absence d’autorisation préalable de l’employeur. La Cour de cassation a approuvé cette position.
Dans la seconde affaire (n°17-20.659), le contrat de travail était muet sur les modalités d’accomplissement des heures supplémentaires mais l’employeur avait, dans différents courriels, rappelé au salarié qu’il devait respecter la durée hebdomadaire du travail de 35 heures et que l’accomplissement d’heures supplémentaires devaient faire l’objet d’un accord préalable du supérieur hiérarchique. La cour d’appel de Paris a débouté le salarié au motif qu’il n’avait pas à placer l’employeur devant le fait accompli. La Cour de cassation a censuré cette décision faute pour la Cour d’appel d’avoir recherché si les heures accomplies avaient été rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié.
Concrètement il existe donc deux cas distincts dans lesquels un salarié peut obtenir le paiement d’heures supplémentaires :
- soit lorsqu’il a effectué ces heures avec l’accord, au moins implicite, de l’employeur ;
- soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si l’employeur a donné son accord
-implicite ou pas- à l’accomplissement de ces heures.
Mais en pratique comment savoir si la durée d’exécution des tâches confiées au salarié excède la durée hebdomadaire de 35 heures ?
Selon la Cour de cassation l’appréciation du caractère nécessaire du dépassement de la durée hebdomadaire de travail relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Dans la première affaire, les juges du fond avaient relevé le fait que l’employeur avait déjà accepté de régler des heures supplémentaires sur une période antérieure et que la charge de travail ait été maintenue puis accrue sur la période postérieure permettait d’établir que les nouvelles heures supplémentaires avaient été rendues nécessaires par les tâches confiées. Le second arrêt n’apporte pas d’éclairage sur ce point.
De fait, il appartient à l’employeur d’adapter la charge de travail de ses salariés pour que ces derniers ne dépassent pas la durée légale hebdomadaire de travail. Si l’employeur ne le fait pas, il devra payer des heures supplémentaires.
Si pour certaines fonctions il peut être aisé de déterminer objectivement la charge de travail, cela ne va pas de soi pour les tâches dont la durée d’exécution est difficilement quantifiable, sans compter que d’un individu à l’autre la rapidité d’exécution n’est pas la même.
Notes
1 Cass. soc. 14-11-2018 n°17-16.959 FS-PB, Sté ADEIHR AGP c/ M. ; Cass. soc. 14-11-2018 n°17-20.659 FS-PB, N. c/ Sté Softeam Cadextan
2 Cass. Soc. 19-4-2000 n°98-41.071 D ; Cass. Soc. 12-12-2013 n°12-14.029 F-D
Auteur
Les heures supplémentaires accomplies sans l’accord de l’employeur doivent-elles être rémunérées? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 10 décembre 2018
A lire également
Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022... 23 août 2022 | Pascaline Neymond
Montant de la déduction forfaitaire sur les cotisations patronales dues au titr... 30 septembre 2022 | Pascaline Neymond
Heures de délégation au-delà du temps de travail et majoration pour heures su... 2 novembre 2021 | Pascaline Neymond
Temps de travail, temps de repos : quelles obligations pour l’employeur à lâ€... 12 avril 2023 | Pascaline Neymond
La multiplication des demandes devant le Conseil de Prud’hommes (plus d&rs... 8 octobre 2021 | Pascaline Neymond
Quand la désignation d’un délégué syndical rend caduque les décisions de ... 7 octobre 2014 | CMS FL
Forfait en jours, décompte d’heures supplémentaires : actualité jurispruden... 12 mars 2021 | CMS FL Social
Contrôle Urssaf : un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ?... 3 février 2015 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?