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La transposition de la directive « DAC 6 » en France : Première étape

La transposition de la directive « DAC 6 » en France : Première étape

L’ordonnance n° 2019-1068 publiée le 21 octobre 2019 constitue la première étape de la transposition de la directive « DAC 6 » (directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018) qui met à la charge des intermédiaires et/ou des contribuables concernés par des dispositifs transfrontières l’obligation de les déclarer à l’administration fiscale.

L’ordonnance du 21 octobre 2019 insère dans le CGI de nouveaux articles (art. 1649 AD à 1649 AH) afin de préciser les modalités de l’obligation déclarative résultant de la directive. En voici les points saillants.

I.  Une transposition à champ constant

Sur le fond, l’ordonnance du 21 octobre 2019 n’innove pas. Le champ de l’obligation déclarative est identique à celui prévu par la directive : aucun marqueur supplémentaire n’est ajouté ; seuls sont concernés par l’obligation les schémas transfrontières, à l’exclusion des schémas internes contrairement à ce qui est prévu dans d’autres Etats membres tels que le Portugal ; l’obligation déclarative n’a pas non plus été étendue à la TVA ni aux droits d’accises comme c’est le cas en Pologne.

L’ordonnance ne constitue toutefois que la première étape dans le processus de transposition de la directive. S’y ajouteront un décret simple et un arrêté précisant les modalités et le contenu des déclarations qui devront être adressées à l’administration, ainsi que deux BOFIP ayant trait à la procédure déclarative ainsi qu’aux marqueurs (i.e. aux critères d’identification des dispositifs déclarables).

Le Chef du bureau CF1C au service du contrôle fiscal de la DGFIP a ainsi précisé, lors d’une matinée fiscale organisée par la branche française de l’IFA le 24 octobre 2019, que le marqueur tenant à l’existence d’un avantage fiscal principal pourrait être interprété restrictivement et ne s’appliquer que lorsque cet avantage contredit l’intention du législateur. Il a également été indiqué oralement que le gain fiscal pris en compte pour les besoins de l’obligation déclarative ne devrait concerner qu’un impôt français ou d’un autre Etat membre de l’Union européenne, mais pas un impôt d’un Etat tiers.

II. Les personnes soumises à l’obligation déclarative

Les personnes appelées à déclarer les dispositifs transfrontières sont définies par la directive elle-même. En particulier, à travers la notion d’intermédiaire, définie de façon large par la directive, qui astreint à l’obligation déclarative non seulement les conseils mais aussi les entreprises elles-mêmes dans certaines circonstances. Ainsi, la holding de tête d’un groupe peut elle-même avoir la qualité d’intermédiaire au sens de la directive lorsqu’elle prodigue des conseils de nature fiscale aux filiales du groupe.

Lors de la matinée fiscale de l’IFA, l’administration fiscale a par ailleurs précisé que les salariés d’une entreprise agissant en son nom et pour son compte n’étaient pas considérés comme des intermédiaires au sens de la directive.

L’ordonnance, qui reprend à l’identique les définitions posées par la directive, n’en est pas moins intéressante à plusieurs titres.

Elle indique tout d’abord que lorsqu’un intermédiaire domicilié ou résident en France dispose d’un établissement stable situé hors de France, il n’est pas concerné par l’obligation de déclaration pour les dispositifs se rattachant à l’activité de cet établissement stable.

Ensuite, l’article 1649 AE nouveau du CGI prévoit, dans son 4°, les modalités de répartition des obligations déclaratives entre les personnes soumises au secret professionnel et le contribuable concerné.

Ainsi, le texte indique que « l’intermédiaire soumis à une obligation de secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du Code pénal souscrit, avec l’accord du ou des contribuables concernés par le dispositif transfrontière, la déclaration mentionnée à l’article 1649°AD°». Cela signifie qu’un avocat ayant dispensé à un contribuable un conseil et possédant la qualité d’intermédiaire ne peut déclarer le dispositif transfrontière qu’avec l’accord de son client contribuable concerné. N’est toutefois pas envisagée par le texte l’hypothèse dans laquelle l’intermédiaire soumis au secret professionnel serait le conseil d’un autre intermédiaire.

A défaut d’accord, le texte prévoit que l’intermédiaire notifie à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe. La situation visée est celle d’une pluralité d’intermédiaires ayant conseillé le même contribuable. En cas de notification par un intermédiaire soumis au secret à un intermédiaire non soumis au secret, c’est donc à ce dernier qu’il appartiendra de déclarer le dispositif transfrontière à l’administration. Si l’autre intermédiaire est lui-même soumis au secret, il devra à son tour demander l’accord du client, et si ce dernier ne le donne pas, il lui appartiendra de notifier à son client que l’obligation lui incombe.

Enfin, en l’absence d’autre intermédiaire, la notification d’obligation déclarative est adressée au contribuable concerné par le dispositif transfrontière par tout moyen lui conférant date certaine. L’intermédiaire transmet également au contribuable concerné, le cas échéant, les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative.

III. L’entrée en vigueur de l’obligation déclarative

Les dispositions de la directive « DAC 6 » commencent à s’appliquer à compter du 1er juillet 2020. Une période intercalaire courant du 25 juin 2018 (date de son entrée en vigueur) au 1er juillet 2020 est toutefois prévue : ainsi, les intermédiaires et les contribuables concernés sont tenus de fournir des informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre dans cet intervalle. Ces informations doivent être adressées au plus tard le 31 août 2020.

L’ordonnance du 21 octobre 2019 précise à cet égard que « la première étape de la mise en œuvre s’entend de tout acte juridique ou opération économique, comptable ou d’option fiscale en vue de mettre en œuvre le dispositif transfrontière ».

Elle est toutefois rédigée de façon fort curieuse puisqu’elle énonce que « les dispositifs transfrontières dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020 sont déclarés au plus tard le 31 août 2020 par les intermédiaires visés au premier alinéa du 1° du I de l’article 1649 AE du Code général des impôts (soit les intermédiaires concepteurs) et par les intermédiaires mentionnés au deuxième alinéa du même 1° (soit les intermédiaires « sachant ») ayant reçu une notification mentionnée au deuxième alinéa du 4° du I du même article ».

La lecture littérale du texte semble indiquer que les contribuables eux-mêmes sont soustraits à l’obligation déclarative au titre des dispositifs dont la première étape est intervenue pendant la période intercalaire, et qu’il en va de même de la seconde catégorie d’intermédiaires s’ils n’ont pas reçu de notification. Telle n’est toutefois pas la lecture du texte faite par l’administration fiscale : si l’on en croit les déclarations faites lors de la matinée de l’IFA précitée, le texte devrait être lu comme imposant à tous les intermédiaires (ainsi qu’aux contribuables concernés éventuellement) de déclarer ces opérations.

Pour dissiper toute ambiguïté, un amendement a été présenté par le gouvernement et adopté devant l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, ayant pour objet de modifier l’article 2 de l’ordonnance afin d’inclure expressément le contribuable dans le champ de l’obligation déclarative rétrospective.

IV. Les sanctions de l’obligation déclarative

L’ordonnance introduit dans le CGI un article 1729 C ter nouveau qui prévoit que les manquements à une obligation de déclaration ou de notification prévue aux articles 1649 AD, 1649 AE et 1649 AG entraînent l’application d’une amende qui ne peut excéder 10 000 €. Le montant de l’amende ne peut excéder 5 000 € lorsqu’il s’agit de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes.

Le montant de l’amende appliquée à un même intermédiaire ou à un même contribuable concerné ne peut excéder 100 000 € par année civile.

L’amende ne s’applique cependant pas en cas de manquement par le contribuable concerné à l’obligation qui lui est faite de déclarer chaque année l’utilisation du dispositif transfrontière déclarée faite au titre de l’année précédente selon les modalités fixées par un arrêté du ministre chargé du budget.

V.    Les précisions attendues

De nombreuses précisions sont attendues par les potentiels intermédiaires et contribuables concernés eu égard aux enjeux, en particulier le risque réputationnel, qui entourent ces nouvelles obligations. On peut notamment citer les éclairages attendus s’agissant du contenu des différents marqueurs, le critère de l’avantage principal ou encore la portée de l’obligation pesant sur l’intermédiaire sachant.

Article paru dans le magazine Option Finance le 9 décembre 2019

Auteur

Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale, professeur à l’École de droit de la Sorbonne, expert du Club des juriste

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