Comment notifier la lettre de licenciement ?
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4 mai 2023
Aux termes de l’article L.1232-6 du Code du travail «lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception».
Le texte précise également que cette lettre doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Mais peut-on remettre la lettre de licenciement en main propre contre décharge ou même l’envoyer en courrier simple?
Les DRH doivent parfois être un peu schizophrènes, pour tenter de concilier :
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- d’une part, leur volonté de sécuriser au mieux le dossier, ce qui leur dicterait de ne pas omettre un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ;
-
- et, d’autre part, les exigences de certains managers pour finaliser la procédure de licenciement le plus rapidement possible, ce qui pourrait conduire à écarter l’envoi d’une telle LRAR au profit, notamment, d’une remise du courrier en main propre contre décharge.
Alors qu’en est-il ?
 Une notification possible par d’autres moyens que la LRAR
La Cour de cassation se montre en réalité plus souple que le texte de l’article L.1232-6 du Code du travail.
En effet, elle a déjà considéré que la notification par LRAR ne constitue pas une formalité substantielle et que l’employeur ne peut pas, pour ce motif, être condamné à des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ou pire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle précise ainsi que «l’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception visée à l’article L.1232-6 du Code du travail n’est qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement» (notamment Cass. soc, 16 juin 2009, nº08-40.722 et 29 septembre 2014, nº12-26.932).
Dans un arrêt récent du 1er février 2023 (nº 22-11.434), une salariée, licenciée pour faute grave, a contesté le bien-fondé de ce licenciement, dès lors que l’employeur ne pouvait pas prouver l’envoi de la lettre de rupture qui n’avait pas été adressée en LRAR.
La Cour d’appel avait considéré que l’absence injustifiée de la salariée étant caractérisée, «l’absence de preuve de l’envoi de la lettre de licenciement ne prive pas celui-ci de cause réelle et sérieus » et que le licenciement était donc justifié.
La Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille, non pas, selon notre analyse, parce que le motif de licenciement n’était pas caractérisé ou que le formalisme de la LRAR n’avait pas été respecté, mais parce que, à défaut pour l’employeur de rapporter la preuve de l’envoi d’une lettre, les motifs de licenciement n’avaient pas été portés à la connaissance de la salariée ce qui, de jurisprudence constante, rendait nécessairement le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La nécessité d’établir la réalité de la notification du licenciement
La Haute juridiction a d’ailleurs énoncé clairement qu’un licenciement est sans cause réelle et sérieuse s’il est signifié verbalement (Voir Cass. soc, 23 octobre 2019 n°17-28.800 ; Cass. soc., 28 septembre 2022, n°21-15.606).
Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon l’article L.1235-2 du Code du travail, le motif de licenciement (le cas échéant complété par l’employeur) doit impérativement figurer dans la lettre de licenciement.
Les motifs ainsi énoncés fixent les limites du litige, et l’employeur ne peut ultérieurement invoquer des motifs nouveaux ou différents.
Bien que l’arrêt de la Cour de cassation se réfère et cite uniquement l’article L.1232-6 du Code du travail, il ne nous semble pas que sa décision soit motivée par l’absence de LRAR mais plutôt par le fait que l’employeur n’était pas en mesure de rapporter la preuve de la notification du licenciement par écrit.
Or, comme énoncé ci-dessus, l’alinéa 2 dispose que «cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur».
Ainsi, à défaut de rapporter la preuve d’une telle énonciation du motif dans la lettre de licenciement, celui-ci est sans cause réelle et sérieuse, ce qui peut justifier le sens de cet arrêt.
A défaut, si l’on devait considérer que l’employeur est ici sanctionné pour n’avoir pas notifié le licenciement par lettre RAR, cela constituerait un véritable revirement de jurisprudence ce qui est peu probable puisqu’il s’agit, en l’espèce, d’un arrêt non publié au bulletin et rendu de surcroit en formation restreinte.
Cet arrêt confirme en conséquence, à notre avis, la position constante de la Cour de cassation en la matière : la notification du licenciement par lettre RAR n’est qu’un moyen légal de conférer à celui-ci une date certaine et n’exclut pas que le licenciement puisse être notifié par un autre moyen dès lors qu’il l’a été par écrit et que l’employeur peut en rapporter la preuve.
Pour autant, l’utilisation d’une LRAR pour l’envoi de la lettre de licenciement reste fortement conseillée afin de faciliter l’établissement des preuves en cas de litige (notamment en cas de difficultés relatives à la chronologie des faits, par exemple en cas d’information du licenciement par l’employeur à l’oral «parallèlement» à l’envoi de lettre de licenciement écrite (voir à titre d’illustration Cass. soc., 28 septembre 2022 précité) et elle est, notamment, également indispensable, selon la jurisprudence, pour garantir la validité d’une éventuelle transaction.
Marie-Pierre Schramm, Avocat associé et Justine Vasse, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
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