Dépistage du Covid-19 en entreprise : les modalités sont précisées
7 janvier 2021
Après avoir expressément interdit aux entreprises de procéder à des campagnes de dépistage du Covid-19 pour leurs salariés, le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise, dans sa version publiée le 13 novembre 2020, a autorisé les employeurs à « proposer, à ceux de leurs salariés qui sont volontaires, des actions de dépistage dans des conditions garantissant la bonne exécution de ces tests et la stricte préservation du secret médical ».
Un arrêté ministériel du 16 novembre 2020, modifiant un arrêté du 10 juillet 2020, encadre la réalisation de ces campagnes de dépistage. Il précise que des actions de dépistage collectif par des tests rapides d’orientation diagnostique antigéniques – intégralement financées par l’employeur – sont autorisées en entreprise « à titre exceptionnel et dans l’intérêt de la protection de la santé », « en cas de suspicion de cluster ou de circulation particulièrement active du virus » et après « déclaration au représentant de l’Etat dans le département ».
Une circulaire interministérielle du 14 décembre 2020 (n° cabinet/2020/229) relative au déploiement des tests antigéniques au sein des entreprises publiques et privées, publiée le 18 décembre, précise les modalités de mise en œuvre de ces campagnes de dépistage.
Un kit de déploiement du dépistage, synthétisant les conditions de mise en place des tests de dépistage, est joint à la circulaire.
Types de tests autorisés
Sont autorisées dans l’entreprise les campagnes de dépistage par des tests rapides. Ainsi, seules peuvent être mises en place des actions de dépistage par la réalisation de tests antigéniques, à l’exclusion des tests RT-PCR dont le résultat est beaucoup plus sûr mais beaucoup plus lent.
Toutefois, sous la responsabilité d’un laboratoire de biologie médicale, l’employeur peut organiser des campagnes de dépistage à partir d’autres tests virologiques autorisés (RT-PCR, RT-LAMP).
S’agissant des tests sérologiques, le protocole sanitaire précité précise que « les indications définies par les autorités sanitaires à ce stade ne permettent pas d’envisager des campagnes de tests sérologiques par les entreprises ».
Bénéficiaires des tests
Sont bénéficiaires des tests antigéniques mis en place dans l’entreprise :
-
- en priorité, les personnes symptomatiques, à condition que le test soit réalisé dans un délai inférieur ou égal à quatre jours après le début des symptômes et les personnes asymptomatiques lorsqu’elles sont personnes contacts (au sens de la définition de Santé publique France) identifiées isolément ou au sein d’un cluster ;
-
- à titre subsidiaire, les personnes asymptomatiques, dans le cadre d’un diagnostic, lorsque les professionnels de santé l’estiment nécessaire.
En outre, des dépistages collectifs par des tests antigéniques peuvent être organisés par un employeur au sein de populations ciblées en cas de suspicion de cluster, de cluster avéré ou de circulation particulièrement active du virus dans le département où est située l’entreprise. En cas de cluster avéré, l’Agence Régionale de Santé (ARS) doit être immédiatement prévenue et les modalités de gestion doivent être arrêtées de concert avec elle. L’ARS procède ensuite à un dépistage des personnes concernées via un test RT-PCR.
Conditions de réalisation des tests en entreprise
Les opérations de dépistage collectif organisées dans l’entreprise doivent être préalablement déclarées au représentant de l’État dans le département et à l’ARS sur un portail de déclaration en ligne, au moins deux jours ouvrés avant le lancement de l’opération. Ce point de contact conseille les entreprises concernées dans la mise en place de leurs dispositifs de dépistage, contrôle leur déclaration de mise en place et les tient informées de l’évolution des recommandations sanitaires en matière de dépistage.
En cas de cluster suspecté ou avéré, le dépistage peut débuter dès réception de la déclaration, en lien avec l’ARS.
Une organisation dans le respect des règles sanitaires
Les entreprises doivent veiller à ce que l’organisation de ces tests ait lieu dans le respect de l’ensemble des règles fixées par l’arrêté du 10 juillet 2020 modifié et de ses annexes, en particulier en ce qui concerne la sécurité sanitaire (fourniture d’équipements de protection individuelle aux professionnels de santé, aménagement de locaux pour garantir la salubrité et la confidentialité des tests) et l’élimination des déchets.
Une information préalable des instances de représentation du personnel recommandée
La circulaire recommande aux entreprises qui décident de proposer des actions de dépistage d’informer préalablement le comité social et économique (CSE) mais aussi les salariés.
Cette information peut notamment porter sur la situation, les mesures de prévention retenues et, dans la mesure du possible, les conditions dans lesquelles ces actions seront menées au sein de l’entreprise, notamment les garanties apportées s’agissant du strict respect du volontariat et du secret médical.
Un dépistage réalisé sur la base du volontariat
La réalisation des tests de dépistage par les entreprises s’effectue sur la base du volontariat et dans le strict respect du secret médical. Le professionnel de santé doit donc recueillir l’accord libre et éclairé du salarié après une information claire, loyale et appropriée.
En cas de refus du salarié de se soumettre à un test de dépistage, l’employeur ne peut le sanctionner disciplinairement ni lui interdire de rejoindre son poste, y compris en maintenant son salaire. En outre, ce refus ne peut entraîner de conséquences financières pour le salarié.
Enfin, l’employeur ne peut recenser les salariés qui se font tester ni enregistrer de données personnelles relatives à l’état de santé des salariés.
Une réalisation en lien avec le service de santé au travail
L’employeur doit associer le service de santé au travail (SST) à la mise en place de ce dispositif en priorité lorsqu’il est disponible. A cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020, qui prolonge les dispositions visant à adapter les missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire jusqu’au 16 avril 2021, prévoit que les SST contribuent à la lutte contre la propagation du Covid-19 notamment par la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’Etat.
Dans le cas où le SST n’est pas en mesure d’accéder à toutes les sollicitations des entreprises en raison d’un manque de ressource disponible, l’entreprise peut faire appel à d’autres professionnels de santé (infirmier ou médecin libéral, laboratoire, pharmacien, etc.). Dans tous les cas, il est souhaitable que les entreprises informent leur SST de la mise en place d’une telle action, de façon à pouvoir être conseillées utilement.
Le prélèvement peut être réalisé par un médecin, y compris un médecin du travail, un chirurgien-dentiste, un maïeuticien, un pharmacien, un masseur-kinésithérapeute ou un infirmier. Il peut également être effectué, sous la responsabilité d’un de ces professionnels, et avec toutes les précautions nécessaires à la manipulation du virus, par tout professionnel autorisé et formé en application de l’article 26-1, II, de l’arrêté du 10 juillet 2020.
Une prise en charge des frais par l’employeur
L’approvisionnement en tests est réalisé directement par les entreprises qui en supportent seules le coût. Aucune participation financière à ces campagnes de dépistage ne peut être demandée aux salariés. La circulaire recommande aux entreprises d’acquérir des tests antigéniques dont le coût unitaire n’excède pas 8,05 euros, coût correspondant au montant maximum remboursé aux pharmacies par l’assurance maladie (en application de l’article 18 de l’arrêté du 10 juillet 2020 modifié).
Si l’entreprise recourt à des professionnels de santé libéraux, ces derniers ne peuvent pas facturer leur intervention à l’Assurance Maladie, leur rémunération devant être supportée par l’entreprise à l’initiative de l’opération.
Résultats des tests
Les tests réalisés sont couverts par le secret médical et seul le salarié concerné a accès au résultat. En application du règlement général pour la protection des données (RGPD), l’employeur ne peut en aucun cas avoir connaissance du résultat des tests pratiqués, il ne peut pas non plus accéder à des informations statistiques dès lors que celles-ci sont de nature à permettre d’identifier, directement ou indirectement, les salariés contaminés.
Les résultats sont rendus sous la responsabilité d’un médecin, d’un chirurgien-dentiste, d’un maïeuticien, d’un pharmacien, d’un masseur-kinésithérapeute ou d’un infirmier :
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- en cas résultat positif, le professionnel de santé doit orienter le salarié vers son médecin traitant, lui rappeler la nécessité de s’isoler sans délai, d’appliquer les consignes sanitaires qui lui seront délivrées et l’inviter à informer son employeur du résultat afin de faciliter le contact tracing. Comme le rappelle la circulaire, le salarié, auquel le secret médical n’est pas opposable, peut toujours révéler le résultat du test à son employeur. Le salarié testé positif en dehors de l’entreprise est aussi encouragé à transmettre le résultat du test au médecin du travail ou à son employeur ou à donner son consentement pour que les résultats du test leur soient communiqués ;
-
- en cas de résultat négatif et compte tenu de la possibilité de faux-négatifs, le professionnel de santé rappelle au salarié que les gestes barrière (port du masque, distanciation sociale notamment) doivent être strictement respectés. Pour les personnes symptomatiques âgées d’au moins 65 ans et celles qui présentent un risque élevé de développer une forme grave de Covid-19, dont le résultat est négatif, une consultation médicale et une confirmation par un test RT-PCR sont fortement recommandées.
En tout état de cause, les résultats du test doivent impérativement être saisis le jour-même, par les professionnels de santé, dans l’application « SI-DEP » institué par le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020.
La circulaire rappelle que l’employeur ne peut imposer au salarié de fournir un test négatif préalablement à son retour au travail du fait, d’une part, de l’interdiction de mesures discriminatoires en raison de l’état de santé (C. trav., art. L.1132-1) et, d’autre part, de la protection de la vie privée du salarié (C. trav., art. L.1121-1), mais aussi de l’interdiction de récolter et de traiter de manière automatisée ou non des données de santé sur les salariés (règles CNIL/RGPD).
Dans les prochaines semaines, les entreprises devraient être appelées à prendre une part active dans le déroulement des campagnes de vaccination contre le Covid-19. La ministre du Travail a en effet déclaré, le 5 janvier 2021, que « les entreprises qui participent à la stratégie de vaccination contre la grippe pourront le moment venu participer à celle contre le Covid-19 et seront mises à contribution quand la vaccination sera généralisée ». Ainsi, avec la crise sanitaire actuelle, la distinction entre santé au travail et santé tout court, déjà sérieusement écornée avec la lutte contre le tabac et l’alcool, tend à s’estomper davantage.
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