La suppression du droit de vote de l’associé jugée conforme à la Constitution
Dans les sociétés cotées, la loi fait obligation aux actionnaires qui franchissent certains seuils de détention de capital, d’en informer la société. A défaut, les droits de vote liés aux actions dépassant ces seuils sont suspendus.
Cette suspension ne prend fin qu’après l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de la régularisation.
Toutefois, la validité de cette privation du droit de vote a été discutée devant le Conseil constitutionnel. Les requérants ont fait valoir que ce dispositif méconnaît les principes constitutionnels de nécessité et d’individualisation des peines et porte atteinte au droit de propriété.
Par une décision du 28 février 2014, le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé conforme à la Constitution le dispositif légal. Le bureau d’une assemblée peut donc valablement constater la suspension du droit de vote d’un actionnaire pour défaut de déclaration, tout au moins tant que cela n’est pas contesté par lui. On se souvient en effet que la Cour de cassation avait jugé le 15 mai 2012 que le bureau d’une assemblée n’a pas le pouvoir de trancher un litige. Pour valider le dispositif légal, le Conseil constitutionnel s’est essentiellement appuyé sur le fait que le mécanisme de suspension du droit de vote est temporaire, ce qui le rend conforme aux principes de nécessité et d’individualisation des peines. En effet, observent les juges, le droit de vote est suspendu à compter de la régularisation, pendant une période de deux ans. En outre, a constaté le Conseil, il ne prive pas l’actionnaire de son droit de céder les actions et poursuit un but d’intérêt général : celui de faire obstacle aux prises de participation occultes dans les sociétés cotées. Aussi ne porte-t-il pas atteinte au droit de propriété.
Toutefois, cette discussion ne doit pas faire oublier les autres sanctions auxquelles s’expose un actionnaire qui s’abstiendrait de déclarer un franchissement de seuil. Tout d’abord, le président de la société, un actionnaire ou l’AMF peut saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il prononce la suspension de la totalité des droits de vote de l’actionnaire défaillant (et non plus seulement de la fraction excédant le seuil non déclaré) pour une durée de cinq ans, quelle que soit l’importance de sa participation dans le capital. Ensuite, l’AMF peut prononcer des sanctions administratives à l’encontre de l’actionnaire défaillant. Enfin, si celui-ci est une personne morale, le défaut de déclaration expose ses dirigeants à une amende de 18 000 euros.
Cette décision appelle d’une certaine manière les investisseurs à redoubler de vigilance pour satisfaire leur obligation légale d’information lorsqu’ils franchissent les seuils de capital déterminés par la loi.
A propos de l’auteur
Christophe Blondeau, avocat associé. Il traite plus spécifiquement des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity. Il couvre l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles notamment dans le secteur immobilier.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 24 mars 2014