Nouvelle convention collective de la métallurgie : la clause de non-concurrence (Episode 6)
24 mai 2022
Après la rupture de son contrat de travail, le salarié retrouve en principe la liberté d’exercer toute activité de son choix, quand bien même celle-ci serait concurrente de celle de son ancien employeur dès lors qu’il ne contrevient pas à l’obligation générale de loyauté.
Cette liberté connaît toutefois des limites, notamment dans l’hypothèse où le salarié dont le contrat de travail est rompu contient une clause de non-concurrence.
Dans un chapitre relatif à la rupture du contrat de travail, l’article 79 de la nouvelle convention collective nationale de la Métallurgie qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024 prévoit les dispositions applicables en la matière.
Champ d’application de la clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence prévue par la nouvelle convention collective peut s’appliquer à tout type de contrat de travail et à tout type de rupture de ce contrat.
En d’autres termes, une clause de non-concurrence peut aussi bien être prévue dans un contrat à durée indéterminée qu’à durée déterminée et peut s’appliquer quel que soit le motif de la rupture dudit contrat (démission, licenciement, rupture conventionnelle, …).
Conditions de validité de la clause de non-concurrence
Pour rappel, pour être valable la clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection légitime des intérêts de l’entreprise.
En d’autres termes, tout emploi ne justifie pas d’insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail du salarié.
Si la nouvelle convention collective de la métallurgie prévoit la possibilité d’insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail du salarié, l’article 79.1 rappelle que celle-ci doit respecter les principes de justification et de proportionnalité prévus par l’article L.1121-1 du Code du travail.
Ainsi, cette clause doit définir de façon précise l’étendue de l’obligation de non-concurrence.
Par ailleurs, elle doit :
-
- Etre indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. Ainsi, elle doit être justifiée par l’emploi du salarié, susceptible d’entraîner une réelle concurrence et de porter préjudice à l’ancien employeur
-
- Elle ne doit pas empêcher le salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.
Ces deux conditions sont cumulatives.
L’article 79.1 de la convention collective indique par ailleurs que dans le cas où l’emploi du salarié soumis à une clause de non-concurrence évoluerait de manière significative au cours de l’exécution du contrat, l’employeur et le salarié devraient examiner si la clause de non-concurrence demeure justifiée et proportionnée au regard de l’emploi occupé.
Durée d’application de l’obligation de non-concurrence
Pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace.
L’article 79.2 de la convention collective prévoit que la clause de non-concurrence peut être fixée pour une durée initiale d’une durée maximale d’un an.
Elle peut néanmoins être renouvelée une fois. Sa durée maximale totale (c’est-à-dire renouvellement compris) ne peut excéder deux ans.
Si le contrat de travail est rompu pendant la période d’essai, la durée de la clause de non-concurrence ne peut excéder la durée de la période d’essai prévue au contrat.
Si les modalités (c’est-à-dire la durée et les conditions de renouvellement de la clause de non-concurrence) ne sont pas prévues par le contrat de travail, le renouvellement de l’obligation de non-concurrence est soumis à l’accord des parties et celui-ci doit être fixé avant le terme de l’obligation initiale.
En d’autres termes, si le salarié s’oppose au renouvellement de l’obligation de non-concurrence, l’employeur ne pourra pas le lui imposer.
Enfin, l’article 79.2 rappelle qu’en tout état de cause, les parties devront veiller à ce que la durée de l’obligation de non-concurrence doit être proportionnée à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise au regard de la nature de l’emploi du salarié.
A toutes fins utiles on notera que l’article 79 de la convention collective ne contient pas de dispositions quant au champ d’application géographique de la clause de non-concurrence.
Il convient donc, sur ce point, de s’en référer aux solutions dégagées par la jurisprudence.
En effet, le secteur géographique d’application de la clause de non-concurrence doit être précisément défini. Ainsi, en présence d’une clause de non-concurrence dont le champ d’application serait trop large, les juges du fond ont le pouvoir de réduire celui-ci (en ce sens : Cass. Soc. 25 mars 1998, n°95-41.543).
Contrepartie financière de la clause de non-concurrence
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit fixer une contrepartie financière. Cette contrepartie est due pendant l’exécution de l’obligation de non-concurrence. En revanche elle cesse d’être due en cas de violation de cette obligation par le salarié.
Selon l’article 79.3 de la convention collective, le salarié soumis à une obligation de non-concurrence doit percevoir une indemnité mensuelle d’un montant minimum égal à la moitié de la moyenne mensuelle de la rémunération mensuelle brute des 12 derniers mois précédant le départ effectif du salarié de l’entreprise.
Cette rémunération mensuelle brute est celle définie à l’article L.3221-3 du Code du travail, c’est-à-dire le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.
Si l’obligation de non-concurrence fait l’objet d’un renouvellement, le montant de l’indemnité mensuelle est porté à 60% de la moyenne mensuelle de la rémunération mensuelle brute des 12 derniers mois précédant le départ effectif du salarié de l’entreprise, pour la durée du renouvellement.
L’article 79.3 précise que si le contrat de travail du salarié est suspendu au cours des 12 derniers mois précédant le départ effectif du salarié de l’entreprise, il convient de retenir, au titre de ces périodes, la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé.
Renonciation à la clause de non-concurrence
L’employeur peut renoncer unilatéralement à l’application de la clause de non-concurrence au salarié dont le contrat de travail est rompu. Dans ce cas, il n’est pas tenu de verser l’indemnité de non-concurrence au salarié.
Pour renoncer unilatéralement à l’application de la clause de non-concurrence, l’employeur doit manifester sa volonté par écrit dans un délai maximal de 15 jours calendaires suivant :
-
- La date à laquelle il manifeste sa volonté de rompre le contrat s’il est à l’initiative de la rupture du contrat (licenciement)
-
- La date de notification à l’employeur de la rupture lorsque c’est le salarié qui en est à l’initiative (démission, …).
En cas de coïncidence de la date de notification par le salarié avec une période de fermeture collective de l’établissement pour congés, le point de départ du délai de 15 jours calendaires est reporté au premier jour suivant la fin de la période de fermeture.
-
- La date de rupture d’un commun accord du contrat de travail à durée déterminée
-
- La date de signature de la convention de rupture conventionnelle, à défaut de la mention de la renonciation dans cette convention. Rappelons à cet égard que, en cas de rupture conventionnelle, l’employeur doit renoncer à l’exécution d’une clause de non-concurrence au plus tard à la date de rupture du contrat de travail fixée dans la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires (Cass. Soc. 26 janvier 2022, n°20-15.755)
L’article 79.4 précise que la renonciation est réputée non écrite lorsque la convention de rupture conventionnelle n’est pas suivie d’une rupture effective du contrat de travail.
L’uniformisation des dispositions conventionnelles applicables à l’ensemble des salariés relevant de la convention collective de la Métallurgie en matière de non-concurrence est bienvenue.
Les conventions collectives territoriales et la convention collective nationale des ingénieurs et cadres contenaient en effet des dispositions sur ce point différentes, puisqu’elles variaient notamment en ce qui concerne :
-
- La durée de l’interdiction de non-concurrence (par exemple 18 mois ou deux ans),
-
- Le montant de l’indemnité mensuelle de non-concurrence (par exemple 4/10ème, 5/10ème voire le cas échéant 6/10ème de la moyenne mensuelle de rémunération),
-
- La durée de présence du salarié à retenir pour établir la moyenne mensuelle des rémunérations sur la base desquelles le montant de l’indemnité de non-concurrence devait être déterminé (par exemple 3 derniers mois, 10 derniers mois ou encore 12 derniers mois de présence du salarié dans l’entreprise),
-
- Le délai dont dispose l’employeur pour libérer le salarié de l’interdiction de concurrence (par exemple dans les 8 jours ou 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail ou encore dans un délai égal à la durée du préavis à compter de la notification de la rupture de l’annonce de cessation du contrat).
Tous les salariés soumis à une obligation de non-concurrence se verront donc désormais appliquer les mêmes règles. Cette uniformisation des règles permettra d’assurer plus de cohérence au sein de la branche et une plus grande sécurité pour les entreprises.
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