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Les possibles effets pervers du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires

Les possibles effets pervers du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires

La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire du 30 octobre 2018 (loi EGALIM) a habilité le Gouvernement à prendre des mesures d’une durée en principe limitée à deux ans visant à relever de 10% le seuil de revente à perte (SRP) et à encadrer les promotions portant sur les produits alimentaires, ce qui est l’objet de l’ordonnance 2018-1128 du 12 décembre 2018.


Dans le même temps, l’Autorité de la concurrence (Adlc) a rendu un avis très critique sur le projet d’ordonnance qui lui avait été soumis dont le contenu était très proche du texte définitif (Avis 18-A-14).

Les principales réserves sont les suivantes :

Sur le relèvement du seuil de revente à perte des produits alimentaires, l’Adlc rappelle le débat juridique relatif à la conformité de l’interdiction de la revente à perte au droit de l’Union, en soulignant que si cette interdiction a été mise en place pour protéger le commerce, il n’en reste pas moins que le texte a une portée consumériste dès lors qu’il est censé protéger les consommateurs contre la technique potentiellement trompeuse des prix d’appel.

Elle estime d’emblée que le nouveau dispositif est susceptible de dégrader la situation économique des fournisseurs de produits qui sont actuellement revendus en dessous du nouveau seuil de revente à perte, tels que les fournisseurs de produits agroalimentaires détenant des marques nationales.

L’Adlc souligne aussi le caractère inflationniste de la mesure résultant de la hausse des prix de vente aux consommateurs des produits directement concernés par la mesure.

Elle met également en garde contre le développement de possibles effets indirects négatifs sur la concurrence entre fournisseurs et distributeurs. Du côté des fournisseurs dont le pouvoir de négociation est limité, elle doute de leur capacité à s’approprier une partie du surplus généré par la hausse du SRP, les distributeurs risquant d’en conserver une grande partie. Du côté des distributeurs le relèvement du SRP peut entraîner une distorsion de concurrence et faciliter entre eux la collusion, ce qui pourrait accroître l’effet inflationniste de la mesure. Elle souligne enfin que le comportement de « transfert » des distributeurs censés profiter de leurs marges accrues sur les produits à faible marge pour offrir de meilleures conditions d’achat aux autres fournisseurs est loin d’être certain, car dépendant de la « bonne volonté » des professionnels.

Mais surtout la nouvelle mesure augmente la transparence sur le marché en favorisant la connaissance des distributeurs du prix d’achat triple net (le prix d’achat réellement négocié toutes remises et ristournes et « marges arrières – type coopération commerciale » déduites) de leurs concurrents sur les produits.

L’encadrement des promotions introduit par l’ordonnance limite la capacité des fournisseurs et des distributeurs à octroyer des réductions de prix, immédiates ou différées, aux consommateurs.

Les avantages promotionnels accordés aux consommateurs sont limités en valeur, ils ne peuvent dépasser pour un produit déterminé 34% du prix de vente au consommateur, mais aussi en volume, les promotions ne pouvant porter que sur des produits ne représentant pas plus de 25% du chiffre d’affaires prévisionnel entre le fournisseur et le distributeur.

La première critique encourue par cette mesure est ici aussi son caractère inflationniste. En effet, outre le fait que les remises promotionnelles seront limitées à 34% du prix de vente au consommateur, les distributeurs pourront avoir une propension à augmenter les prix de revente aux consommateurs afin de ne pas risquer de dépasser ce seuil : plus le prix de vente pratiqué sera élevé, moins le risque que ce plafond de 34% soit dépassé existera. Ce nouvel encadrement en valeur sera également de nature à favoriser l’instauration de prix de revente minimum entre fournisseurs et distributeurs, notamment lorsque la promotion sera organisée à l’initiative du fournisseur. Toujours pour ne pas risquer de dépasser le plafond des 34%, le distributeur sera incité à adapter son prix de revente en fonction des promotions pratiquées à l’initiative du fournisseur (coupons de réductions immédiates « on pack » par exemple).

L’Adlc pointe enfin un effet négatif de l’encadrement en volume des promotions : celui, ici aussi, de possibles distorsions de concurrence entre les fournisseurs conduisant à fragiliser les fournisseurs en difficulté qui ont recours aujourd’hui à la promotion pour écouler leurs produits.

Il reste à déterminer si cette réforme aura un impact sur les négociations commerciales menées entre les fournisseurs et les distributeurs tous secteurs confondus – hors alimentaire, ce qui est très probable…

Auteur

Nathalie Pétrignet, avocat associé, droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.

 

Les possibles effets pervers du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires – Article paru dans le magazine Option Finance le 28 janvier 2019