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Loueurs en meublé résidents : règles d’application des prélèvements sociaux et des cotisations sociales

Loueurs en meublé résidents : règles d’application des prélèvements sociaux et des cotisations sociales

Les recettes de la location meublée perçues par des contribuables résidents de France au sens de l’impôt sur le revenu relèvent des cotisations sociales ou des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Un éclairage sur cette question est le bienvenu ainsi que sur la correcte déclaration des recettes pour éviter un cumul des prélèvements sociaux et des cotisations sociales.

Les revenus et les plus-values résultant de la location de locaux meublés sont en principe assujettis aux prélèvements sociaux, qui sont recouvrés par l’administration fiscale en même temps que l’impôt sur le revenu. Toutefois, lorsqu’elles franchissent le seuil annuel de 23 000 €, ces recettes peuvent tomber dans le champ des cotisations sociales et échapper corrélativement aux prélèvements sociaux.

Le présent article s’attache à donner un éclairage juridique et pratique sur ces règles souvent méconnues, et récemment modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, dite « LFSS 2021 » (Loi 2020-1576 du 14-12-2020 applicable aux revenus perçus depuis le 1er janvier 2021). Un décret devrait prochainement en préciser certaines modalités d’application. L’article signale les particularités rencontrées par les loueurs en meublé dans certaines situations, notamment lorsqu’ils réalisent des plus-values ou lorsqu’ils relèvent de la sécurité sociale hors de France.

Un prochain article sera consacré aux règles particulières applicables lorsque les recettes de la location meublée sont perçues par des contribuables non-résidents au sens de l’impôt sur le revenu.

 

Principes d’assujettissement des loueurs en meublé aux cotisations sociales

Aux termes de l’article L 611-1, 6° du CSS, sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale (au lieu des prélèvements sociaux) les personnes exerçant une activité de location de locaux d’habitation meublés dont les recettes annuelles sont supérieures au seuil de 23 000 €, ce seuil étant apprécié au niveau du foyer fiscal (CGI art. 155, IV-2-2°) :

 

    • lorsque ces locaux sont loués à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile ;
    • ou lorsque ces personnes sont des loueurs en meublé professionnels (LMP) au sens de l’impôt sur le revenu (CGI art. 155, IV-2), c’est-à-dire lorsqu’ils tirent de cette activité des recettes excédant les autres revenus d’activité du foyer fiscal soumis à impôt sur le revenu (dans les catégories des traitements et salaires, des revenus des gérants et associés, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices non commerciaux, ou des bénéfices agricoles).

 

Précisons que, au sens de la loi fiscale, les loueurs en meublé qui ne remplissent pas les conditions susvisées sont des loueurs en meublé non professionnels (LMNP).

 

Pour les contribuables fiscalement domiciliés en France, le seuil de 23 000 € doit s’apprécier en tenant compte de l’ensemble des loyers de la location meublée, y compris pour des immeubles situés à l’étranger (BOI-BIC-CHAMP-40-10 n° 115).

 

Loueurs de locaux pour un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et ne constituant pas le domicile du locataire (LMNP)

L’article L 611-1, 6° du CSS pose un principe d’affiliation au régime de sécurité sociale des indépendants pour les loueurs en meublé pratiquant de telles locations, dès lors que le seuil de 23000 € de recettes annuelles est dépassé.

Toutefois, ce même article prévoit une option permettant leur affiliation au régime général dans le cadre fixé par le 35° de l’article L 311-3 du CSS, c’est-à-dire lorsque les recettes ne dépassent pas le seuil annuel de 72 600 € (contre 85800 € avant la publication de la LFSS 2021). Ce régime simplifié conduit à l’imposition des recettes brutes retenues après un abattement de 60 % en principe. Alternativement, une option est ouverte dans ce cas aux loueurs en meublé qui peuvent s’affilier au régime des auto-entrepreneurs. Néanmoins, une telle option ne présente pas, en pratique, de véritable intérêt par rapport au régime général.

À titre d’illustration, le site urssaf.fr fournit un chiffrage indicatif des cotisations dues pour 40000 € de recettes brutes l’année suivant le régime d’affiliation choisi. Avec les hypothèses retenues dans cet exemple, l’addition des cotisations s’élève à 8814 € avec le régime des indépendants (+ 103 € de contribution formation professionnelle), mais à seulement 7600 € avec le régime général ou 8800 € avec le régime auto-entrepreneur:

https://www.urssaf.fr/portail/files/live/sites/urssaf/files/documents/5877Plaquetteecoeollaborative.pdf

 

Rappelons en outre qu’au titre de la sécurité sociale des indépendants :

 

    • des cotisations minimales de 1145 € sont prévues, même en cas de revenu net nul ou déficitaire ;
    • les cotisations sont d’abord calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l’avant-dernière année (ou forfaitairement au titre des deux premières années d’activité), et font ensuite l’objet d’une régularisation lorsque le revenu professionnel est définitivement connu (CSS art. L 131-6-2).

 

Enfin, selon une réponse ministérielle, ces loueurs ne sont pas assujettis aux cotisations sociales en cas de recours à une agence professionnelle bénéficiaire d’un mandat de gestion. Dans ce cas, les prélèvements sociaux s’appliquent (Rép. Pellois : AN 10-7-2018 n° 3619).

 

Loueurs en meublé professionnels (LMP) au sens de l’impôt sur le revenu

L’article L 611-1, 6° du CSS vise tous les LMP au sens de l’impôt sur le revenu, même non inscrits au registre du commerce et des sociétés (RCS). Plus précisément, la LFSS 2021 a corrigé le 6° de cet article qui visait jusque-là les personnes qui remplissent « les conditions mentionnées au 1° du 2 du IV » de l’article 155 du CGI, ce 1° renvoyant à la nécessité d’être inscrit au RCS pour avoir la qualité de LMP, au sens de l’impôt sur le revenu.

Or, cette référence au 1° a perdu tout son sens depuis que l’article 155 du CGI a abandonné cette condition : le 1° de cet article a été abrogé par la loi de finances pour 2020 (Loi 2019-1479 du 28-12-2019 art. 49 : FR 2/20 inf. 36 p. 79).

Pour rappel, cette abrogation fait suite à la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 (n°2017-689 QPC), dont il résulte qu’en subordonnant le bénéfice d’une exonération d’impôt de plus-values des LMP à une condition spécifique aux commerçants, alors même que l’activité de location de biens immeubles ne constitue pas un acte de commerce au sens de l’article L 110-1 du Code de commerce, le législateur ne s’est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction du but visé.

 

Selon nous, les LMP sont assujettis aux cotisations sociales sans pouvoir se prévaloir des solutions dérogatoires accordées aux LMNP, même si ces LMP louent les locaux à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile.

 

 

Cas particuliers des plus-values

1er cas : les plus-values des loueurs en meublé non professionnels (LMNP)

Comme vu précédemment, les loueurs en meublé appartenant à un foyer fiscal retirant annuellement plus de 23000 € de recettes de la location meublée sont, lorsqu’il s’agit de personnes louant des locaux à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile, assujettis aux cotisations sociales même s’ils sont loueurs non professionnels.

Toutefois, les plus-values des LMNP ne sont, selon nous, pas soumises aux cotisations.

 

En effet, les plus-values des LMNP relèvent du régime applicable aux plus-values privées en vertu de l’article 151 septies, VII du CGI (par renvoi aux dispositions des articles 150 U à 150 VH), et par voie de conséquence, sont soumises aux prélèvements sociaux en tant que produits de placement visés à l’article L 136-7 du CSS.

 

Les cotisations et contributions sociales ne peuvent viser que les revenus d’activité indépendante/BIC dès lors que l’article L 131-6 du CSS prévoit que l’assiette des cotisations sociales est constituée des «revenus d’activité indépendante à retenir pour le calcul de l’impôt sur le revenu». Or, les plus-values des LMNP ne sont pas de tels revenus d’activité au sens des règles de l’impôt sur le revenu.

En cas d’option pour le régime général de sécurité sociale, l’article L 311-3, 35° du CSS prévoit que « les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par ces personnes sont calculées sur une assiette constituée de leurs recettes diminuées d’un abattement de 60 % […] ». Même si cette règle est rédigée moins clairement que celle applicable dans le régime des indépendants, il nous semble que les « recettes » déclarées aux Urssaf désignent les recettes BIC procurées par l’activité des LMNP et déclarées à l’administration dans le cadre de la déclaration de revenus (avant la déduction des charges ou de l’abattement micro-BIC). Or, comme on l’a vu, à titre d’exception, les plus-values des LMNP ne sont pas des recettes d’activité (BIC), puisqu’il s’agit de plus-values privées.

Il serait toutefois utile que cette règle soit clarifiée par l’administration.

 

2ème cas : les plus-values des LMP

Les plus-values des loueurs professionnels peuvent être à court ou à long terme « si [l’immeuble] est inscrit à l’actif de leur exploitation » (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 400).

Seules les plus-values à court terme (PVCT) peuvent être soumises à cotisations dès lors que l’article L 131-6 du CSS prévoit : « IV.- sont exclus des revenus mentionnés au I [revenus des travailleurs indépendants soumis à cotisation] : 1° Le montant des plus-values professionnelles à long terme prévues à l’article 39 quindecies ».

Pour les plus-values à court terme, il est à noter que les amortissements qui ont été pratiqués sont pris en compte pour le calcul des cotisations.

Les plus-values à long terme (PVLT) ne sont pas soumises à cotisations sociales. Les prélèvements sociaux sont dus, en application de l’article L 136-6 du CSS. Le cas échéant, l’assiette est établie avant l’exonération prévue par l’article 151 septies A du CGI en cas de départ à la retraite (CSS art. L 136-6, 3°).

Rappelons enfin qu’un régime d’exonération d’impôt sur le revenu – totale ou partielle – est prévu pour les petites entreprises lorsque l’activité est exercée depuis au moins 5 ans (CGI art. 151 septies).

 

Cas particulier des contribuables affiliés à la sécurité sociale hors de France

Les résidents fiscaux français affiliés à la sécurité sociale dans un autre État que la France – situation rare en pratique – peuvent, dans certains cas, bénéficier d’une exonération des cotisations sociales en France, ou d’un taux réduit pour les prélèvements sociaux. Deux cas sont à distinguer.

 

1er cas : contribuables affiliés à la sécurité sociale dans un autre état de l’UE/EEE ou en Suisse

L’affiliation en France aux cotisations de sécurité sociale et aux contributions sociales sur les revenus d’activité est inapplicable aux contribuables affiliés dans un autre État de l’Union européenne, ou d’un autre État de l’Espace économique européen ou de Suisse puisqu’une telle obligation entrerait en conflit avec le règlement européen 883/2004, qui prévoit l’assujettissement aux cotisations d’un seul régime de sécurité sociale (en principe celui du lieu de l’activité principale).

 

Dans ce cas, les prélèvements sociaux sont dus. Ces affiliés « européens » bénéficient, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (Loi 2018-1203 du 22-12-2018 art. 26), d’un taux spécifique de 7,5 % (exonération de CSG et CRDS et application de la seule fraction correspondant au prélèvement de solidarité de l’article 235 ter du CGI).

 

 

2ème cas : contribuables affiliés à la sécurité sociale dans un état tiers (en dehors de l’UE/EEE et de la Suisse)

Les affiliés à la sécurité sociale à l’étranger peuvent échapper aux cotisations sociales en France lorsqu’une convention bilatérale de sécurité sociale liant la France et l’autre État contient un principe d’unicité de la législation applicable.

 

Dans ce cas, en l’absence de cotisations et contributions sociales, les prélèvements sociaux sont dus au taux de 17,2 %, car ces personnes ne peuvent pas bénéficier du taux minoré de 7,5 % dès lors que la loi réserve ce taux aux affiliés à la sécurité sociale dans un autre État de l’UE/EEE ou en Suisse.

 

Et les affiliés dans un État tiers à l’UE/EEE/Suisse ne sont pas placés dans la même situation que les affiliés à un régime de sécurité sociale européen et la restriction à la liberté de circulation des capitaux est justifiée (Cons. const. 9-3-2017 n° 2016-615 QPC ; CJUE 18-1-2018 aff. 45/17, Jahin et CE 5-3-2018 n° 400329).

En effet, les conventions bilatérales de sécurité sociale contenant une règle similaire à celle du règlement européen ne permettent pas de faire échec aux prélèvements sociaux qui constituent, pour le Conseil d’État, une imposition de toute nature (CE n° 400329 précité et CE 31-3-2021 n° 436412 : la première affaire concernait un contribuable travaillant à Monaco qui s’était vu appliquer l’article L 136-6 du CSS, la seconde concernait une résidente des États-Unis qui ne pouvait pas se prévaloir de l’accord entre ce pays et la France).

Par ailleurs, par un « joint status report » du 13 juin 2019, la France et les États-Unis ont déterminé que la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine n’entrent pas dans le champ de la convention sur la sécurité sociale conclue par les deux pays le 2 mars 1987. Il en résulte que ces prélèvements sociaux peuvent entrer dans le champ de la convention fiscale en vigueur entre les deux États (convention conclue le 31 août 1994 et modifiée par les avenants des 8 décembre 2004 et 13 janvier 2009).

 

Déclarer correctement les recettes pour éviter un cumul prélèvements sociaux/cotisations sociales

Par principe, pour les recettes de la location meublée, il n’y a pas de cumul possible entre, d’une part, les contributions et cotisations sociales et, d’autre part, les prélèvements sociaux. Ces deux types de prélèvements sont donc alternatifs.

En effet, les recettes des loueurs en meublé sont visées par les prélèvements sociaux recouvrés par l’administration fiscale à la suite de la déclaration de revenus, sur le fondement de l’article L 136-6 du CSS. Il découle de cet article que la CSG sur les revenus du patrimoine est assise sur le montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, à l’exception de ceux ayant déjà supporté la contribution sociale applicable dans le cadre des cotisations sociales du régime des indépendants (CSS art. L 136-3).

Rappelons que la notion de recettes de la location meublée n’inclut pas les plus-values des LMNP dès lors que, selon nous, ces plus-values sont traitées comme des plus-values privées seulement soumises aux prélèvements sociaux (recouvrés par l’administration fiscale en application de l’article L. 136-7 du CSS).

Au plan fiscal, pour éviter tout risque de cumul entre les prélèvements sociaux et les cotisations sociales, l’administration fiscale a attiré l’attention des contribuables, dans la notice de la déclaration de revenus, sur la nécessité de remplir correctement la déclaration. Les contribuables doivent donc être particulièrement vigilants lorsqu’ils complètent leurs déclarations de revenus.

 

Voici quelques réflexions à cet égard :

 

    • pour les LMNP : les revenus sont en principe automatiquement soumis aux prélèvements sociaux. Pour l’éviter, dans la situation où les revenus des locations sont soumis aux contributions sociales par les organismes de sécurité sociale, c’est-à-dire lorsqu’ils excèdent 23 000 € et qu’il s’agit d’une activité de location de locaux à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile, ces revenus doivent être inscrits dans une case ad hoc (cases 5 NW et suivantes de la déclaration des revenus 2020).
    • pour les LMP : dans la situation où les revenus ne sont pas soumis aux contributions sociales par les organismes de sécurité sociale (Urssaf, MSA…), il appartient aux contribuables de déclarer les revenus dans une case ad hoc (cases 5HY et suivantes) pour que l’administration prélève les prélèvements sociaux. On notera que, contrairement aux plus-values à court terme au sens fiscal, les plus-values professionnelles à long terme (PVLT) ne sont jamais soumises aux contributions et cotisations, conformément à l’article L 131-6 du CSS. Elles sont donc automatiquement soumises aux prélèvements sociaux. Une case spécifique est à remplir si ces PVLT sont exonérées d’impôt sur le revenu pour départ à la retraite, car cette exonération ne s’étend pas aux prélèvements sociaux (CSS art. L 136-6, 3°).

 

Enfin, les personnes qui relèvent d’un régime d’assurance maladie d’un autre État de l’UE/EEE/Suisse et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français doivent remplir une case ad hoc pour bénéficier d’une exonération de CSG et de CRDS et d’une application du seul prélèvement de solidarité de 7,5 %. L’administration fiscale indique dans la notice de la déclaration de revenus : « Si vous remplissez cette condition ou, pour un couple marié ou pacsé, si les deux conjoints remplissent cette condition, cochez les cases 8SH et 8SI. Vos revenus du patrimoine et assimilés ne seront pas soumis à la CSG et à la CRDS. »

 

Article publié par les Editions Francis Lefebvre dans le Feuillet Rapide Fiscal Social 42/21 du 7 octobre 2021

 

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