Les élections du comité social et économique : synthèse de la jurisprudence de la Cour de cassation du second semestre 2020
9 décembre 2020
Les élections du comité social et économique (CSE) sont souvent la source de contentieux. Il est vrai que les enjeux, notamment en termes de représentativité syndicale et de perspective pour les organisations syndicales de jouer – ou non – un rôle déterminant dans le dialogue social au sein de l’entreprise, sont importants.
En cette fin d’année 2020, un éclairage mérite d’être porté sur les décisions rendues par la Cour de cassation au cours du second semestre, lesquelles ont tranché de nombreuses problématiques en lien avec les élections professionnelles, telles que l’appréciation des établissements distincts, la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes lors de l’établissements des listes de candidats (dont elle a fait la part belle), les opérations électorales stricto sensu, le pouvoir du juge par rapport au contenu du protocole d’accord préélectoral, le délai de saisine du juge électoral, etc.
Retour sur cinq mois de jurisprudence.
La détermination d’établissements distincts pour l’organisation des élections du CSE
Les conditions entourant la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour la mise en place de CSE au sein de ces établissements sont définies aux articles L.2313-1 et suivants du Code du travail.
Dans une affaire jugée le 8 juillet 2020 (n°19-11.918), à la suite de l’échec des négociations avec les organisations syndicales représentatives pour la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, l’employeur a, par décision unilatérale, fixé ce nombre à 20, et délimité le périmètre de ces établissements. Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), par plusieurs décisions implicites et via une décision explicite, a rejeté les recours formés contre cette décision unilatérale. Le Tribunal d’instance a accueilli la contestation formée par plusieurs organisations syndicales contre la décision du DIRECCTE et a fixé, dans des termes identiques à la décision unilatérale de l’employeur, le nombre et le périmètre des établissements au sein de l’entreprise.
A l’appui du pourvoi en cassation qu’elles ont formé, les organisations syndicales ont soutenu :
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- que selon l’article L ?2313-4 du Code du travail, en l’absence d’accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L.2313-2 et L.2313-3 dudit code, l’employeur fixe le nombre et le périmètres des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ;
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- que l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement doit nécessairement être appréciée au regard de l’organisation réelle et effective de l’entreprise au jour de la décision de l’employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ;
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- qu’en se fondant, pour juger que le nombre et le périmètre des établissements distincts de la société étaient déterminés dans les termes de la décision unilatérale de l’employeur, sur des délégations de pouvoir établies postérieurement à ladite décision unilatérale et à sa contestation par les organisations syndicales auprès de la DIRECCTE, à un moment où le nombre et le périmètre des établissements distincts de l’entreprise ne pouvaient avoir été fixés par l’employeur au regard d’une organisation et d’une répartition des compétences qui n’existaient pas au jour de sa décision, le tribunal a violé l’article L.2313-4 du Code du travail,
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- que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts doit prioritairement intervenir via un accord collectif loyalement négocié,
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- que ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise que l’employeur, puis en cas de contestation l’administration et le cas échéant le juge, fixent le nombre et le périmètre des établissements distincts ;
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- qu’en l’espèce, la dernière réunion de négociation est intervenue le 28 août 2018 et la décision unilatérale de l’employeur a été prise le 7 septembre 2018 ;
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- que durant cette période, les partenaires sociaux ont négocié le nombre et le périmètre des établissements distincts selon une organisation de l’entreprise dans laquelle les directeurs de magasins disposaient de larges délégations de pouvoirs en matière de gestion du personnel [« embauches, sanctions y compris licenciement du personnel cadre de votre magasin »] et d’exécution du service ;
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- que les délégations de pouvoirs des directeurs de magasin ont été réduites par de nouvelles délégations postérieurement à la clôture de la négociation ;
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- qu’en jugeant qu’il lui appartenait d’apprécier « le découpage des établissements distincts au regard de l’organisation actuelle de la société, même si cette organisation a connu des modifications récentes », alors qu’il ne pouvait statuer sur une situation de l’entreprise qui était méconnue des organisations syndicales et qui n’a pas été prise en compte lors des négociations, sauf à vider de toute substance la priorité donnée à l’accord collectif pour la mise en place des établissements distincts, le tribunal a violé les articles L.2313-2, L.2313-4 et L.2313-5 du Code du travail, ainsi que le principe de loyauté dans la négociation collective.
La Cour de cassation, aux termes de l’arrêt précité du 8 juillet 2020, a estimé qu’il résultait de l’article L.2313-5 du Code du travail que, lorsqu’il est saisi de contestations portant sur la décision de l’autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la légalité de cette décision au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative et, en cas d’annulation de cette dernière décision, de statuer à nouveau, en fixant ce nombre et ce périmètre d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue.
Faisant application de ce principe à la situation d’espèce qui lui était soumise, la Haute Cour a rejeté le pourvoi formé par les organisations syndicales en estimant :
« Et attendu que, après avoir accueilli la contestation de la décision explicite de rejet de l’autorité administrative du 26 novembre 2018, le tribunal d’instance, statuant à nouveau, a constaté que les délégations de pouvoir établies le 1er octobre 2018 pour les directeurs de magasin mentionnent uniquement l’application de la réglementation en matière de gestion individuelle du personnel, que ne sont donc plus déléguées aux directeurs de magasin les compétences relatives aux procédures disciplinaires, y compris les licenciements, et à la procédure d’embauche, que le processus de recrutement en place depuis le mois d’avril 2016 est tel que ces directeurs ne jouissent plus que d’un pouvoir de proposition d’embauche, la décision relevant des directions régionales et nationales, que, depuis le mois de juillet 2018, ces directeurs sont privés de tout pouvoir de prononcer des sanctions autres que des rappels à l’ordre et des avertissements, les sanctions les plus graves ressortant, in fine, au niveau supérieur, en sorte que, le recrutement et les procédures disciplinaires relevant de la compétence des services des ressources humaines régionaux ou nationaux, il n’existe pas à l’échelon des magasins une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel pour retenir que chaque magasin constitue un établissement distinct ».
La représentation équilibrée entre les femmes et les hommes lors de l’élaboration des listes de candidats
Ce sujet a donné lieu à plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation, sur lesquelles il sera successivement revenu.
Rappel des principes
a/ Il ressort de l’alinéa 1er (première phrase) de l’article L.2314-30 du Code du travail que, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L.2314-29 du même code qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
En application de l’article L.2314-32 du même code, la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues ci-avant entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge doit alors annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
b/ Par ailleurs, les listes de candidats sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (article L.2314-30, alinéa 1er, deuxième phrase). L’article L.2314-32 précité mentionne que la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de ces prescriptions entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions.
Illustrations jurisprudentielles de ces principes
a/ Dans une affaire tranchée le 25 novembre 2020 (n°19-60.222), la Cour de Cassation a jugé que les dispositions de l’article L.2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquaient aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Ces dispositions ne s’appliquent pas en revanche aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.
Une telle position de la Cour de Cassation est pour le moins surprenante pour ne pas dire contraire aux textes. En effet l’article L 2314-30 du Code du travail vise les listes de candidatures mentionnées à l’article L.2314-29 du Code du travail, lesquels s’entendent, selon ce dernier article, aussi bien des listes syndicales que des listes composées de candidatures libres !
b/ Aux termes d’un arrêt en date du 30 septembre 2020 (n°19-15.505) la Cour de cassation a tout d’abord estimé que l’annulation de l’élection d’un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, seule sanction prévue par les dispositions combinées des articles L.2314-30 alinéa 1er (première phrase) et de l’article L.2314-32 (alinéa 3) du Code du travail, ne faisait perdre au salarié élu son mandat de membre du CSE qu’à compter du jour où elle était prononcée, et restait sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles.
Elle en a ensuite déduit qu’ayant constaté que l’élection d’une salariée en qualité de membre titulaire du comité social et économique au titre du premier collège avait été annulée à raison du non-respect, par la liste présentée par l’organisation syndicale sur laquelle il figurait, des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes, le tribunal d’instance en a exactement déduit que cette annulation était sans effet sur sa candidature.
c/ Dans une affaire jugée le 9 septembre 2020 (n°19-18.900), la Cour de cassation a apporté quelques enseignements supplémentaires en spécifiant :
-
- que lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L.2314-30 du Code du travail, c’est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ;
-
- que lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, il résulte de l’article L.2314-30 du Code du travail que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ;
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- que les dispositions de l’article L.2314-30 sont d’ordre public absolu, de telle sorte que le protocole préélectoral ne peut y déroger ;
-
- qu’en revanche, lorsque l’organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cing provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s’agissant de textes d’ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir,
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- qu’en application du troisième alinéa de l’article L.2314-32 du Code du travail, la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l’article L.2314-30 entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter,
-
- que dans ce cas le juge doit annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
d/ Dans une affaire tranchée le 1er juillet 2020 (n°19-17.615), un employeur a organisé les élections pour la mise en place du CSE et signé avec plusieurs syndicats, le 7 janvier 2019, un protocole préélectoral indiquant, s’agissant du 2e collège électoral, la présence de 21 % de femmes et 79 % d’hommes, soit, au regard des deux postes à pourvoir, un pourcentage de 0,42 siège pour les femmes. Le protocole préélectoral précisait par ailleurs que les listes devraient comporter un candidat homme et une candidate femme.
Le syndicat CFDT a déposé, pour les élections dont le premier tour était fixé au 15 mars 2019, une liste comportant deux candidats hommes sur les listes titulaires et suppléants. Tous les candidats ont été élus.
Le syndicat CGT a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de l’élection du second élu titulaire et du second élu suppléant présentés sur la liste CFDT.
Le Tribunal d’instance a fait droit à cette demande d’annulation.
Le syndicat CFDT et quatre de ses élus ont formé un pourvoi en cassation. Ils ont fait grief au jugement d’avoir fait droit à la demande d’annulation présentée par le syndicat CGT alors, selon eux :
-
- que la règle de représentation proportionnelle aux élections professionnelles est respectée lorsque les listes de candidatures sont composées conformément à la règle légale d’arrondi arithmétique, peu important à cet égard les dispositions du protocole préélectoral ;
-
- qu’en l’espèce le second collège, dans lequel deux titulaires et deux suppléants devaient être élus et qui comprenait 24 salariés, était composé de 21 % de femmes et de 79 % d’hommes, ce dont il résultait qu’en application de la règle légale d’arrondi arithmétique les listes électorales pouvaient être composées de deux hommes (1,58) et d’aucune femme (0,42) ;
-
- qu’en annulant néanmoins sur chacune des listes de titulaires et de suppléants l’élection des seconds candidats de sexe masculin présentés par le syndicat CFDT, au motif que la règle d’arrondi conduisait à exclure la représentation du sexe féminin et que le protocole d’accord préélectoral pouvait imposer aux organisations syndicales de présenter sur chaque liste un homme et une femme, le tribunal, qui a appliqué non pas une règle de représentation proportionnelle, mais de parité, a violé par fausse application les articles L.2314-30 et L.2314-32 du Code du travail ;
-
- qu’à l’impossible nul ne peut être tenu et qu’en l’espèce, si le protocole d’accord préélectoral prévoyait la présence d’un candidat de chaque sexe sur les listes électorales de titulaires et de suppléants au sein du second collège électoral, le syndicat CFDT était dans l’impossibilité de présenter la candidature d’un femme sur ses listes électorales puisque le collège était composé de seulement cinq femmes, et que deux d’entre elles étaient inéligibles, tandis que les trois autres ont expressément refusé de se porter candidates, abandonnant ainsi leur droit d’être élues ;
-
- qu’en annulant néanmoins les secondes candidatures de sexe masculin présentées par le syndicat CFDT au motif qu’il ne pouvait « ‘être tenu compte des circonstances de fait qui expliquent la composition des listes », le tribunal a violé le principe susvisé et exigé du syndicat l’impossible.
La réponse de la Cour de cassation, exprimée dans l’arrêt précité du 1er juillet 2020 au visa de l’article L.2314-30 du Code du travail, a été la suivante :
-
- lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L.2314-30 du Code du travail, c’est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré, et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ;
-
- lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ;
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- les dispositions de l’article L.2314-30 du Code du travail étant d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger ;
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- pour dire irrégulière la liste présentée par le syndicat CFDT, le tribunal d’instance a énoncé que le protocole préélectoral prévoyait que les listes devaient être constituées d’un homme et d’une femme et que, ce faisant, le protocole n’a pas méconnu les dispositions de l’article L.2314-30 du Code du travail mais au contraire fait application de l’avant dernier alinéa de l’article L.2314-30, les organisations syndicales devant dès lors présenter un homme et une femme sur les listes titulaires et suppléants ;
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- en statuant comme il l’a fait, alors que les femmes ne représentaient que 21 % des effectifs du deuxième collège soit, pour deux sièges à pourvoir, un pourcentage en application de la règle de l’arrondi ne donnant droit à aucun siège, ce qui autorisait le syndicat à présenter, soit deux candidats du sexe majoritairement représenté, soit un candidat de chacun des deux sexes, soit un candidat unique du sexe surreprésenté, le tribunal d’instance a violé, par fausse application, l’article L.2314-30 précité.
La Cour de cassation a retenu la même analyse dans une autre décision en date du 1er juillet 2020 (n°19-14.879).
e/ Dans une dernière affaire jugée le 1er juillet 2020 (n°19-14.222), en vue des élections professionnelles organisées pour la mise en place du CSE au sein d’un établissement, a été signé le 12 octobre 2018 un protocole d’accord préélectoral aux termes duquel le deuxième collège électoral « agents de maîtrise » était composé de 28,4% de femmes et de 71,6 % d’hommes. Quatre sièges étaient à pourvoir.
Lors du premier tour de scrutin, le 22 novembre 2018, ont été élus au titre du deuxième collège, M. R… et M. M…, en qualité respectivement de membre titulaire et de membre suppléant, présentés par le syndicat UNSA sur des listes comportant, chaque fois, leur seul nom.
Le syndicat CFDT et plusieurs salariés ont saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de l’ensemble des élections au sein du troisième collège « cadres » et de l’élection des deux élus au sein du deuxième collège « agents de maîtrise », au motif qu’ils étaient présentés sur des listes ne respectant pas les règles de la représentation proportionnée des femmes et des hommes.
Le tribunal d’instance a rejeté la demande d’annulation de l’élection de M. R… et de M. M…
Le syndicat CFDT et les salariés ont formé un pourvoi en cassation. Ils font grief au jugement d’avoir rejeté leur demande en arguant que :
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- les conditions et les sanctions instituées par les articles L.2314-30 et L.2314-32 du Code du travail s’appliquent à chacune des listes de candidats, lesquelles doivent respecter la proportion de femmes et d’hommes et le principe d’alternance ;
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- le tribunal, après avoir constaté que la liste présentée par le syndicat UNSA ne comptait qu’un homme et ne respectait pas les dispositions légales, a rejeté la demande d’annulation en tenant compte de la proportion d’hommes et de femmes toutes listes confondues ;
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- qu’en statuant comme il l’a fait, alors que le respect des dispositions légales devait être apprécié en fonction de chaque liste, et non toutes listes confondues, le tribunal a violé les articles L.2314-30 et L.2314-32 du Code du travail.
La Cour de cassation, dans l’arrêt précité du 1er juillet 2020, a répondu ce qui suit, au visa des articles L.2314-30 et L.2314-32 du Code du travail :
-
- lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L.2314-30 du Code du travail, c’est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ;
-
- lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, il résulte de l’article L.2314-30 du Code du travail que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ;
-
- les dispositions de l’article L.2314-30 étant d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger ;
-
- en revanche, lorsque l’organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s’agissant de textes d’ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir ;
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- le respect de ces règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes s’impose, par liste, à toute liste de candidats présentée par une organisation syndicale, indépendamment de la répartition selon leur sexe de l’ensemble des élus dans le collège considéré, toutes listes confondues ;
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- pour rejeter la demande d’annulation de l’élection de M. R… et de M. M… en qualité, respectivement, de membre titulaire et de membre suppléant, du deuxième collège, « agents de maîtrise », le jugement a retenu :
– que la liste litigieuse n’a pas respecté la proportionnalité ou l’ordre ;
– que la question était de savoir si, compte-tenu des résultats, les élus étaient ou non en nombre hommes/femmes correspondant à la proportionnalité ;
– qu’il ne suffit pas pour ordonner l’annulation que la liste litigieuse n’ait pas respecté la proportionnalité ou l’ordre, auquel cas le législateur aurait prévu une saisine des tribunaux dès l’affichage des listes ;
– qu’encore faut-il que, compte-tenu des résultats, les élus ne soient pas en nombre hommes/femmes correspondant à la proportionnalité ;
– qu’il résulte des procès-verbaux des élections que, s’agissant des membres titulaires du collège « techniciens et agents de maîtrise », dit deuxième collège, quatre candidats ont été élus, dont une femme et trois hommes dont M. R… ;
– que les élus étaient donc en nombre hommes/femmes correspondant à la proportionnalité de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’annulation de l’élection de M. R…. ;
– que s’agissant des membres suppléants du même collège, quatre candidats ont été élus, dont deux femmes et deux hommes, parmi lesquels M. M…, ;
– que les élus suppléants étaient en nombre hommes/femmes ne correspondant pas à la proportionnalité, mais l’annulation de l’élection de M. M… ne permettrait pas de résoudre l’irrégularité puisque l’élue en surnombre était une femme, et que le tribunal n’était pas saisi de l’annulation de l’élection de Mme E…, élue CFDT.
– qu’en statuant comme il l’a fait, alors qu’il avait constaté qu’eu égard à la proportion des femmes et des hommes pour le deuxième collège fixée par le protocole d’accord préélectoral, les organisations syndicales étaient tenues de présenter une liste conforme à l’article L.2314-30 du Code du travail, c’est-à-dire comportant nécessairement une femme et trois hommes pour quatre sièges à pourvoir, ou en cas de liste incomplète, une liste comportant au moins un homme et une femme, et que la liste présentée par le syndicat UNSA ne comptant qu’un homme ne respectait pas ces dispositions, le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé par fausse application les articles L.2314-30 et L.2314-32 précités.
Les élections
La présence de stylos dans les isoloirs
Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt en date du 16 septembre 2020 (n°19-16.355), le Tribunal d’instance a retenu que la présence de stylos dans les isoloirs ne contrevenait pas au protocole d’accord préélectoral, et que rien ne permettait en l’état de démontrer que cela aurait entraîné une confusion chez les électeurs.
A l’appui du pourvoi qu’ils ont formé à l’encontre du jugement ainsi rendu, un syndicat et plusieurs salariés ont soutenu :
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- que les irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin constituent une cause d’annulation lorsqu’elles sont directement contraires aux principes généraux du droit électoral, lorsqu’elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou lorsque, s’agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, ou du droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical ;
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- qu’en statuant comme il l’a fait, sans rechercher, comme il y était invité, si le nombre considérable de bulletins déclarés non valables n’était pas imputable à la présence de stylos dans les isoloirs sans que les électeurs, dont certains étaient handicapés, aient bénéficié de mesures utiles pour connaître les modalités de vote, ce qui avait exercé une influence décisive sur le scrutin puisque 111 bulletins avaient été déclarés non valables, tandis que le quorum n’avait pas été atteint à 9 voix près au premier tour, entraînant l’organisation d’un second tour, le tribunal a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L.2314-26, L.2314-29 et L.2314-32 du Code du travail.
La Cour de cassation a estimé que le tribunal qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, a constaté que rien ne permettait de démontrer que la présence de stylos dans les isoloirs avait entraîné une confusion chez les électeurs, n’encourait pas le grief du moyen. Le pourvoi a donc été rejeté.
Les bulletins nuls
Dans l’affaire ci-dessus tranchée le 16 septembre 2020 (n°19-16.355), le protocole d’accord préélectoral stipulait qu’étaient nuls et ne devaient pas être comptés comme suffrages valablement exprimés, les bulletins comportant des signes distinctifs comme une croix devant un nom, un ordre de candidats modifié, des noms ajoutés, des bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe, des bulletins dans des enveloppes non réglementaires, plusieurs bulletins différents dans une même enveloppe.
Le tribunal d’instance a également considéré comme nuls les bulletins sur lesquels des noms ont été entourés.
Un syndicat et plusieurs salariés, à l’appui du pourvoi qu’ils ont formé, ont estimé qu’en ajoutant au protocole des causes de nullité qu’il ne prévoyait pas, le tribunal a violé les articles L.2314-26, L.2314-29 et L.2314-32 du Code du travail et 1103 du Code civil.
Dans son arrêt précité du 16 septembre 2020, la Haute Cour a indiqué :
-
- que le juge ne devait pas dénaturer les documents de la cause ;
-
- que le protocole d’accord préélectoral prévoyait un nombre limité de cas dans lesquels étaient nuls les bulletins comportant des signes distinctifs, au nombre desquels ne figuraient pas les bulletins sur lesquels des noms étaient entourés, de telle sorte que le tribunal a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d’accord préélectoral ;
-
- que le Tribunal d’instance, qui a « validé » les élections du CSE, ne pouvait donc retenir, comme il l’a fait :
– que le protocole d’accord préélectoral définissait comme nul tout bulletin porteur de signes distinctifs, la liste visée n’étant pas exhaustive au regard du terme « comme » ;
– que seuls les bulletins porteurs de rature faisaient donc l’objet d’une règle différente conformément aux dispositions du Code du travail ;
– que ce faisant devait être jugé nul un bulletin sur lequel des noms ont été entourés, ceci constituant un signe distinctif, et ce en conformité avec les règles adoptées par les organisations syndicales dans le protocole.
Le délai de contestation des élections
Le Tribunal judiciaire doit être saisi, notamment :
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- dans le délai de 3 jours suivant la publication des listes électorales en cas de contestation portant sur l’électorat (article R 2314-24 alinéa 2 du Code du travail) ;
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- dans le délai de 15 jours suivant l’élection lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection (article R 2314-24 dernier alinéa du Code du travail).
Il ne s’agit là que des délais principaux, étant précisé que d’autres délais et points de départ, concernant les élections professionnels, sont visés dans d’autres dispositions du Code du travail (exemples : contestation de la décision du DIRECCTE concernant la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel ; contestation des décisions de l’inspection du travail ayant autorisé des dérogations aux conditions d’ancienneté pour être électeur et/ou éligible, etc.).
Dans une affaire ayant conduit à l’arrêt de la Cour de cassation du 9 septembre 2020 (n°19-19.322), le Tribunal d’instance a déclaré l’action et les demandes d’un syndicat irrecevable motif pris qu’il lui appartenait d’engager son action dans le délai de trois jours dès lors qu’il s’agissait, selon lui, d’un litige concernant les listes électorales.
A tort selon la Cour de cassation qui a estimé au contraire :
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- qu’en application de l’article R 4314-24 du Code du travail, la contestation qui porte sur la participation d’une catégorie de personnel déterminée aux opérations électorales est susceptible d’affecter la régularité des élections et celle relative au vote par correspondance sont recevables dans le délai de contestation de l’élection (soit concrètement dans les 15 jours suivant l’élection) ;
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- qu’en statuant comme il l’a fait, alors qu’il avait constaté que l’action du syndicat portait d’une part sur la contestation de la non-prise en compte des salariés en transition d’activité et des salariés mis à disposition, d’autre part sur la non-prise en compte des votes par correspondance, ce dont il aurait dû déduire qu’elle portait sur la participation d’une catégorie de personnel déterminée aux opérations électorales et sur la régularité de ces opérations, le tribunal d’instance a violé l’article R 4314-24 précité.
Dans une autre affaire tranchée le 9 septembre 2020 (n°19-60.196), la Cour de cassation a jugé que la contestation d’une candidature aux élections du CSE, quels qu’en soient les motifs, se rattachait à la régularité des opérations électorales et pouvait donc être introduite jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la proclamation des résultats.
Dans l’affaire ainsi jugée, le Tribunal d’instance avait déclaré une salariée irrecevable en son action en retenant que la contestation, fondée sur l’article L.2314-30 du Code du travail (représentation équilibrée entre les femmes et les hommes) qui définit la composition des listes pour chaque collège électoral, portait sur l’électorat et devait être élevée dans les trois jours de la publication de la liste électorale.
A tort selon la Haute Cour, qui a estimé que la contestation portant sur la composition des listes de candidats relevait de la contestation de la régularité de l’élection et non d’une contestation relative à l’électorat, et pouvait être formée dans le délai de quinze jours à compter de la proclamation des résultats.
L’application du droit public aux élections professionnelles organisées par le syndicat Intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG)
Dans une affaire tranchée par la Cour de cassation le 9 septembre 2020 (n°18-19.554), il était question de savoir s’il devait être fait application, s’agissant des élections du CSE organisées par le syndicat Intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), des dispositions du droit privé (Code du travail) ou du droit public.
Ledit syndicat Intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe a convoqué les organisations syndicales, puis négocié et signé avec celles-ci un protocole d’accord préélectoral. Une organisation syndicale (UTC-UGTG) a saisi le tribunal d’instance aux fins de solliciter l’annulation des élections et, à titre subsidiaire, de dire qu’elles devaient être organisées dans un cadre de droit public.
Le Tribunal d’instance a estimé que le SIAEAG se présentait comme un établissement public de coopération intercommunale, et qu’à ce titre il était soumis aux dispositions applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Il a donc annulé les élections des membres du CSE qui se sont déroulées selon les règles du droit privé.
A juste titre selon la Cour de cassation, qui a estimé que les statuts du SIAEAG définissaient le SIAEAG comme un syndicat mixte relevant des dispositions de l’article L.5711-1 du Code général des collectivités territoriales. C’est donc à bon droit que le Tribunal d’instance a retenu que le SIAEAG était un syndicat intercommunal, et qu’à ce titre les règles propres aux collectivités territoriales en matière de représentation du personnel s’appliquaient à lui.
Le contentieux des élections professionnelles est exempt de dépens
Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 30 septembre 2020 (n°19-15.505), la Cour de cassation a rappelé qu’en matière d’élections professionnelles, il est statué sans frais.
De telle sorte que le tribunal judiciaire, statuant en cette matière, ne peut condamner l’une ou l’autre des parties aux dépens.
L’annulation des élections n’a pas d’effet rétroactif
Aux termes d’un arrêt en date du 1er juillet 2020 (n°19-15.974), la Cour de cassation a rappelé qu’en application d’une jurisprudence constante, l’annulation ou le constat de la nullité des élections professionnelles n’avait pas de caractère rétroactif.
Article publié dans Les Echos Executives le 09/12/2020
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