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Détachement : ce qui a changé le 30 juillet 2020

Détachement : ce qui a changé le 30 juillet 2020

Les dispositions prises en droit français pour transposer la directive de 2018 sur le détachement transnational de salariés dans le cadre d’une prestation de services sont entrées en vigueur le 30 juillet 2020, sauf pour les conducteurs du transport routier dont les détachements restent régis par les dispositions antérieures du Code du travail.

Ces nouvelles règles sont issues de trois textes : l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019, complétée par le décret et l’arrêté du 28 juillet 2020.

 

Lutte contre le dumping social et renforcement des droits des travailleurs détachés

« Depuis 10 ans, le recours au travail détaché en France a plus que doublé. La nature dérogatoire et temporaire de ce dispositif a, dans certains cas, été dévoyée et certains travailleurs sont accueillis dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Cette directive, pour laquelle nous nous sommes battus, oblige tous les Etats membres à veiller à ce que les travailleurs détachés aient le même niveau de rémunération que les travailleurs français. C’est une étape importante ! » a déclaré Madame Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion.

La transposition de la « directive détachement » répond donc à deux objectifs principaux que sont le renforcement des droits des travailleurs et la lutte contre le dumping social par un renforcement des obligations des entreprises.
Les principales nouveautés sont décrites ci-après.

 

Rémunération des travailleurs détachés et remboursement des frais professionnels

L’article L.1262-4 du Code du travail prévoit un « noyau dur » de règles applicables aux salariés étrangers détachés sur le territoire national, afin de leur garantir une égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national.

Jusqu’alors, l’employeur du salarié détaché en France devait garantir à ce dernier une égalité de traitement en matière de « salaire minimum ». L’ordonnance n° 2019-116 a renforcé les droits applicables aux salariés détachés en France puisque le nouvel article L.1262-4 du Code du travail prévoit désormais que ces salariés bénéficient des règles applicables en matière de « rémunération ».
Les salariés détachés ne bénéficieront donc plus seulement du SMIC ou du minimum conventionnel mais bien de tous les éléments de rémunération obligatoires en France en application des dispositions légales ou des accords de la branche d’activité concernée.

Par ailleurs, l’ordonnance n° 2019-116 a ajouté à ce noyau dur de droits, les remboursements effectués au titre des frais professionnels en matière de transport, de repas et d’hébergement, dont les modalités de prise en charge sont fixées par le décret n°2020-916.

 

« Noyau dur » de droits en cas de détachement de plus de 12 mois

En application de l’article L.1262-4 du Code du travail tel que modifié par l’ordonnance n° 2019-116, deux phases doivent désormais être distinguées en matière de droits applicables aux salariés détachés en France.

En effet, lors des 12 premiers mois de son détachement en France, le salarié détaché bénéficie du « noyau dur » de droits tel que défini à l’article L.1262-4 du Code du travail (durée du travail, exercice du droit de grève, rémunération, protection de la maternité, etc.).

Après 12 mois de détachement en France, l’ordonnance prévoit que l’employeur doit respecter toutes les dispositions du Code du travail français, à l’exception de celles relatives à la conclusion, à l’exécution, au transfert et à la rupture du contrat de travail, à sa modification pour motif économique, à la mobilité volontaire, au contrat à durée déterminée, au contrat de mission à l’exportation, au contrat de chantier ou d’opération ainsi qu’aux chèques et titres simplifiés de travail.

L’ordonnance prévoit néanmoins la possibilité pour l’employeur, lorsque l’exécution de la prestation le justifie, de demander la prorogation de l’application du seul noyau dur de droits pour une durée d’au plus six mois supplémentaires (soit 18 mois au total). Pour ce faire, il doit adresser une déclaration motivée à l’Administration avant l’expiration du délai de 12 mois.

 

Déclaration de détachement

Le décret n° 2020-916 procède à plusieurs modifications permettant de tenir compte des évolutions du téléservice SIPSI et, en particulier, la mise en cohérence du contenu des déclarations préalables de détachement.

A titre d’exemple, le maître d’ouvrage doit désormais demander à chacun des sous-traitants directs ou indirects de ses cocontractants et à chacune des entreprises d’intérim détachant des salariés, avec laquelle un de ces sous-traitants ou cocontractants a contracté, non plus une copie de la déclaration de détachement mais son accusé de réception.

Ces accusés de réception doivent par ailleurs être annexés au registre unique du personnel et rendus accessibles aux membres du CSE, aux agents de contrôle, soit dans l’établissement, soit sur chaque chantier ou lieu de travail distinct de l’établissement pour ceux des travailleurs détachés qui y sont employés.

 

Refonte de la procédure d’interdiction du détachement en cas de non-paiement des amendes afin de renforcer la lutte contre la fraude

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoyait la possibilité pour le Direccte d’ordonner l’interdiction de détachement en cas de non-paiement d’une amende administrative infligée à un employeur ou un donneur d’ordres pour non-respect des règles du détachement.

Désormais, l’agent de contrôle qui constate un tel manquement transmet directement un rapport motivé au Direccte qui enjoint, par écrit, à l’employeur de faire cesser immédiatement le manquement en procédant au paiement des sommes dues, dès réception de l’injonction et l’invite directement (ou par son représentant), à présenter ses observations dans un délai de 3 jours à compter de la réception de cette invitation.

Le décret n°2020-916 prévoit la possibilité de réduire ce délai dans des circonstances exceptionnelles, sans qu’il puisse toutefois être inférieur à un jour.

A l’expiration du délai fixé, le Direccte peut notifier une interdiction temporaire de prestation de services, qui ne peut excéder deux mois.

 

Information de l’entreprise d’intérim concernant les règles applicables aux salariés détachés

L’entreprise utilisatrice établie hors de France qui détache des salariés mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire doit désormais informer cette dernière, par tout moyen et dans un délai raisonnable qui précède le détachement, du détachement de ces salariés en France ainsi que des règles qui leur sont applicables.

L’objectif de cette mesure est donc de permettre plus de transparence en cas de détachement « en chaînes ».

Dans un contexte où l’emploi est déjà fortement impacté par le Covid-19, il y a fort à penser que les Direccte seront particulièrement vigilantes quant au respect des nouvelles règles en matière de détachement, et ce afin de lutter contre toute forme de dumping social.

Article publié dans Les Echos Executives le 12/08/2020