Acte anormal de gestion : les statuts de la société ne suffisent pas à justifier une perte anormale de recettes
La liberté de gestion des entreprises s’arrête là où commence l’acte anormal de gestion, c’est-à-dire, selon la définition donnée par le Conseil d’Etat « l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt ».
Le Conseil d’Etat est en la matière pointilleux et exige de l’administration qu’elle prenne en compte l’ensemble des circonstances de l’affaire. Une entreprise qui parvient à justifier sa décision par une contrepartie suffisante peut ainsi maintenir la déduction de sa charge litigieuse ou échapper à la réintégration des recettes auxquelles elle a renoncé. Encore faut-il convaincre le juge …
Une société de droit étranger, mais passible de l’impôt sur les sociétés en France, avait renoncé à percevoir des loyers en contrepartie de la mise à disposition, au bénéfice de son unique associé et à titre gratuit, de deux appartements dont elle était propriétaire, et qui étaient tous deux situés à Cannes. Pour se défendre contre le redressement dont elle a ensuite fait l’objet, la société a avancé que cette renonciation à recettes était conforme à l’objet social de l’entreprise.
Défense insuffisante devant le Conseil d’Etat qui juge que cette circonstance ne peut permettre, à elle seule, de regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise. Le fait que la gratuité ainsi accordée permette de répondre à l’un des objets pour lequel la société a été créée ne constitue pas non plus une contrepartie suffisante (CE, 22 juillet 2022, n° 444942, Société Phoenix Union).
Ainsi il ne suffit pas d’inscrire dans ses statuts que la société est en droit de commettre un acte anormal pour que celui-ci devienne normal.
Article paru dans Option Finance le 03/10/2022
Emmanuelle Féna-Lagueny, avocate counsel, CMS Francis Lefebvre