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Licenciement économique et négociation un an après la loi de sécurisation de l’emploi

La loi du 14 juin 2013 portait l’ambition d’une négociation avec les organisations syndicales.Un an après, la refonte profonde de l’encadrement des restructurations et des procédures s’est effectivement traduite par un essor de la négociation collective.

Les plans de sauvegarde de l’emploi sont désormais négociés avec les organisations syndicales.

La loi de sécurisation de l’emploi s’est inscrite dans une perspective de renforcement du dialogue social, de la qualité des plans de sauvegarde de l’emploi et de la sécurisation juridique des procédures.

Elle a ouvert aux entreprises la possibilité de négocier le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.

La conception française du droit du licenciement pour motif économique n’avait jamais favorisé la négociation collective, tant le projet de licenciement collectif pour motif économique, et plus encore le projet de restructuration dont il procède, relevait de la décision du chef d’entreprise.

Cependant, le souffle conventionnel que porte la loi a produit ses effets.

Le premier bilan établi par les pouvoirs publics, moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l’emploi, révèle en effet l’essor de la négociation collective.

Dynamique de négociation – C’est dans trois quart des cas que les entreprises in bonis mettant en Å“uvre une procédure de licenciement pour motif économique négocient avec les organisations syndicales.

Les pouvoirs publics indiquent que, neuf mois après la mise en œuvre de la loi, 162 accords ont été signés, se répartissant ainsi :

  • 138 accords « globaux »
  • 24 accords partiels complétés par un document unilatéral de l’employeur

Pratiques de négociation – Les pratiques de négociation apparaissent variables.

Négociation en amont – Des négociations débutent parfois très en amont de la mise en Å“uvre de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise au moyen, le plus souvent, d’examens avec les organisations syndicales et les institutions représentatives du personnel de la situation économique de l’entreprise et de sa stratégie.

Négociation en présence d’élus – Les négociations sont parfois tenues en présence des membres du comité d’entreprise, qui auront à connaître ultérieurement de la restructuration dans le cadre des attributions économiques du comité d’entreprise.

Négociation excédant le seul contenu du plan de sauvegarde de l’emploi – Le pragmatisme des négociateurs les conduit le plus souvent à examiner l’ensemble des sujets (à titre obligatoire, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, mais aussi le nombre des suppressions d’emploi et la détermination des catégories professionnelles, les critères d’ordre, le calendrier des licenciements, etc.) et à déterminer in fine le périmètre de l’accord (accord majoritaire renfermé sur le plan de sauvegarde de l’emploi, ou au contraire accord étendu à d’autres objets).

Parties aux accords collectifs – Les principales organisations syndicales signataires de ces accords sont la CFDT (dans 51% des accords), la CGT (dans 40% des accords), la CFE-CGC (dans 35% des accords), FO (dans 33% des accords), et la CFTC (dans 20% des accords).

Effets de la négociation – L’établissement du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi par la voie de la négociation collective conduisant à un accord emporte une certaine sécurisation juridique.

Elle se traduit en pratique par une quasi absence de contentieux (sur les 162 décisions de validation, seule l’une d’entre elles a fait l’objet d’un recours devant le juge administratif).

L’Etat joue le rôle de régulateur

L’Etat se veut garant de la qualité du dialogue social au moyen d’un contrôle dont l’étendue dépend de la signature d’un accord majoritaire.

Contrôle variable – L’Etat (les DIRECCTE) a joué le rôle de régulateur en contrôlant, d’une part, la conformité à la loi de la procédure, et d’autre part le plan de sauvegarde de l’emploi :

  • en cas d’accord majoritaire, le contrôle a une portée restreinte : il ne s’opère pas, sauf erreur manifeste des signataires, sur la proportionnalité.
  • en cas d’absence d’accord, la DIRECCTE se livre à l’appréciation de la qualité du plan de sauvegarde de l’emploi, opérant un contrôle de sa proportionnalité au regard des moyens de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

Décisions explicites – Les décisions rendues par les DIRECCTE sont, dans l’immense majorité des cas, des décisions explicites. Elles permettent à l’employeur de reprendre la procédure sur les points d’irrégularité signalés par l’Administration.

Cette circonstance facilite l’identification des dispositions susceptibles d’amélioration pour permettre à l’employeur d’obtenir ultérieurement une décision favorable de l’Administration.

Contentieux administratif limité – Le taux de recours devant le Tribunal administratif contre les décisions est seulement de 7%.

Ce taux est à l’évidence faible. Il a pu être considéré que le contentieux judiciaire devant le Tribunal de Grande Instance sous l’empire du droit antérieur à la loi de sécurisation de l’emploi affectait entre 30 et 40 % des procédures.

La négociation n’irrigue pas encore l’ensemble des politiques de l’emploi.

Désormais le déroulement des procédures de licenciement économique rencontre donc largement tant la négociation collective que l’accord collectif.

Il faut souhaiter que la négociation collective irrigue plus largement encore la gestion de l’emploi dans l’entreprise.

Elle a notamment vocation à se construire dans le cadre d’une politique globale incluant notamment les politiques de gestion prévisionnelle de l’emploi, de mobilité, et de maintien de l’emploi.

Force est cependant de constater qu’en ces matières sont particulièrement faibles les résultats obtenus, par exemple quant à la signature des accords de mobilité et des accords de maintien de l’emploi prévus par la loi du 14 juin 2013.

L’ambition d’un politique conventionnelle de l’emploi dans l’entreprise mérite d’être soutenue.

 

Auteur

Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé en droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business le 25 juin 2014