Harcèlement en entreprise : comment réagir face à une fausse dénonciation ?
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1 mars 2022
Le nombre de dénonciations de harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel, a fortement augmenté ces dernières années. De telles dénonciations conduisent de plus en plus souvent l’employeur à mener des enquêtes internes afin d’analyser la situation et de pouvoir, le cas échéant, mettre un terme aux agissements en cause.
Si le régime de l’enquête est désormais mieux défini, et donc mieux appréhendé par les employeurs, ces derniers peuvent toutefois se sentir encore démunis dans certaines situations, notamment lorsqu’ils soupçonnent de fausses accusations.
La protection des victimes et témoins de harcèlement les conduit alors à devoir agir avec la plus grande prudence pour pouvoir, s’ils le souhaitent, sanctionner les salariés qui dénoncent à tort une situation de harcèlement.
La nécessité de réagir au-delà des doutes de l’employeur
Quand bien même l’employeur aurait des doutes sur la véracité des faits dénoncés par un salarié, il demeure tenu d’analyser la situation – en procédant à de premières investigations et/ou si cela s’impose, en mettant en œuvre une enquête interne – qui lui permettra(ont) de déterminer l’existence ou non d’une situation de harcèlement et de prendre, le cas échéant, les mesures conservatoires adéquates pour préserver la santé du salarié qui serait victime d’une telle situation.
Ce n’est que lorsque la lumière aura été faite sur les faits dénoncés, et qu’il disposera d’éléments objectifs matériellement vérifiables permettant de conclure à l’absence de harcèlement, que l’employeur pourra éventuellement s’interroger sur la possibilité de sanctionner le salarié qu’il estimerait avoir dénoncé à tort une situation de harcèlement dont lui ou un de ses collègues aurait été victime.
Une protection des victimes et témoins de harcèlement limitant le pouvoir disciplinaire
Dans un tel contexte, l’employeur doit agir avec prudence puisque le salarié qui relate un cas de harcèlement au travail dont il a été témoin ou victime bénéficie d’une protection légale. En effet, il est formellement interdit de sanctionner, licencier, ou discriminer directement ou indirectement un salarié qui a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou des faits de harcèlement sexuel, y compris, dans ce dernier cas, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.
De même, un salarié ne doit pas être sanctionné, licencié ni discriminé pour avoir témoigné d’un harcèlement moral ou sexuel, ni pour avoir relaté de tels agissements (1).
La sanction, le licenciement, la discrimination directe ou indirecte motivé par la dénonciation d’un harcèlement dont le salarié a été victime ou témoin, alors que sa mauvaise foi n’est pas établie, est nul (2).
En cas de licenciement, le barème Macron est écarté : l’intéressé, victime d’un licenciement nul, peut alors demander sa réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, obtenir, en plus des indemnités de rupture, une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois (3).
En cas de fausses accusations, l’employeur n’est toutefois pas complétement démuni puisque seul le salarié de bonne foi bénéficie d’une telle protection.
Une sanction possible uniquement en cas de mauvaise foi
Il est de jurisprudence constante que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (4).
L’employeur retrouve ainsi son pouvoir disciplinaire si le salarié qui a dénoncé les faits de harcèlement a agi de mauvaise foi. Dans un tel contexte, le salarié peut être sanctionné, et même licencié si les faits le justifient (5).
Selon la Cour de cassation, la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par l’intéressé de la fausseté des faits qu’il dénonce (6).
C’est pourquoi, si l’employeur souhaite licencier le salarié ayant dénoncé « à tort » des faits de harcèlement, il devra être en mesure d’établir que le salarié connaissait au moment de sa dénonciation la fausseté des faits ou agissements qu’il dénonçait.
Or, en pratique, il est souvent très difficile pour l’employeur d’apporter la preuve de la connaissance par le salarié du caractère mensonger des accusations de harcèlement qu’il a portées. Il pourra toutefois s’appuyer sur d’éventuels témoignages de salariés réfutant l’existence des différents faits rapportés par le salarié à l’appui de sa dénonciation de harcèlement.
Des salariés pourraient également relater avoir constaté ou entendu que le salarié cherchait avant tout à déstabiliser l’entreprise ou à bénéficier de la protection des victimes ou témoins de harcèlement pour échapper à une mesure de licenciement qu’il subodorait être envisagée de manière imminente à son encontre pour un motif personnel sans lien avec les faits de prétendu harcèlement.
Une chose est toutefois certaine : la protection des victimes et témoins de harcèlement joue quand bien même il s’avérerait – notamment à l’issue de la procédure d’enquête – qu’il n’existe pas de situation de harcèlement.
Un salarié ne pourrait dès lors pas être sanctionné au seul motif que les faits dénoncés ne constituent pas un harcèlement. En effet, la mauvaise foi ne résulte aucunement de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
Face à la difficulté d’apporter la preuve de la mauvaise foi du salarié ayant dénoncé à tort une situation de harcèlement, l’employeur renonce bien souvent à sanctionner et, donc à licencier, ledit salarié pour éviter la nullité qui pourrait résulter d’une telle mesure.
L’absence de sanction n’est toutefois pas toujours la meilleure option, notamment d’un point de vue managérial, puisque la poursuite des relations de travail peut s’avérer par la suite délicate. Il est en effet fréquent que le salarié mis en cause exprime le souhait de ne plus travailler au contact du salarié l’ayant accusé à tort de harcèlement.
L’importance de l’enquête interne à la suite d’une dénonciation de harcèlement prend ici encore tout son sens puisque bien souvent seule une enquête menée avec le plus grand soin, de manière objective, dans le respect des principes dégagés par la jurisprudence et des recommandations de l’accord national interprofessionnel (ANI) (7) sur le harcèlement et la violence au travail, permettra à l’employeur de disposer d’éléments probants lui permettant de justifier la mauvaise foi du salarié ayant dénoncé à tort le harcèlement et ainsi la sanction qui en découlera.
(1) C. trav, art. L.1152-2 et L.1153-2 ;
(2) C. trav, art. L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
(3) C. trav. art. L 1235-3-1 ;
(4) Cass. Soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092
(5) Cass. Soc., 22 janvier 2014, n° 12-28.711
(6) Cass. Soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696
(7) ANI du 26 mars 2010, art. 4, étendu par arrêté du 23 juillet 2020
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