Création d’un chapitre du Code de commerce dédié aux sociétés cotées
Le droit des sociétés cotées prend son autonomie… d’un point de vue formel du moins, puisqu’un chapitre dédié aux sociétés cotées est créé au sein du Code de commerce. Prise en vertu de l’article 75, II de la loi n°2019-486 PACTE du 22 mai 2019, dont le délai d’application avait été prorogé par l’article 14 de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance n°2020-1142 du 16 septembre 2020 a créé au sein de la partie législative du Code de commerce un chapitre relatif aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. Un décret n°2020-1742 du 29 décembre 2020 a procédé de même au sein de la partie réglementaire du Code. Cette recodification, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, s’effectue à droit constant. Elle ne modifie en rien les règles de fond applicables aux sociétés concernées, à quelques erreurs de plume près et qui devraient être corrigées par une loi de ratification dont le projet a été déposé le 6 janvier 2021.
L’objectif poursuivi par les promoteurs de la réforme mérite l’approbation.
Inspirée des travaux du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP), dont le rapport avait été publié le 26 mars 2018, cette recodification vise en effet à améliorer l’accessibilité du droit français – et, partant, l’attractivité de la Place de Paris – en dissociant les dispositions de droit commun applicables à toutes les sociétés anonymes (SA) et sociétés en commandite par actions (SCA) de celles de droit spécial relatives aux seules sociétés cotées.
Le droit commun gagne ainsi en lisibilité, en cohérence et, surtout, en stabilité dans la mesure où les nombreuses réformes susceptibles d’intervenir, d’origine européenne le plus souvent, n’ont vocation à concerner que les sociétés cotées.
Le droit spécial identifie quant à lui plus clairement les règles propres aux sociétés cotées censées déroger à celles du droit commun, en prévoyant les exceptions, aménagements et ajouts jugés utiles.
On peut toutefois regretter que la réforme entreprise ne soit pas véritablement aboutie.
Tout d’abord, n’a pas été retenue la préconisation du HCJP de transférer dans le Code monétaire et financier certaines dispositions du Code de commerce relatives, en particulier, au régime de l’intermédiaire inscrit, aux franchissements de seuils et aux offres publiques. Les pouvoirs publics ont en effet estimé que, malgré leurs implications en droit des marchés financiers, ces dispositions entretiennent des liens directs et importants avec le droit des sociétés et que leur transfert aurait nui à l’objectif de lisibilité de la réforme et à la cohérence du Code de commerce.
Ensuite, le Gouvernement n’a pas intégralement utilisé l’habilitation conférée par l’article 75, II de la loi PACTE qui l’autorisait à adapter les règles applicables aux sociétés en fonction des catégories de titres cotés et des types de plates-formes de négociation sur lesquels les titres sont cotés. Il a à cet égard considéré qu’une telle démarche aurait modifié le champ d’application des règles concernées, soit en le réduisant au risque de contrevenir aux textes européens dont ces règles sont issues, soit en l’étendant au risque cette fois-ci de heurter l’objectif du Gouvernement de limiter les surtranspositions.
Enfin, et peut être surtout, force est de constater que les dispositions du nouveau chapitre du Code de commerce ne permettent pas, à elles seules, de connaître l’ensemble du droit applicable aux sociétés cotées. Pour nécessaires qu’ils soient, les multiples renvois du droit spécial des sociétés cotées au droit commun des SA et SCA – et inversement – s’avèrent délicats à manier. Il n’est pas certain, à cet égard, que l’objectif d’accessibilité du droit français soit entièrement atteint.
Reste ainsi à espérer que cette recodification, louable en son principe, ne constitue qu’une première étape en vue d’une clarification plus complète du droit français des sociétés cotées comme non cotées.
Article paru dans Option Finance 25/01/2021
Auteurs
Bruno Dondero, Avocat Associé en Corporate/Fusions & acquisitions
François Gilbert, Avocat en Corporate/Fusions & acquisitions