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Quelle est la valeur devant le juge civil d’une preuve obtenue de façon déloyale : la Cour de cassation tranche !

Quelle est la valeur devant le juge civil d’une preuve obtenue de façon déloyale : la Cour de cassation tranche !

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient de trancher la question, dans deux décisions du 22 décembre 2023, de savoir si le juge civil peut prendre en compte des preuves que les parties ont obtenues de façon déloyale, par exemple à l’insu d’une personne, en recourant à un stratagème, de manière clandestine ou en violation de la vie privée.

 

La Cour de cassation admet dorénavant que, dans un litige civil, une partie puisse utiliser, sous certaines conditions strictes, une preuve obtenue de manière déloyale pour faire valoir ses droits.

 

En revanche, la Cour de cassation confirme que le licenciement disciplinaire du salarié ne peut pas être fondé sur une conversation privée par messagerie personnelle lorsqu’il n’y a aucun manquement du salarié à ses obligations professionnelles. Dans ce cas, la question de la preuve ne se pose pas.

 

 

Un enregistrement sonore réalisé à l’insu d’un salarié, qui fait état de propos ayant conduit à son licenciement, constitue-t-il une preuve valable devant un juge ?

 

Dans une première affaire (n° 20-20.648), la Cour de cassation admet que des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable.

 

Toutefois, la prise en compte de ces preuves ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes etc.)

 

Cette solution constitue un revirement de jurisprudence. Elle s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle répond à la nécessité de ne pas priver un justiciable de la possibilité de faire la preuve de ses droits, lorsque la seule preuve disponible pour lui suppose, pour son obtention, une atteinte aux droits de la partie adverse.

 

La décision de la cour d’appel, qui avait écarté les enregistrements clandestins au motif qu’ils avaient été obtenus de manière déloyale, est censurée.

 

L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel. Celle-ci devra vérifier d’une part, que les enregistrements étaient indispensables pour prouver la faute grave du salarié, d’autre part, que l’utilisation de ces enregistrements réalisés à l’insu du salarié ne portent pas une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux.

 

Un message électronique envoyé sur Facebook, à l’origine d’un licenciement, mais dont la production porte atteinte à la vie privée de son auteur, constitue-t-il une preuve valable devant un juge ?

 

En revanche, dans la deuxième affaire (n° 21-11.330), la Cour de cassation considère que les juges n’avaient pas à s’interroger sur la valeur de la preuve provenant de la messagerie Facebook.

 

En effet, il n’est possible de licencier disciplinairement un salarié pour un motif en lien avec sa vie personnelle que si celui-ci constitue un manquement à ses obligations professionnelles (par exemple, une conversation d’un salarié sur son compte Facebook peut justifier un licenciement disciplinaire s’il divulgue à cette occasion une information confidentielle sur son entreprise alors qu’il a signé dans son contrat de travail une clause de confidentialité.)

 

Tel n’était pas le cas dans cette affaire. Les propos échangés par le salarié avec l’un de ses collègues sur la messagerie Facebook constituent une conversation privée qui n’avait pas vocation à être rendue publique et ne pouvait s’analyser, en l’absence d’autres éléments, en un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail.

 

En conséquence, Le pourvoi est rejeté, mais pour des raisons différentes de celles prévues par la cour d’appel.

 

Cette solution consolide une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.