La reprise en plan de cession : une modalité particulière d’acquisition d’entreprise, quel sort pour les salariés de la cible ?
24 décembre 2020
Lorsque l’entreprise ne peut se restructurer par ses propres moyens, la solution de restructuring à sa disposition est la cession totale ou partielle de son activité via un plan de cession intervenant en redressement ou en liquidation judiciaires.
La loi impose alors de choisir parmi les offres celle qui permet d’assurer, dans les meilleures conditions et le plus durablement, l’emploi affecté à l’activité cédée, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution (1).
Dans les faits, il existe une certaine prévalence du critère de la sauvegarde des emplois. La reprise de tout ou partie de l’activité est l’ultime solution pour éviter le licenciement de tous les salariés de l’entreprise en difficulté.
Pour le candidat repreneur, la défaillance de l’entreprise peut constituer une opportunité lui permettant de réaliser une opération de croissance externe dans des conditions intéressantes. Cette solution n’est toutefois pas exempte de risques : il s’agit en effet d’une cession forfaitaire et aléatoire sans garantie.
Le législateur a fait le choix de préserver les droits du salarié lorsque son poste est inclus dans le périmètre de l’offre d’un candidat repreneur.
En principe, la solution de restructuring ainsi mise en œuvre n’a aucun effet sur l’exécution du contrat de travail du salarié (2) : ce dernier est transféré dans toutes ses dispositions et s’impose à son nouvel employeur (ancienneté, salaire, organisation du temps de travail, etc.).
Cette règle d’ordre public s’applique dans le cadre de la reprise d’une entreprise à la barre du tribunal en plan de cession.
Le repreneur ne pourra alors utiliser la reprise pour réduire les droits que les salariés occupant les postes repris tiennent de leur contrat de travail.
La libre détermination des postes repris…
A la différence d’une reprise d’activité de droit commun, le repreneur est libre de déterminer le périmètre de son offre et doit indiquer les actifs et les postes qu’il souhaite y inclure.
Ne pèse sur lui aucune obligation de reprendre l’intégralité des postes, sous réserve des licenciements subséquents soumis à la procédure d’homologation/ validation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi qui, s’ils ne sont finalement pas autorisés, alourdiront le périmètre de reprise.
Le repreneur doit prendre garde à bien préciser les conditions dans lesquelles les salariés sont repris. En effet, si le transfert judiciaire des contrats de travail ne peut souffrir aucun tempérament, le repreneur peut exclure certains droits acquis des salariés (primes, congés payés, etc.) du périmètre de son offre.
Par principe, il n’est tenu que du passif social constitué à compter du transfert de la société. Sauf stipulation expresse de l’offre, les passifs antérieurs au transfert sont exclus et resteront à la charge de la procédure collective, tout comme le coût des licenciements pour motif économique des salariés non repris.
…Tempérée par la concurrence entre les offrants
Son offre sera mise en concurrence et le Tribunal de commerce tranchera en faveur de l’offre qu’il considérera la mieux-disante en fonction de sa libre appréciation des offres et des capacités des candidats repreneurs sur la base des critères précités.
De son côté, le tribunal, l’administrateur et/ou liquidateur judiciaires seront attentifs à tirer de chaque candidat les meilleures propositions, y compris en tentant de soulager la procédure collective de la charge de certains passifs sociaux.
Ainsi, il n’est pas rare qu’il soit demandé aux candidats de s’engager à prendre à leur charge certains droits acquis des salariés (congés, etc.). Les repreneurs peuvent aussi être encouragés à souscrire l’engagement de ne procéder à aucun licenciement pendant plusieurs mois ou à étendre la priorité de réembauchage.
Enfin, rappelons que les salariés, par l’intermédiaire de leur comité social et économique, donnent un avis sur les offres reprises (3) qui seront présentées au Tribunal et qu’il est, plus que tout, difficile de réussir une reprise «contre» les salariés.
Ainsi, la mise à l’écart de la règle de la reprise de tous les salariés attachés à l’activité acquise est certainement un attrait du plan de cession.
Cet attrait est maximal lorsque la recherche de repreneurs a pu se faire dans un cadre amiable (prépack) permettant d’anticiper la cession sans trop dégrader la valeur de l’entreprise.
1. L.642-5 du Code de commerce.
2. L.1224-1 du Code du travail.
3. L.642-5 du Code de commerce précité.
Article publié dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity du 24/12/2020
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