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La gestion du passif environnemental : un enjeu significatif

Dans les opérations de fusion-acquisition comportant la cession (ou le transfert) d’un actif immobilier soumis à la réglementation relative aux ICPE(1), ou la cession des titres de la société détenant un tel actif immobilier, la rédaction et la négociation des clauses de garantie environnementale sont devenues souvent complexes. L’enjeu est significatif, dès lors qu’il s’agit tant pour le vendeur que pour l’acquéreur de répartir le passif environnemental.

Une obligation d’information

Par principe, la responsabilité du vendeur peut être contractuelle ou délictuelle. Elle est souvent liée au manquement à une obligation d’information.

Outre les obligations générales d’information, les dispositions relatives aux vices cachés ou aux vices du consentement, l’article L. 514-20 du Code de l’environnement met à la charge du vendeur d’un terrain sur lequel était exploitée une installation classée soumise à autorisation ou enregistrement une obligation d’information spécifique, portant sur l’exploitation passée de telles installations sur le terrain, ses dangers, inconvénients importants et la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. La loi ALUR a modifié les conditions de mise en oeuvre des sanctions attenantes au manquement à cette obligation d’information en précisant qu’« à défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l’acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».

En sus de cette information, la loi ALUR a par ailleurs précisé que le vendeur d’un terrain situé en « secteur d’information sur les sol(2) », notion introduite par ladite loi, doit désormais informer par écrit l’acquéreur de cette situation. Cette obligation d’information se cumule avec l’obligation posée par l’article L 514-20 susvisé. Son non-respect est sanctionné. En effet, si une pollution rendant le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat est découverte, l’acquéreur peut demander, dans un délai de deux ans à compter de cette découverte, soit la résolution du contrat, soit la restitution d’une partie du prix de vente, soit la réhabilitation du terrain(3).

D’une façon générale, il est recommandé en pratique au vendeur de renseigner de la manière la plus exhaustive possible l’acquéreur sur la situation environnementale du terrain, d’annexer l’ensemble des études qui auront pu être réalisées et de faire réaliser au besoin un audit environnemental. Toutes les informations ainsi fournies devront être visées dans l’acte de cession.

La possibilité de transférer les obligations de dépollution à l’acquéreur 

Les clauses de garantie de passif environnemental peuvent valablement transférer tout ou partie du passif environnemental à l’acquéreur et notamment les obligations de remise en état d’un terrain sur lequel a été exploitée une ICPE, sous certaines conditions, tenant notamment à la bonne foi du vendeur et au respect des obligations d’information susvisées.

Concernant la situation environnementale du site et ses éventuelles pollutions du sol, du sous-sol et des eaux souterraines, les clauses de garantie de passif pourront prévoir un transfert total de la charge de dépollution du terrain. Elles pourront aussi ne prévoir qu’un transfert partiel de la responsabilité environnementale. Les déclarations et garanties figurant dans l’acte de cession seront rédigées et adaptées en conséquence, en fonction des discussions -généralement longues- entre les parties sur l’étendue des déclarations et garanties environnementales et indemnisations spécifiques éventuelles, ainsi que sur la durée et le plafond de la garantie.

Les actes de cession pourront également comporter une clause visant à transférer à l’acquéreur les obligations de remise en état d’un terrain sur lequel a été exploitée une installation classée, telles qu’encadrées par le Code de l’environnement, que l’acquéreur change ou non l’usage du terrain.

Précisons que jusqu’à la loi ALUR, l’obligation de remise en état d’un site sur lequel avait été exploitée une installation classée incombait au dernier exploitant. La jurisprudence avait cependant admis la possibilité de transférer contractuellament cette obligation à un tiers sans que ce transfert ne soit opposable à l’administration.

La loi ALUR a introduit la possibilité de transférer « officiellement » cette obligation de remise en état à un tiers, par exemple l’acquéreur du terrain, sous certaines conditions et limites.

Pour cela, ledit tiers doit faire une demande en ce sens auprès du préfet et recueillir son accord ainsi que celui du dernier exploitant. De même, l’accord du dernier exploitant, du maire, ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et du propriétaire doit être recueilli lorsque le tiers envisage de réhabiliter le site pour un usage autre que celui fixé par les textes appli-cables en matière de remise en état d’une installation classée.

Ce tiers doit alors communiquer au préfet un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols.

Afin d’attester de ses facultés à réaliser les travaux de réhabilitation nécessaires, le tiers doit justifier de capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux, garanties qui seront exigibles à première demande et qui pourront être réévaluées en cas de modification substantielle des mesures initialement prévues.

Toutefois, il est à noter qu’en cas de défaillance matérielle et financière du tiers dans son engagement de remise en état, la responsabilité du dernier exploitant pourra être recherchée pour mettre en oeuvre les mesures de réhabilitation.

Le dernier exploitant, c’est-à-dire le vendeur, demeure en fin de compte le seul responsable de la remise en état du site en cas de défaillance du tiers dans les relations avec l’administration.

Dès lors, dans le contexte de la négociation des clauses de garantie environnementale figurant dans les contrats de cession, le vendeur devra s’assurer des capacités financières de l’acquéreur et demander des garanties suffisantes afin d’éviter la mise en œuvre de sa responsabilité de dernier ressort.

Notes

1. ICPE installations classées peur la protection de l’environnement.

2. Ces secteurs comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. Ces secteurs devront figurer dans les documents graphiques annexés aux plans locaux d’urbanisme.

3. Article L. 125-7 du Code de l’environnement.

 

Auteurs

Céline Cloché-Dubois, avocat en droit de l’énergie, environnement, droit public, droit immobilier & construction.

Solveig Le Pichon, avocat en Corporate – Fusions & Acquisitions

 

Article paru dans le magazine Option Droit & Affaire le 18 juin 2014 (article paru dans la Lettre de l’immobilier du 10 juin 2014)