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TVA : régime de groupe : les caractéristiques d’un futur régime de groupe à la française se précisent

TVA : régime de groupe : les caractéristiques d’un futur régime de groupe à la française se précisent

A l’issue d’une concertation approfondie avec les entreprises, l’administration devrait proposer que soit transposé dans le cadre de la prochaine loi de finances le régime de groupe TVA prévu à l’article 11 de la Directive TVA.

Un premier avant-projet de texte avait été présenté à l’été 2019 aux principales organisations professionnelles mais n’avait, en définitive, pas été intégré au projet de loi de finances pour 2020. Depuis lors, l’Inspection générale des finances a été chargée d’une mission d’évaluation des conséquences budgétaires de la mise en place de ce régime. Les conclusions de ce rapport sont attendues prochainement. Parallèlement, la concertation avec les entreprises s’est poursuivie et le projet de texte a fait l’objet de plusieurs aménagements.

Selon les dernières informations, le texte pourrait être présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 mais le régime ne serait effectivement applicable (sous réserve d’une option en ce sens formulée avant le 31 octobre 2021) qu’aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2022.

Nous vous présentons les principales caractéristiques du régime tel qu’il se dessine.

Quel serait le périmètre du groupe ?

Le dispositif permettrait à des assujettis établis en France (siège ou établissement stable mais à l’exclusion des établissements stables à l’étranger de ces assujettis) de constituer un « assujetti unique » pour l’application de la TVA. L’assujetti unique pourrait être constitué librement à la condition que les assujettis qui se regroupent soient liés entre eux sur les plans financier, économique et de l’organisation. En pratique, plusieurs assujettis uniques pourraient donc être constitués entre les entités d’un même groupe économique mais leurs membres ne pourraient appartenir qu’à l’un seulement des assujettis uniques constitués.

Les liens entre les entités constituant l’assujetti unique seraient cumulatifs.

Le lien financier serait établi par l’existence d’un contrôle direct ou indirect par une même personne, cette condition étant satisfaite soit par la détention directe ou indirecte de plus de 50 % du capital ou des droits de vote par un assujetti ou une personne morale non assujettie (y compris donc une holding pure) soit par simple référence aux liens statutaires résultant de la réglementation en ce qui concerne les banques mutualistes, mutuelles d’assurance et associations relevant de groupes paritaires de protection sociale énumérées par la loi.

Le lien économique serait établi par l’identité de l’activité principale ou l’interdépendance, la complémentarité, la communauté d’objectif économique entre les membres ou une activité réalisée en totalité ou en partie au bénéfice des autres membres.

Enfin, le lien organisationnel résulterait de l’existence d’une direction commune ou de l’organisation concertée (y compris de manière seulement partielle) des activités des membres.

Comment et pour quelle durée le groupe serait-il constitué ?

L’option pour la constitution d’un assujetti unique, qui suppose l’accord de chacun des membres, devrait être formulée avant le 31 octobre de l’année qui précède celle de la prise d’effet qui interviendrait au 1er janvier par le membre désigné comme son représentant.

Le régime s’appliquerait obligatoirement pour cinq ans mais cesserait immédiatement si les conditions ne sont plus réunies (notamment si l’assujetti unique vient à ne plus compter au moins deux membres). Le périmètre de l’assujetti unique serait en principe également figé pour cette période sauf exclusion avec effet au 1er jour du mois suivant celui au cours duquel un membre cesserait de remplir les conditions mais le projet prévoit désormais la possibilité d’inclure un nouveau membre à la condition qu’il s’agisse d’un assujetti qui, jusqu’alors, ne remplissait pas les conditions fixées par la loi pour adhérer au dispositif. Le choix du périmètre du groupe mériterait en conséquence un examen préalable minutieux des conséquences qu’aurait l’inclusion de chaque membre dans le périmètre d’un assujetti unique ou de l’un des assujettis uniques dont la constitution serait envisagée au sein d’un même groupe économique.

A l’issue de la période de cinq ans, il deviendrait possible de mettre fin à l’existence de l’assujetti unique, d’inclure de nouveaux membres ou, pour les membres existants, de se retirer de l’assujetti unique.

Ces mouvements volontaires prendraient effet au 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle l’option pour entrer ou la décision de sortie serait formulée. L’assujetti unique devrait déclarer chaque année avant le 31 janvier la liste de ses membres.

Quels seraient les effets de la constitution du groupe ?

L’appartenance au groupe ferait perdre à chaque membre sa qualité propre d’assujetti à la TVA. Il s’agit là de l’effet principal du régime dont l’application est offerte aux Etats membres par l’article 11 de la Directive et qui le distingue du régime de paiement groupé (CGI, art. 1693 ter). En revanche, l’appartenance au groupe n’aurait aucune incidence sur les autres impôts, taxes, droits ou prélèvements dont chaque membre est redevable, y compris en ce qui concerne les taxes perçues et recouvrées comme en matière de TVA.

Lors de l’entrée dans le groupe, un crédit de taxe existant chez un assujetti ne pourrait pas être transféré à l’assujetti unique et ferait donc obligatoirement l’objet d’un remboursement.

L’entrée comme la sortie d’un membre serait traitée comme un transfert d’universalité totale au sens des dispositions de l’article 257 bis du CGI qui prévoient une dispense de taxation et/ou de régularisations au titre du transfert.

Pendant la durée d’application du régime, seul l’assujetti unique souscrirait des déclarations de TVA au titre de toutes opérations réalisées par l’ensemble de ses membres avec des tiers. Autrement dit, les flux entre les membres de l’assujetti deviendraient des opérations internes sans incidence pour l’application de la TVA.

Attention toutefois : le régime de TVA qui aurait été appliqué aux opérations économiques réalisées entre membres du groupe en l’absence d’option pour le groupe TVA devrait faire l’objet d’un suivi puisque chaque membre du groupe demeurerait individuellement assujetti à la taxe sur les salaires suivant un rapport d’assujettissement incluant les opérations réalisées avec les autres membres du groupe suivant le régime de TVA qui leur aurait été appliqué en l’absence d’appartenance au groupe. Concrètement, l’application du régime de groupe n’aurait pas d’incidence sur la situation de chacun de ses membres au regard de la taxe sur les salaires.

Pour l’application des droits à déduction, chaque membre du groupe constituerait un secteur distinct d’activité. Autrement dit, pour les dépenses propres à chaque entité, le droit à déduction serait déterminé, le cas échéant, en fonction d’un coefficient de taxation « de secteur » déterminé sur la base des seules opérations avec des tiers réalisées par cette entité. Il est également vraisemblable que chaque membre pourrait constituer des « sous-secteurs » si la diversité de ses activités le justifie.

L’assujetti unique devrait communiquer en annexe à sa déclaration mensuelle de TVA un état ventilant les données de sa CA3 par entité membre du groupe (au titre, donc, de chacun des secteurs qu’elles constituent). Ces informations concerneraient également les opérations « internes » que les membres réalisent entre eux.

Enfin, l’option pour les débits prévue, pour les prestations de services, par les dispositions de l’article 269 2 c) du CGI, pourrait être exercée par secteur d’activité, c’est-à-dire au cas par cas de chaque entité du groupe.

Ces modalités de transposition offriraient une grande souplesse aux entreprises. Force est toutefois de constater que l’option pour ce régime imposerait aux entreprises qui y adhèrent une forte harmonisation, entre elles, des procédures de gestion de la TVA et de certaines contraintes s’agissant en particulier des opérations internes entre les membres du groupe.

Si ce régime devait être transposé, il serait impératif d’engager rapidement une réflexion sur l’opportunité de recourir à ce régime, évaluer le périmètre à retenir et identifier les éventuelles contraintes que son application imposerait aux membres du groupe.

Cette réflexion devrait tenir compte de l’incertitude qui pèse sur la portée du régime d’exonération des prestations de services rendues à ses membres par un groupement de moyens (CGI, art. 261 B).

Inévitable à terme, l’incidence d’une mise en conformité de ce régime avec la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne qui en restreint considérablement le champ d’application (en en excluant notamment l’ensemble des activités financières, bancaires et d’assurance) doit être anticipée dans le cadre des réflexions sur l’opportunité de recourir au régime de groupe. En effet, si les conditions d’application sont réunies, ce qu’il convient d’examiner au cas par cas de chaque situation, l’option pour ce régime pourrait pallier, au moins en partie, les conséquences défavorables qu’aurait la perte du bénéfice du régime des groupements de moyens.

Auteurs

Elisabeth Ashworth, avocat en droit fiscal

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