MIF 2 et Pays-Tiers : dernières clarifications avant le Brexit?
Si la date du 29 mars 2019 n’a pas été celle fatidique de la sortie du Royaume-Uni, les Etats et régulateurs ont profité des jours précédents pour préciser les règles applicables dans l’hypothèse où les négociations n’aboutiraient pas. C’est le cas en particulier de la France avec l’arrêté du 22 mars 2019 précisant le délai de l’article 4 de l’ordonnance n°2019-75 du 6 février 20191 relative aux mesures de préparation au Brexit (« Arrêté »).
En vertu de l’Arrêté, est fixée à 15 mois (à compter de la date effective du Brexit) l’éligibilité au PEA et au PEA-PME des titres d’émetteurs britanniques et des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) dès lors qu’ils ont été acquis avant la date du Brexit. Ce délai est toutefois porté à 21 mois pour les OPCVM dont la société de gestion décide de respecter les ratios d’exposition à des entreprises de l’UE (75% de l’actif).
Par ailleurs, l’ESMA est venue préciser à l’occasion de la mise à jour de ses Questions et Réponses sur MIF 22 les conditions de reverse sollicitation, c’est-à-dire les conditions permettant de considérer qu’un établissement hors de l’Espace économique européen (EEE) ne viole pas le monopole de fourniture de services d’investissement accordé aux seuls prestataires de services d’investissement de l’EEE lorsque la fourniture résulte de l’initiative exclusive du client. Ces précisions sont particulièrement intéressantes si, finalement, le Royaume-Uni quitte bien l’Union européenne sans accord.
L’ESMA indique ainsi que lorsqu’une entreprise d’un pays tiers fournit, sous couvert de la reverse sollicitation, un service unique (one-off service) à un client, cette entreprise ne peut commercialiser auprès ce client un produit ou service de la même catégorie, possibilité qui lui est en revanche offerte pour les services fournis dans le cadre d’une relation suivie. Pour rappel, l’ESMA a indiqué qu’une relation suivie avec un client repose sur des éléments de droits et/ou de faits permettant d’identifier une récurrence ou une durée dans la relation. Par contraste, cette clarification permet de déterminer ce qu’est une prestation unique.
Sur cette base, l’ESMA indique bien que, si une entreprise d’un pays tiers peut proposer à un client dans l’Union européenne, qui l’a contactée de sa propre initiative, des produits relevant de la même catégorie que ceux pour lesquels ce client a contacté cette entreprise, cette dernière doit cesser toute commercialisation après que ses services ont été fournis.
De cette réponse de l’ESMA, il faut donc déduire qu’un établissement d’un pays tiers doit préférer nouer une relation de nature contractuelle « suivie » avec un client domicilié dans l’Union européenne, sauf dans l’hypothèse où il ne serait pas en mesure de présenter des produits de la même catégorie que ceux pour lesquels des services lui sont fournis. Bien entendu, l’initiative d’une telle relation ne pourrait venir que du client en question ; sans quoi, la démarche serait considérée comme constitutive d’une fraude/contravention au monopole précité.
Notes
1 Si l’Arrêté vise de la date effective de sortie du Royaume-Uni alors que l’Ordonnance vise la date du 30 mars 2019, c’est que le projet de loi PACTE devrait corriger l’Ordonnance. En espérant que cette loi soit publiée avant le Brexit….
2 Q&As on MIFID II and MIFIR Investor Protection Topics – 28 March 2019 | ESMA35-43-349
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, Head of financial services