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Accords de branche : l’assureur n’est pas tenu au devoir de conseil

Accords de branche : l’assureur n’est pas tenu au devoir de conseil

Une décision de la Cour d’appel de Montpellier du 2 décembre 2020 a reconnu l’absence d’obligation générale d’information et de conseil de l’assureur dans le cas où l’entreprise cliente ne respecterait pas les obligations prévues par la convention collective en matière de prévoyance.

Décryptage de cet arrêt avec Florence Duprat-Cerri, avocat counsel, responsable du département retraite prévoyance chez CMS Francis Lefebvre Avocats.

 

Le 2 décembre 2020, la cour d’appel de Montpellier a rappelé que le devoir d’information et de conseil de l’assureur s’arrête où commence les obligations conventionnelles de l’employeur. Que dit exactement cet arrêt ?

Florence Duprat-Cerri : En l’espèce, il s’agissait d’une société relevant de la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes ayant souscrit un contrat d’assurance couvrant uniquement les obligations minimales en matière de maintien de salaire en cas de maladie, dit « mensualisation », prévues par la convention collective précitée.

Ultérieurement, un accord de prévoyance avait été conclu au seul niveau de la convention collective territoriale de Midi-Pyrénées, dont relevait la société, prévoyant une couverture décès pour les non-cadres ayant plus d’un an d’ancienneté. Pour autant, la société ne s’est pas rapprochée de son assureur pour conclure un contrat respectant cet accord.

Or, à la suite du décès d’une salariée son conjoint a demandé le bénéfice du capital décès prévu conventionnellement au niveau territorial. L’employeur a alors appelé l’assureur en garantie pour manquement à son obligation générale d’information et de conseil.

En première instance, les juges ont ordonné à la société d’appliquer l’accord de prévoyance précité et décidé d’opérer un partage de responsabilité à hauteur de 30 % pour la société et de 70 % pour l’assureur. Ce dernier a interjeté appel du jugement.

Tout au long de cette affaire, se posait la question de l’inclusion dans le champ de l’obligation d’information et de conseil de l’organisme assureur d’une information sur la modification des obligations conventionnelles rendant le contrat souscrit inadapté.

Par un arrêt du 2 décembre 2020, la cour d’appel a infirmé le jugement de première instance s’agissant du partage de responsabilité entre l’assureur et la société, en retenant que :

 

« l’employeur […] qui devait […] tenir un exemplaire à jour des textes conventionnels applicables à la disposition du personnel de l’entreprise », était parfaitement capable d’identifier la non-conformité du contrat qu’il avait souscrit aux stipulations conventionnelles applicables. En conséquence, « l’assureur n’avait pas à son égard l’obligation particulière d’attirer son attention sur le fait que le contrat souscrit au bénéfice des salariés non-cadres, ayant au moins une année d’ancienneté, ne comportait pas de couverture décès. »

 

La cour d’appel retient l’absence de manquement au devoir de conseil de l’assureur à défaut d’information sur l’évolution des stipulations conventionnelles. Est-ce légitime ?

 

Les juges ont considéré que

 

« la souscription d’une assurance ne garantissant pas le paiement d’un capital décès correspondant aux stipulations de la convention collective applicable constituait par conséquent une faute imputable à l’employeur ».

 

Dans ce domaine, la Cour de cassation juge de manière constante que l’employeur engage sa responsabilité à l’égard de ses salariés lorsqu’il n’a pas adhéré au régime conventionnel de prévoyance ou lorsqu’il ne l’a fait que partiellement (1),

En pratique, cet arrêt invite une nouvelle fois à la vigilance les employeurs sur la conformité de leur contrat d’assurance à leurs obligations conventionnelles.

Pour rappel, la Haute juridiction avait déjà pu reconnaître que l’obligation de l’assureur portait sur l’opération d’assurance en elle-même et non sur l’existence de dispositions législatives ou règlementaires ayant vocation à s’appliquer (3). Ce principe pouvait a fortiori s’étendre aux conventions collectives aussi accessibles que la loi et, en tout état cause, que l’employeur ne pouvait/devait ignorer.

En outre, les hauts magistrats ont pu considérer, dans une affaire très proche de l’arrêt du 2 décembre, que l’organisme assureur n’était tenu que de vérifier la validité de l’adhésion qui lui était adressée et non si le souscripteur remplissait pleinement les obligations conventionnelles pesant sur lui (4).

 

Cependant cette décision dédouane-t-elle toujours l’organisme assureur d’informer le souscripteur sur les stipulations conventionnelles ?

Même si l’on pourrait le penser, au vu de la jurisprudence précitée, il n’est pas certain que la solution aurait été la même si l’employeur avait expressément demandé à l’organisme assureur un contrat conforme aux textes conventionnels applicables.

En effet, avec la transposition de la Directive distribution assurance, les obligations en matière de conseil sont renforcées pour l’organisme assureur. L’article L.521-4 du Code des assurances prévoit en effet que le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil.

En conséquence, on ne peut qu’inviter à la prudence les distributeurs de contrats d’assurance dans l’hypothèse où, l’adéquation du contrat d’assurance aux termes de la convention collective aurait été un besoin exprimé expressément par le souscripteur.

 

(1) Cass. soc., 3 nov. 2011, n°10-15.124 ; Cass. soc., 19 mars 2014, n°12-24.976.

(2) Cass. soc., 17 avr. 2019, n°17-27.096.

(3) Cass. 2ème civ., 5 juil. 2006, n°05-13.580.

(4) Cass. soc. 29 mars. 1990, n°87-14.550)

 

Propos recueillis par Jean-Charles NAIMI

 

Article paru dans l’Argus de l’assurance le 12/02/2021