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Détachement transnational de salariés : un cadre juridique à s’approprier

Détachement transnational de salariés : un cadre juridique à s’approprier

La lutte contre le travail illicite, notamment dans le cadre de la fraude aux règles du détachement transnational de salariés est au cœur de l’actualité judiciaire et des préoccupations des pouvoirs publics. Ainsi que l’a relevé la ministre du Travail le 5 mai dernier, les contrôles dans ce domaine ont dépassé les objectifs fixés par le gouvernement ces deux dernières années. Ces opérations de détachement transnational de salariés présentent de nombreux intérêts en permettant notamment la mise en commun et la transmission de compétences entre pays. L’occasion de rappeler que le détachement s’inscrit dans un cadre légal précis dont les conditions de validité doivent être respectées par les entreprises qui détachent des salariés étrangers en France et contrôlées par les sociétés qui bénéficient de cette main d’œuvre étrangère.

 

Le bilan des années 2019 et 2020 en quelques chiffres :

 

    • Près de 40 000 interventions de l’inspection du travail en matière de détachement de salariés sont intervenues en France sur cette période.
    • Environ 1 200 amendes administratives ont été notifiées pour un montant global de 6,8 millions d’euros sur deux années.
    • Environ 1 200 procès‐verbaux transmis aux parquets.
    • Une trentaine de procédures de suspension du détachement ont été engagées pour des manquements graves.

 

Infographie : Détachement transnational de salariés – Bilan en chiffres pour les années 2019 et 2020

 

Ces opérations sont strictement encadrées tant en amont du détachement qu’au cours de l’exécution de la prestation de travail et les sociétés doivent pouvoir justifier notamment en cas de contrôle de l’inspection du travail du respect de l’ensemble de ces règles pour éviter les éventuelles poursuites.

 

Les conditions préalables à un détachement transnational valide

Le détachement correspond à la situation où un employeur (i) établi hors de France envoie (ii) temporairement des salariés sur le territoire français (iii) tout en maintenant pendant la période de détachement la relation contractuelle avec les salariés concernés (article L.1262-1 du Code du travail).

Relevons, s’agissant du caractère temporaire de l’opération, que le Code du travail ne fixe pas de durée maximale aux détachements. Il est ainsi envisageable de détacher un salarié pour quelques jours ou pour plusieurs mois en fonction de la mission qui lui est confiée [1].

En complément de ces conditions, l’employeur est également tenu de procéder à une déclaration préalable de détachement [2] précisant les dates de début et de fin de l’opération, sauf exception [3].

De même, l’employeur doit justifier de l’affiliation du salarié détaché à un régime de sécurité sociale, soit dans le cadre d’un maintien au régime de l’Etat d’origine, si les conditions de détachement international en droit de la sécurité sociale sont remplies, soit auprès du régime de sécurité sociale français, lorsque le salarié ne peut être maintenu à son régime de sécurité sociale de son pays d’origine.

En vue de lutter contre le travail non déclaré ou les situations de travail illégal, les contrôleurs vérifient que les conditions cumulatives reprises ci-dessus sont effectivement réunies et justifiées.

En particulier, la condition relative à l’activité effective de l’employeur dans l’Etat d’origine, a récemment fait l’actualité en France dans un contentieux de grande ampleur puisqu’une Urssaf réclame la condamnation d’une entreprise espagnole qui détachait des salariés dans le secteur agricole à hauteur de 112 millions d’euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé et délit de marchandage en bande organisée.

Dans cette affaire, l’Urssaf soutient que l’entreprise espagnole aurait détourné les règles européennes relative du détachement en mettant à disposition des salariés espagnols en France entre 2012 et 2015 alors qu’elle avait une activité permanente en France et aucune activité substantielle opérationnelle en Espagne.

 

Rappelons en effet que l’employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsqu’il exerce, dans l’Etat dans lequel il est établi, des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

 

Il ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d’une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire. A travers ce critère, l’objectif du législateur est de lutter contre le dumping social (en complément de l’application des règles du noyau dur, cf. ci-après).

Les entreprises françaises bénéficiant des prestations des salariés détachés sont tenues pour leur part de contrôler l’opération de détachement et leur contractant. Cette vérification [4] emporte notamment la collecte des déclarations préalables de détachement incluant la désignation d’un représentant en France qui contient des informations importantes sur la société contractante et ses salariés.

Le risque de solidarité financière en cas de travail illégal devrait donc les inciter à vérifier la réalité et la stabilité de la société étrangère avec laquelle elles contractent.

En parallèle de ces conditions de validité préalables, les contrôles pourront également porter sur les règles applicables aux salariés pendant leur détachement.

 

Le respect des règles applicables aux salariés étrangers détachés en France pendant leur détachement

Par principe, les salariés détachés bénéficient dès le début de leur détachement de certaines dispositions du pays d’accueil pendant leur détachement qui constituent ce qui est communément appelé le « noyau dur » des règles applicables. Il s’agit des dispositions légales et des stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises établies en France dans la même branche activité, en ce qui concerne les matières listées à l’article L1262-4 du Code du travail [5].

A compter du 13e mois de détachement, les règles applicables aux salariés détachés ne sont plus seulement limitées au noyau dur mais ils bénéficient de la quasi-intégralité de la législation sociale française : seules les règles relatives à la conclusion, à l’exécution, à la rupture et au transfert du contrat de travail, à la modification du contrat pour motif économique, à la mobilité volontaire sécurisée, au CDD, au contrat de chantier ou d’opération, au contrat de mission à l’exportation et aux titres simplifiés de travail sont exclues.

Ces règles contraignantes [6] ont été édictées afin d’assurer une protection efficace des droits des travailleurs détachés et des conditions de travail comparables à celles applicables aux salariés directement embauchés en France. C’est dans cette optique que le cadre législatif du détachement transnational se construit progressivement sous l’impulsion des gouvernements et de l’Union européenne en réaction à certaines pratiques abusives.

Ainsi, tant les entreprises étrangères qui détachent des salariés en France que les entreprises ayant recours à ses salariés détachés ont intérêt à s’approprier ces normes parfois complexes afin de sécuriser leur pratique.

 

[1] A la différence des dispositions en droit de la sécurité sociale qui fixe des limites en termes de durée de détachement pour le maintien de l’affiliation au régime de sécurité sociale d’origine, lorsque ce maintien est prévu en substitution de l’affiliation au régime de sécurité sociale français du lieu d’exercice de la prestation.

[2] Déclaration SIPSI

[3] Les exceptions visent notamment les activités limitativement listées par l’arrêté du 4 juin 2019, les prestations de courte durée ou effectuées dans le cadre d’évènements ponctuels ou le cas du détachement pour compte propre

[4] En complément des obligations vigilances

[5] Il s’agit des règles liées aux libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, à l’exercice du droit de grève , à la discrimination et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes , à la protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ; aux conditions de mise à disposition et garanties dues aux travailleurs par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ; à la durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ; aux conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ; à la rémunération paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ; aux règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants ; au travail illégal ; aux remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant à des charges de caractère spécial inhérentes à sa fonction ou à son emploi supportés par le salarié détaché, lors de l’accomplissement de sa mission, en matière de transport, de repas et d’hébergement.

[6] voir notre article en pièce jointe

 

Article publié dans Les Echos le 28/06/2021

 

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