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Modernisation de l’épargne et de la gestion d’actifs avec la loi PACTE

Modernisation de l’épargne et de la gestion d’actifs avec la loi PACTE

Sous réserve de censure par le Conseil constitutionnel, le texte de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises adoptée par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019 (la « Loi PACTE« ) introduit de nombreuses évolutions en faveur de la modernisation de l’épargne.


1. L’extension du champ des unités de comptes aux FIA professionnels

La Loi PACTE introduit un nouvel article L. 131-1-1 au sein du Code des assurances (« CA ») selon lequel :

« Les unités de compte mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 131-1 peuvent être constituées de parts de fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs professionnels… »

Cette évolution ouvre la possibilité pour les contrats d’assurance-vie de droit français d’avoir des unités de compte (« UC ») relevant d’une typologie étendue de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») dont les caractéristiques sont fixées par le Code monétaire et financier (« CMF »), c’est-à-dire :

  • les FIA agréés par l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») : à savoir, les fonds professionnels à vocation générale (« FPVG ») et les organismes professionnels de placements collectifs immobiliers (« OPPCI ») ; et
  • les FIA déclarés à l’AMF : ce qui concerne les fonds professionnels spécialisés (« FPS »)  y compris les sociétés de libre partenariat (« SLP ») et les fonds professionnels de capital investissement (« FPCI »).

Il faut noter que l’option pour ce type d’UC est favorisée par une autre modification du CA destinée à réduire le risque d’exposition de l’assureur au risque d’illiquidité de tels instruments. En effet, une des difficultés liées à l’option pour ce choix d’UC tient au fait que les FIA concernés ont généralement une liquidité faible, voire pas de liquidité. Dès lors, la compagnie d’assurance est exposée au risque de devoir régler le contractant ou le bénéficiaire en espèces, alors qu’elle ne peut obtenir le rachat des parts ou actions qu’elle détient en représentation de son exposition dans les UC. Bien sûr, l’article L. 131-1 du CA prévoyait dans ce cas que :

« Le contractant peut opter irrévocablement à tout moment, avec l’accord de l’assureur, pour la remise de titres ou de parts non négociés sur un marché réglementé, notamment de parts de fonds communs de placement à risques ou non négociables, au moment du rachat des engagements exprimés en unité de compte d’un contrat. ».

Toutefois, le risque était entier pour l’assureur de devoir assurer la liquidité car le bénéficiaire n’était pas nécessairement lié par le choix du contractant. De ce fait, permettre l’accès à ce type de sous-jacents pouvait apparaître comme une contrainte. Dès lors, la Loi PACTE introduit une présomption irréfragable selon laquelle « cette option est réputée s’appliquer aussi au bénéficiaire, sauf mention expresse contraire ».

Bien entendu, la Loi PACTE prévoit que cette nouvelle possibilité d’exposition aux FIA professionnels ne peut être envisagée que « dans le respect de conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière du contractant ».

On retrouve ici une terminologie classique en matière d’investissement financier qui conduit logiquement à encadrer cette option. Qui plus est, si le CA ne prévoit pas que le bénéficiaire réponde auxdites conditions, elles devront bien sûr être prises en compte dans la mesure où la documentation juridique des FIA concernés prévoit généralement des stipulations aux fins d’imposer le rachat, souvent avec pénalité, aux investisseurs ne répondant pas aux conditions fixées pour être directement investisseurs dans ces véhicules. Ainsi, les limites au transfert de parts de FPS ou FPCI ne devraient pas être contournées en s’y exposant au travers d’UC.

Enfin, il convient de noter que cette faculté serait également ouverte dans le cadre du Code de la mutualité.

S’il faut se satisfaire de ces évolutions, la Loi PACTE renvoie toutefois à un décret le soin de préciser les types de FIA ouverts aux investisseurs professionnels qui pourront être effectivement retenus, les pondérations applicables à ce type d’investissement ainsi que les conditions requises concernant la situation du souscripteur. Ce n’est ainsi qu’après la parution dudit décret qu’il sera possible de cerner clairement les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle possibilité et d’en évaluer la portée et l’intérêt effectifs.

2. L’investissement social et solidaire et les évolutions concernant les FCPR

Afin de promouvoir l’exposition, au travers de contrats d’assurance-vie, dans des actifs favorisant l’économie sociale et solidaire, la Loi PACTE insère également dans le CA un nouvel article L. 131-1-2. Le texte prévoit que les contrats d’assurance-vie en UC doivent faire référence à au moins une UC constituée de valeurs mobilières, d’organismes de placement collectif ou d’actifs qui respectent au moins l’une des modalités suivantes :

« 1° Ils sont composés, pour une part comprise entre 5% et 10 %, de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées en application de l’article L. 3332 17 1 du code du travail ou par des fonds communs de placements à risque mentionnés à l’article L. 214 28 du code monétaire et financier, sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires » ;
2° Ils ont obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique selon des modalités définies par décret ;
« 3° Ils ont obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant aux critères d’investissement socialement responsable selon des modalités définies par décret ».

Il est intéressant de noter ici que l’obligation d’inclure dans la gamme des UC des FCPR ayant une diversification en titres émis par des entreprises solidaires est de nature à favoriser le référencement de ce type de produits par les assureurs.

Par ailleurs, l’introduction par la Loi PACTE de nouvelles possibilités d’investissement par les FCPR est également de nature à favoriser le recours à ce type de produits, y compris comme UC.

En effet, l’article L. 214-28 du CMF concernant les actifs d’un FCPR est modifié en étendant le quota d’investissement de 50 % en titres de capital ou donnant accès au capital pour inclure, dans la limite de 20 % de l’actif d’un tel FIA :

  • les titres de capital ou donnant accès au capital, admis aux négociations sur un marché d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, émis par des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros ;
  • les titres de créance ne donnant pas accès au capital de leur émetteur et émis par des sociétés non cotées ou des créances sur ces entités.

Cette seconde possibilité est particulièrement intéressante. Elle est de nature à favoriser tant l’investissement par les fonds dans des Euro PP que le développement du financement par les fonds classiques avec l’acquisition de créances non échues par ces derniers (une activité relevant du monopole bancaire pour laquelle ces FCPR bénéficient d’une exception).

Enfin, en permettant à un FCPR de mentionner dans sa documentation commerciale que son actif est composé d’au moins 5 % d’instruments financiers liquides, la Loi PACTE vise clairement à favoriser le déploiement et la promotion de ce type de véhicules.

3. La création d’un nouveau régime : le plan d’épargne retraite en compte-titres

La Loi PACTE crée, à côté des dispositifs tels que le PEA ou le PEE, un nouveau type de plan d’épargne, par l’introduction d’une nouvelle section dans le CMF fixant les règles applicables aux plans d’épargne retraite (« PER« ). Ces plans ont pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels ou le versement d’un capital, payables au titulaire à compter, au plus tôt, de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ou de l’âge de la retraite.

C’est l’occasion d’introduire, à côté des plans ouverts auprès d’une entreprise d’assurance par adhésion à un contrat d’assurance de groupe (article 83, Madelin, PERCO, PERP, etc.), un nouveau dispositif de PER donnant lieu à ouverture d’un compte-titres. Quelle que soit sa forme, le titulaire du PER acquiert une rente viagère à son échéance. Une option de réversion de cette rente au profit d’un bénéficiaire peut être prévue en cas de décès du titulaire.

Le PER est approvisionné par des versements libres du titulaire, par des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise ou encore, s’agissant des PER d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire, par des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur.
Ces versements sont investis en titres financiers « offrant une protection suffisante de l’épargne investie ». Si, à nouveau, la Loi PACTE renvoie au décret pour les mesures de mises en œuvre, il faut noter que le texte prévoit expressément que ces titres, pour les PER ouverts sous la forme d’un compte titres, incluent des « titres intermédiés par les conseillers en investissements participatifs … ou par d’autres intermédiaires » ; ce qui ouvre le champ des sous-jacents à des titres non cotés.
On doit relever ici qu’à l’expiration du plan, le principe est posé d’une possibilité de sortie intégrale en capital plutôt qu’en rente, sauf pour la partie de l’épargne constituée par les sommes versées au titre des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur.

Le principe est en outre posé d’une totale transférabilité des droits individuels en cours de constitution d’un PER « compte titres » vers tout autre plan d’épargne retraite (sauf concernant les PER d’entreprise auquel le salarié est affilié à titre obligatoire, qui ne peuvent faire l’objet d’un transfert que lorsque l’obligation d’adhésion à pris fin).

La Loi PACTE habilite enfin le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour harmoniser le régime juridique de l’ensemble des divers produits d’épargne retraite.

Eléments clefs à retenir :

  • si la Loi PACTE consacre la possibilité pour un contrat d’assurance-vie d’avoir des fonds d’investissements alternatifs de type FPCI ou FPS comme UC, cette faculté ne peut être mise en œuvre dans l’attente des décrets d’application ;
  • dans le but de favoriser l’épargne socialement responsable dans l’assurance-vie, la Loi PACTE incite à l’inclusion d’UC répondant aux critères ISR, ce compris au travers de FCPR dont elle étend le champ des investissements ;
  • la Loi PACTE crée un nouveau régime de PER et introduit la possibilité de transfert et des mesures d’assouplissement à l’occasion de la liquidation des droits.

 

Auteurs

Jérôme Sutour, avocat associé, Head of financial services

Laurent Mion, avocat associé, droit des assurances au sein du département Banque et Finance

Karima Lachgar, avocat counsel Head of Market Intelligence & Regulatory Watch

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Modernisation de l’épargne et de la gestion d’actifs avec la loi PACTE – Article paru dans le magazine Option Finance le 29 avril 2019