L’entretien professionnel obligatoire : quand un rendez-vous manqué peut coûter cher
26 septembre 2019
L’employeur rencontre les salariés sur des thèmes variés et en de multiples occasions. En particulier, un entretien professionnel doit avoir lieu obligatoirement tous les deux ans. Depuis la loi du 5 mars 2014, un « état des lieux » doit aussi être effectué tous les six ans pour vérifier que le salarié a bien bénéficié de ses entretiens biennaux.
L’originalité de ces entretiens tient aux sanctions particulièrement lourdes encourues par les entreprises d’au moins 50 salariés qui s’abstiendraient de les organiser. L’ordonnance du 21 août 2019 apporte à cet égard de nouvelles précisions tout en ménageant une période transitoire.
Un entretien professionnel obligatoire tous les deux ans
Entretien de début de mandat pour les représentants du personnel, entretien annuel des salariés titulaire d’une convention de forfait en jours, ou encore entretien annuel des télétravailleurs, etc. la liste des entretiens devant être organisés par l’employeur, selon le statut et la situation des salariés, est longue.
Parmi cette liste, l’entretien professionnel occupe une place particulière tenant à sa généralité : il doit en effet être organisé au bénéfice de tous les salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise, et ce tous les deux ans. Son objectif est de faire le point sur les perspectives professionnelles du salarié, sa qualification et les formations envisagées ou envisageables.
L’entretien professionnel est par ailleurs systématiquement proposé aux salariés qui reprennent leur activité à l’issue d’une absence d’une durée significative (congé maternité, congé sabbatique, arrêt longue maladie, etc.) ou encore d’un mandat syndical.
Désormais, un entretien supplémentaire dit d’ « état des lieux » doit se tenir tous les six ans
Pour garantir l’effectivité des entretiens biennaux, la loi du 5 mars 2014 a introduit un entretien supplémentaire dit entretien d’« état des lieux ». Celui-ci doit être organisé tous les six ans avec le salarié.
Cet état des lieux permet de vérifier que le salarié :
-
- a bénéficié d’un entretien professionnel tous les deux ans ;
-
- a bénéficié d’au moins une action de formation ;
-
- a acquis des éléments de certification par la formation ou par une VAE,
-
- et a bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Cet entretien professionnel obligatoire doit être formalisé par un document écrit, dont une copie est remise au salarié.
Les premiers entretiens d’états des lieux doivent en principe intervenir à compter de mars 2020 (soit six ans après l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014), faute de quoi les entreprises, d’au moins 50 salariés, seront passibles de sanctions financières.
Toutefois, l’ordonnance du 21 août 2019 a mis en place un régime dérogatoire afin que les entreprises puissent organiser cet entretien d’état des lieux au plus tard le 31 décembre 2020. Elle a également allégé les obligations pouvant, en cas de manquement, donner lieu à des sanctions financières.
Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2020, si l’employeur s’inscrit dans le régime dérogatoire, il devra vérifier, lors de l’état des lieux, que le salarié a bénéficié :
-
- d’une part, d’un entretien professionnel tous les deux ans ;
-
- et, d’autre part, d’au moins deux mesures parmi les trois suivantes :
– avoir bénéficié d’au moins une action de formation ;
– avoir acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
– avoir bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Si l’employeur s’inscrit dans le régime de droit commun applicable à compter du 1er janvier 2020, l’obligation est allégée puisque l’employeur devra vérifier que le salarié a bénéficié :
-
- d’une part, d’un entretien professionnel tous les deux ans ;
-
- et, d’autre part, d’une formation non obligatoire (c’est-à-dire une action de formation qui ne conditionne pas l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires).
Dans les deux régimes, l’employeur doit bien avoir organisé les entretiens professionnels tous les deux ans, puisqu’il s’agit d’un des thèmes de l’état des lieux.
Des sanctions financières sont prévues pour les entreprises d’au moins 50 salariés
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, si l’employeur constate lors de l’état des lieux qu’il n’a pas satisfait à ses obligations, il doit :
-
- abonder le compte personnel de formation du salarié en question d’un montant de 3 000 euros ;
-
- verser une somme d’un montant égal à la Caisse des dépôts et consignations.
Le législateur a ainsi prévu un mécanisme d’auto-contrôle original puisque l’employeur défaillant doit opérer spontanément la compensation.
A défaut de régularisation spontanée, l’employeur pourra être mis en demeure de procéder à ce versement par l’administration. S’il ne défère pas à cette mise en demeure, il devra verser au Trésor public un montant équivalent à l’insuffisance constatée majoré de 100 %.
Le montant total de cette sanction financière pourrait s’avérer particulièrement élevé si le manquement concerne plusieurs salariés.
Il faut également rappeler que l’absence d’entretien peut par ailleurs être sanctionnée sur le terrain du contentieux prud’homal et donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts en raison du manquement par l’employeur à son obligation d’adapter le salarié à son emploi.
Les employeurs ont donc tout intérêt à organiser scrupuleusement des entretiens professionnels tous les deux ans, ainsi qu’un état des lieux tous les six ans.
Article publié dans Les Echos EXECUTIVES le 26/09/2019
A LIRE EGALEMENT
A lire également
Le recours au vote électronique facilité... 17 janvier 2017 | CMS FL
Entretien professionnel : report de la date limite en conséquence de la crise s... 22 juin 2021 | Pascaline Neymond
Egalité femmes / hommes : plus que quelques jours pour publier votre Index Egal... 22 février 2024 | Pascaline Neymond
Covid-19 : arrêts de travail dérogatoires – sanction du non-respect de l... 24 juin 2021 | Pascaline Neymond
Covid-19 : les mesures supprimées ou réactivées après le 30 septembre 2021... 7 octobre 2021 | Pascaline Neymond
Validité du forfait-jours : la saga judiciaire continue !... 27 juillet 2023 | Pascaline Neymond
Alertes professionnelles et protection des données personnelles : Mise à jour ... 22 septembre 2023 | Pascaline Neymond
Le compte rendu d’un entretien d’évaluation peut constituer une sanction di... 22 février 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?