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Projet de loi de finances pour 2022

Projet de loi de finances pour 2022

Le projet de loi de finances comprend plusieurs mesures intéressant les actifs numériques et les entreprises, dont certaines ont été annoncées mi-septembre dans le cadre du plan en faveur des indépendants.

Revenons sur les principales mesures fiscales intéressant les entreprises et les actifs numériques, telles qu’elles ressortent du texte déposé le 22 septembre à l’Assemblée nationale et des discussions en cours.

  1. Allongement des délais d’option et de renonciation pour les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu des entrepreneurs individuels (art. 4)

A compter du 1er janvier 2022, les contribuables relevant d’un régime « micro » pour l’imposition de leurs bénéfices industriels et commerciaux ou agricoles disposeraient d’un délai allongé pour opter pour un régime réel d’imposition, ou pour renoncer à une telle option. Les contribuables ayant opté pour le régime de la déclaration contrôlée au titre de leurs bénéfices non commerciaux disposeraient également d’un délai allongé pour y renoncer.

  1. Aménagement des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de titres détenus par les chefs d’entreprise (art. 5, II et III)

Le cédant d’une entreprise individuelle ou de parts sociales peut bénéficier d’une exonération de la plus-value de cession à titre onéreux, à condition de prendre sa retraite avant ou après la cession dans un délai de deux ans.  (CGI, art. 151 septies A, I). Le projet de loi porterait ce délai à trois ans pour les exploitants faisant valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et dans le cas uniquement où le départ en retraite précède la cession. Le même allongement de délai s’appliquerait à d’autres dispositifs liés au départ en retraite de l’exploitant, notamment l’abattement de 500 000 € sur les plus-values de cession de titres de PME soumises à l’impôt sur les sociétés par les dirigeants (CGI, art. 150-0 D ter). Ce dernier dispositif serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2024.

Par ailleurs, les plafonds d’exonération, en fonction de la valeur de l’entreprise, des plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité (CGI, art. 238 quindecies, I) seraient rehaussés de 300 000 € à 500 000 € pour une exonération totale et de 500 000 € à 1 000 000 € pour l’exonération partielle.

Enfin, en cas d’activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance, les dispositifs d’exonération prévus par les articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI seraient applicables même si l’activité était cédée à une personne autre que le locataire, sous réserve que cette cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation.

  1. Faculté temporaire de déduire fiscalement l’amortissement des fonds commerciaux (art. 6)

Le principe de non-déductibilité fiscale de l’amortissement comptable des fonds commerciaux serait expressément inscrit dans le Code général des impôts. Il y aurait donc, dans les cas où l’amortissement du fonds commercial est pratiqué dans les comptes, une déconnexion fiscalo-comptable. Par dérogation, les amortissements constatés en comptabilité au titre des fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 seraient toutefois admis en déduction. La provision constituée à raison d’un fonds commercial dont l’amortissement serait ainsi déductible serait rapportée aux résultats imposables des exercices suivants selon certaines modalités destinées à éviter une double déduction fiscale.

  1. Mise en conformité avec le droit européen des retenues à la source applicables aux sociétés non résidentes (art. 7)

Tirant les conséquences de récentes décisions du Conseil d’État, la base de la retenue à la source sur certains revenus non salariaux tels que les rémunérations de prestations de service ou de redevances (CGI, art. 182 B) serait désormais déterminée sous déduction d’un abattement représentatif de charges. Cet abattement, égal à 10 % des sommes ou produits de source française versés, serait ainsi pratiqué lorsque leur bénéficiaire est une personne morale ou un organisme non résident établi dans un État membre de l’UE ou dans un Etat de l’EEE qui n’est pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI (il s’agit de l’Islande, du Liechtenstein et de la Norvège).

Si le montant des charges est supérieur au forfait de 10 %, les bénéficiaires des revenus pourraient bénéficier de la nouvelle procédure de restitution prévue par le projet de loi de finances. Celle-ci serait ouverte aux personnes ou organismes définis ci-dessus bénéficiaires de produits et sommes ayant donné lieu à la retenue à la source de l’article 182 B du CGI, mais aussi à celle prévue au 2 de l’article 119 bis (retenue à la source sur certains revenus de capitaux mobiliers et sur les revenus distribués) et à l’article 182 A bis (retenue à la source sur les rémunérations de prestations artistiques). S’agissant de la retenue à la source sur dividendes et assimilés, la restitution partielle pourrait également être demandée par une personne morale ou un organisme situé dans un Etat non-membre de l’UE ou de l’EEE, à condition que cet Etat ne soit pas non coopératif et que la participation détenue dans la société ou dans l’organisme distributeur ne permette pas au bénéficiaire de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de cette société ou de cet organisme. La retenue à la source acquittée serait restituée à hauteur de la différence entre cette imposition et l’imposition déterminée à partir d’une base nette des charges d’acquisition et de conservation directement rattachées aux produits et sommes concernés. Cette procédure de restitution serait ouverte aux entités privées de toute possibilité d’imputer la retenue à la source sur l’impôt dû dans leur État de résidence.

Enfin, le projet de loi de finances aménage les modalités de mise en œuvre du dispositif existant de restitution de retenue à la source pour les entités étrangères déficitaires (CGI, art. 235 quater).

L’ensemble de ces dispositions s’appliqueraient aux retenues à la source dont le fait générateur interviendrait à compter du 1er janvier 2022.

  1. Simplification et mise en conformité avec le droit de l’Union européenne des règles de la TVA (article 9)

Le texte prévoit diverses mesures en matière de TVA dont on retiendra principalement l’assouplissement du régime d’option pour la taxation des opérations bancaires et financières et la mise en conformité avec le droit européen de la règle d’exigibilité de la TVA sur les acomptes concernant les livraisons de biens. À compter du 1er janvier 2023, il serait désormais prévu qu’en cas de versement préalable d’un acompte, la taxe devient exigible au moment de son encaissement à concurrence du montant encaissé (CGI, art. 269). Cette règle s’appliquerait aux acomptes encaissés à compter de cette même date.

  1. Création d’une taxe affectée à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (art. 32)

À compter de 2022, une taxe serait due par les exploitants de plateformes proposant, par voie électronique, des services de mise en relation en vue de fournir des prestations qui incluent un transport de passagers au moyen d’une VTC (voiture de transport avec chauffeur) ou une livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues (par exemple, mise en relation de restaurateurs, de livreurs et de clients en vue de la fourniture d’un repas préparé). Le taux de la taxe serait fixé ultérieurement, sans pouvoir excéder 0,5 %, tandis que son assiette serait déterminée par différence entre les sommes perçues par les opérateurs de plateforme et celles reversées aux utilisateurs du service de mise en relation.

  1. Amendements adoptés en Commission

La Commission des finances de l’Assemblée nationale a par ailleurs adopté plusieurs amendements (qui devront être de nouveau déposés et adoptés en séance publique pour intégrer le projet de loi de finances). On retiendra notamment que :

  • la durée du statut de jeune entreprise innovante serait portée de huit à onze ans ;
  • la fraction du bénéfice ayant donné lieu à un impôt sur lequel a été imputé une réduction d’impôt serait exclue du bénéfice d’imputation lors du report en arrière des déficits constatés au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2021 ;
  • les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations seraient expressément rangés dans la catégorie des bénéfices provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux à compter du 1erjanvier 2022 ;
  • sur option, les plus-values de cession d’actifs numériques réalisées par des particuliers seraient imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu ;
  • les jetons non-fongibles (« non-fungible tokens » ou NFT) seraient légalement définis et les plus-values sur cession de ces biens seraient imposées selon le régime fiscal applicable à leur actif sous-jacent.
  1. Management packages

Signalons enfin qu’à la suite de trois décisions rendues le 13 juillet dernier par le Conseil d’Etat remettant à plat la grille de lecture à suivre afin de déterminer si des gains réalisés dans le cadre de management packages doivent recevoir la qualification de salaires ou de plus-values, deux amendements ont été déposés pour mettre fin à l’incertitude en résultant quant au régime applicable en matière fiscale et sociale. S’ils ont finalement été rejetés par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, celle-ci a reconnu la nécessité de la mise en place d’un groupe de travail, auquel participeraient les représentants d’entreprises du numérique, des fonds d’investissement et du patronat. Le sujet des managements packages pourrait donc réapparaître au cours de la discussion du projet de loi de finances.

Auteurs

Amélie Nithart, fiscaliste

Anaïs Okouda, Professional Support Lawyer Fiscal – Avocate