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Mise en place du vote électronique pour les élections professionnelles : les précisions de la Cour de cassation

Mise en place du vote électronique pour les élections professionnelles : les précisions de la Cour de cassation

Le Code du travail prévoit que les élections professionnelles peuvent se dérouler par le biais du vote électronique « si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide »[1]. Par un arrêt en date du 13 janvier 2021 (n° 19-23.533), la Cour de cassation est venue apporter des réponses à plusieurs interrogations découlant de cette disposition, susceptibles d’être étendues à d’autres situations.

 

La négociation préalable d’un accord collectif est obligatoire

La Cour de cassation énonce que, dans le cadre des élections du comité social et économique (CSE°, l’employeur peut décider unilatéralement de mettre en place le vote électronique uniquement après avoir tenté de négocier loyalement un accord collectif.

La Cour se fonde sur la formulation des articles L.2314-26 et R. 2314-5 du Code du travail dont la combinaison prévoit le recours au vote électronique pour les élections professionnelles sous réserve d’un accord d’entreprise ou de groupe et, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur.

 

Elle considère ainsi que la formulation « à défaut » rend subsidiaire et non alternative la possibilité de recourir au vote électronique par décision unilatérale de l’employeur.

 

En 2019, la Haute Juridiction avait déjà tranché en faveur du caractère subsidiaire – « en l’absence d’accord » – de la possibilité pour l’employeur de déterminer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts[2]. Le même dispositif avait d’ailleurs été formulé : « ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut , etc. ».

Au regard de la large publicité attachée à cet arrêt, se pose la question de la généralisation de l’obligation de recours préalable à la négociation collective dans tous les domaines où le Code du travail permet à l’employeur d’adopter une décision unilatérale « à défaut » ou « en l’absence » d’accord collectif.

Les exemples sont multiples : modalités d’instauration des astreintes, détermination des contreparties au temps de trajet anormal entre le lieu de travail et le domicile du salarié, plan en faveur de l’égalité professionnelle, droit à la déconnexion, prise en charge des frais de transports personnels, etc.

La prudence impose une réponse affirmative. La note explicative de l’arrêt du 13 janvier 2021 publiée par la Cour de cassation précise toutefois que celle-ci a entendu rappeler la prééminence de la négociation collective dans la détermination du processus électoral voulue par le législateur ; cette note n’étend pas la solution rendue à d’autres thématiques.

 

La négociation collective préalable ne s’impose pas en l’absence de délégués syndicaux

Si un accord collectif est négocié par principe avec des délégués syndicaux, plusieurs modes dérogatoires de négociation existent aujourd’hui. Un accord peut ainsi être conclu avec des membres du CSE, avec des salariés mandatés ou par ratification du personnel, sous certaines conditions.

Dans son arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation nuance l’obligation de négociation préalable en précisant qu’en l’absence de délégués syndicaux, l’entreprise n’est pas tenue d’ouvrir une négociation selon les modalités dérogatoires qui lui sont propres (élus ou salariés, mandatés ou non) avant d’adopter une décision unilatérale.

Cette position est justifiée par le fait que les dispositions sur la négociation collective dérogatoire ont également vocation à intervenir subsidiairement, dans l’impossibilité de négocier avec des délégués syndicaux. Or, s’agissant de la mise en place du vote électronique, la loi a déjà prévu une autre voie par la possibilité laissée à l’employeur de prendre une décision unilatérale.

Cela ne signifie pas que les employeurs ne peuvent pas recourir volontairement à la négociation collective dérogatoire pour conclure un accord collectif prévoyant le vote électronique.

La solution dégagée par la Cour de cassation se veut toutefois rationnelle. L’option inverse aurait pénalisé grand nombre d’entreprises dépourvues de représentation syndicale dans la préparation de leurs élections professionnelles.

Elle permet ainsi de favoriser le recours au vote électronique dans la détermination du processus électoral, devenu parfois indispensable à l’heure où le télétravail s’est généralisé.

Là encore, il apparaît possible d’étendre cette solution jurisprudentielle – qui dispense d’engager une négociation collective dérogatoire en l’absence de délégués syndicaux – à toutes les situations dans lesquelles le Code du travail impose une négociation collective avant l’adoption d’une décision unilatérale.

 

En cas de contestation, le juge des élections professionnelles est compétent

Enfin, la Cour de cassation se prononce sur le juge compétent en cas de contestation du recours au vote électronique.

La solution est claire : le vote électronique constitue une modalité d’organisation des élections professionnelles, qu’il soit mis en place par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, et relève donc du contentieux de la régularité des opérations électorales soumis au Tribunal judiciaire selon une procédure propre et qui statue en dernier ressort.

Pourtant, la Cour de cassation avait jugé auparavant que l’accord collectif prévoyant le recours au vote électronique était un accord collectif de droit commun, revêtant une nature différente du protocole d’accord préélectoral[3].

Il aurait pu en découler que cet accord, ou la décision unilatérale prise à défaut, relevait du contentieux civil selon les mêmes conditions qu’un recours à l’encontre d’un accord collectif de droit commun, soumis au Tribunal judiciaire mais statuant en premier ressort.

La Cour de cassation s’est cependant attachée à l’objet de l’accord collectif litigieux, qui se rapporte exclusivement à l’organisation des élections professionnelles, au détriment de sa nature.

La note explicative de l’arrêt du 13 janvier 2021 justifie cette position par le fait que la loi et la jurisprudence s’efforcent depuis quelques années de regrouper l’intégralité du contentieux des élections professionnelles au sein d’un seul bloc de compétence, afin qu’il relève du même juge.

 

Article paru dans Les Echos le 13/04/2021

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