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Accord sur la transition écologique et le dialogue social en entreprise : un outil au service des acteurs sociaux

Accord sur la transition écologique et le dialogue social en entreprise : un outil au service des acteurs sociaux

L’accord national interprofessionnel (ANI) sur la transition écologique vient donner aux partenaires sociaux les outils pour répondre aux exigences légales et sociétales en matière d’environnement et de dialogue social.

 

Au cours des dernières années, le législateur a pris des mesures fortes pour contraindre les entreprises à être au rendez-vous de la transition écologique :

 

    • soit par des obligations déclaratives (bilan des émissions de gaz à effet de serre, bilan carbone, déclaration de performance extra-financière, etc.) ;
    • soit par la voie du dialogue social.

 

Toutefois, près d’un an après l’adoption de la loi Climat (1), les partenaires sociaux, déplorant la difficulté des employeurs à remettre en cause leur modèle de développement économique, ont initié, en juillet 2022, des discussions en vue de faciliter et d’encourager l’appropriation des outils juridiques existants par les acteurs sociaux dans l’entreprise.

 

Il est vrai que la question environnementale peut, dans certains cas, être moins prioritaire que les différents sujets d’actualité dont les acteurs du dialogue social de l’entreprise doivent se saisir.

 

En outre, le manque de connaissance ou de clés pour appréhender de manière utile et efficace ce sujet peut constituer un obstacle à son appropriation par les entreprises.

 

Dans cette optique, un accord national interprofessionnel relatif à la transition écologique et au dialogue social a été ouvert à signature le 11 avril 2023 (2).

 

Ce texte non contraignant se veut une véritable «boîte à outils» pour les entreprises :

 

    • en rappelant les dispositions légales en vigueur ;
    • et surtout en présentant des repères pratiques pour nourrir et approfondir le dialogue social.

 

L’ANI est divisé en 5 chapitres :

 

    • Identifier les leviers de changements dans le cadre d’un dialogue social éclairé sur la transition écologique ;
    • Permettre au dialogue social de traiter les enjeux environnementaux au niveau de l’entreprise ;
    • Intégrer les enjeux environnementaux dans les négociations collectives ;
    • Traiter des enjeux environnementaux dans les espaces de dialogue social territoriaux et sectoriels ;
    • Traiter les enjeux relatifs aux emplois et compétences dans la mise en œuvre de la transition écologique.

 

Les partenaires sociaux ont, notamment, entendu définir les bonnes pratiques en lien avec les compétences du CSE en matière environnementale.

 

Pour rappel, la loi Climat a introduit l’obligation d’informer et consulter le comité social et économique (CSE) sur les «conséquences environnementales» des projets donnant lieu à une consultation, au titre de ses attributions générales (3), ainsi que lors de consultations récurrentes (4).

 

Toutefois, en l’absence de précision sur la notion de «conséquences environnementales», l’étendue de cette obligation et, notamment, le champ des informations devant être communiquées est difficile à appréhender en pratique.

 

Des divergences d’interprétation ont, d’ailleurs, d’ores et déjà pu être constatées en jurisprudence s’agissant de la nécessité de consulter le CSE sur les conséquences environnementales dans le cadre d’un projet de compression d’effectif (5).

 

Les partenaires sociaux se sont ainsi saisis du sujet et préconisent de mobiliser l’audit énergétique, le bilan des émissions de gaz à effets de serre, la déclaration de performance extra-financière, le plan de vigilance ou encore le plan de continuité d’activité.

 

Selon l’ANI, il peut être déduit du principe de proportionnalité (6), que le niveau d’information donné au CSE dépend de l’importance de l’impact environnemental du projet.

 

Dans le même esprit, le tribunal judiciaire de Nantes, a eu l’occasion de rendre une première décision sur l’information-consultation du CSE sur les conséquences environnementales d’un projet de déménagement, en ouvrant la voie à une évaluation/appréciation du niveau d’information requis selon l’activité de l’entreprise (7).

 

En l’espèce, les juges ont relevé que la société était spécialisée dans le domaine environnemental, et plus précisément dans les solutions d’énergie éolienne en mer, ce dont ils ont déduit que l’absence de volet sur l’impact environnemental dans la présentation du projet au CSE constituait une défaillance grave à l’obligation d’information.

 

En dehors de toute obligation de consultation, l’ANI recommande :

 

    • dans les entreprises de 50 salariés et plus, d’inscrire un point régulier sur la politique environnementale à l’ordre du jour des CSE ;
    • dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’extension des prérogatives du CSE aux questions environnementales afin qu’il soit informé et consulté sur ces questions.

 

Les partenaires sociaux proposent, en outre, diverses informations et indicateurs à incorporer à la rubrique consacrée aux informations environnementales de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) (8).

 

L’accord souligne également l’importance d’intégrer les enjeux environnementaux dans la négociation collective

 

Les syndicats encouragent les entreprises à impliquer les représentants des salariés dans les démarches de transition écologique :

 

    • en négociant par exemple un accord télétravail,
    • ou, sur le temps de travail, en prenant en compte les contraintes environnementales ou en établissant un plan de mobilité «verte».

 

L’ANI propose également d’intégrer des critères environnementaux dans les politiques de rémunération, tels que les accords d’intéressement.

 

Venant renforcer cet élan, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a formulé, dans un avis adopté le 25 avril 2023, dix-sept préconisations à l’intention des partenaires sociaux, des entreprises et du Gouvernement dans le but d’«adapter le travail au réchauffement climatique et atténuer l’impact des activités humaines sur le climat».

 

Parmi trois grands axes d’actions, le CESE encourage, notamment, à mobiliser les entreprises et les acteurs du dialogue social et à inscrire l’écoute des salariés parmi les principes généraux de prévention du Code du travail.

 

Bien que n’ayant pas de force normative, l’ANI a le mérite d’offrir des clés fort utiles aux entreprises pour leur permettre de répondre à leurs obligations légales.

 

Ces indications étaient nécessaires pour permettre aux entreprises d’emprunter avec efficacité le chemin de la transition écologique, et plus largement, pour leur permettre de placer, dans la mesure de leurs capacités, cette thématique, au cœur du dialogue social.

 

Damien CHATARD, Avocat senior, Docteur en droit, et Maud ROZENEK, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

1) Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets
(2) A ce jour l’accord a été signé par la CFDT et la CFTC
(3) C. trav., art. L.2312-8, III.
(4) C. trav., art. L.2312-8, L.2312-17 et L.2312-22
(5) Voir TA Montreuil, 2 mai 2022, n°2202445 et TA Cergy-Pontoise, 10 mars 2022, n°2115613. Commentaire «Défaut d’information consultation du CSE sur les conséquences environnementales d’un projet de restructuration d’entreprise : premières décisions des juges du fond», B. Taillardat-Pietri et A. Duboys-Fresney, 13 mars 2023.
(6) Art. R.122-5 du Code de l’environnement
(7) TJ Nantes, 22 décembre 2022, n°22/01144
(8) Bilan des émissions de gaz à effet de serre, consommation de matières premières ou utilisation des sols, indicateurs d’utilisations des ressources comme la quantité d’eau ou de KWH consommés, documents relatifs à la gestion des déchets, etc.