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Dispenses d’affiliation des salariés ayants droit au régime frais de santé de l’entreprise : une flexibilité accrue

Dispenses d’affiliation des salariés ayants droit au régime frais de santé de l’entreprise : une flexibilité accrue

Dans une mise à jour du 19 avril 2024, le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS), tenant compte de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 juin 2023 (Cass., soc., 7 juin 2023, n°21-23.743) a mis à jour sa rubrique « Protection sociale complémentaire » au sujet des dispenses d’adhésion des salariés ayants droit. Plus de flexibilité est désormais autorisée à cet égard.

 

Les dispenses d’adhésion : une exception au caractère obligatoire des régimes frais de santé

 

Pour mémoire, sous réserve de respecter les conditions fixées à l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale (1), les garanties de protection sociale complémentaire ouvrent droit, pour les contributions patronales, à une exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale.

 

Parmi les conditions posées par le Code de la sécurité sociale figure le caractère obligatoire, pour les salariés, de l’adhésion au régime.

 

Néanmoins, par exception à ce principe et sous certaines conditions, les salariés peuvent être dispensés d’adhésion au régime frais de santé.

 

Dispenses de droit et dispenses facultatives : quelles différences ? quelles similitudes ?

 

Les dispenses d’adhésion au régime frais de santé sont soit « de droit » (2), soit facultatives (3).

 

Lorsque les dispenses sont facultatives, elles sont à la main de l’employeur ou des partenaires sociaux et doivent être expressément prévues par l’acte de droit du travail instituant les garanties (4). A défaut, l’Urssaf pourrait, en cas de contrôle, contester le respect du caractère obligatoire du régime et remettre en cause le bénéfice des exonérations de cotisations de sécurité sociale des contributions patronales y afférent.

 

Quant aux dispenses « de droit », comme leur nom l’indique, elles n’ont pas besoin d’être expressément prévues par l’acte instaurant les garanties pour être sollicitées par les salariés.

 

Les dispenses « de droit » et les dispenses facultatives se distinguent également par les moments auxquels elles peuvent être demandées par les salariés : les dispenses facultatives peuvent être invoquées par les salariés à tout moment alors que les dispenses « de droit » ne peuvent être sollicitées qu’au moment de la mise en place des garanties, de l’embauche, si celle-ci est postérieure à la mise en place des garanties, ou à la date à laquelle prend effet la couverture permettant au salarié de solliciter la dispense.

 

Dans les deux cas néanmoins, la demande de dispense se fait à l’initiative du salarié par un document écrit précisant que celui-ci a été préalablement informé par l’employeur des conséquences de son choix (absence de bénéfice des garanties, du dispositif de portabilité (5) et de la loi Evin (6)).

 

En cas de contrôle de l’Urssaf, l’employeur doit être en mesure de produire l’ensemble des demandes de dispense des salariés concernés.

 

Cette preuve conditionne en effet le respect du caractère obligatoire du régime frais de santé et l’exemption d’assiette des cotisations de sécurité sociale du financement patronal. Dans les deux cas également, l’employeur ne peut s’opposer à la demande de dispense et le salarié demeure libre de revenir à tout moment sur son choix.

 

Dispenses d’adhésion des salariés ayants droit : ce que disent les textes

 

Il existe actuellement deux types de dispenses d’adhésion ouvertes aux salariés ayants droit d’un conjoint bénéficiant lui-même d’une complémentaire santé dans son entreprise, l’une facultative et l’autre de droit.

 

♦ En premier lieu, et si cela est prévu par l’acte de droit du travail formalisant le régime frais de santé au sein de l’entreprise, ils peuvent se prévaloir d’une dispense facultative prévue au 2° de l’article R.242-1-6 du même code, lequel vise les «salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année».

 

L’arrêté auquel il est fait référence est l’arrêté du 26 mars 2012 qui vise notamment les ayants droit bénéficiant de prestations servies «dans le cadre d’un dispositif de prévoyance complémentaire remplissant les conditions mentionnées au sixième alinéa de l’article L.242-1 du même code».

 

♦ En second lieu, si cette dispense n’a pas été prévue dans l’acte de droit du travail mettant en place le régime dans l’entreprise, les salariés ayants droit peuvent se prévaloir de cette dispense « de droit » prévue au 3° de l’article D.911-2 du Code de la sécurité sociale, dans des conditions toutefois plus restreintes (cf. ci-dessus).

 

Pour se prévaloir de ces dispenses, s’il est certain que la couverture de «l’ouvrant droit», à savoir le conjoint salarié, doit être collective et obligatoire (7). La question du caractère obligatoire ou non de l’adhésion des ayants droit pouvait être sujette à débat compte tenu de la rédaction des textes.

 

Ainsi, dans la circulaire de la Direction de la sécurité sociale du 25 septembre 2013 (8) (désormais abrogée), l’administration avait considéré que la dispense d’adhésion prévue à l’article R.242-1-6 du Code de la sécurité sociale (dispense facultative) ne pouvait jouer, «pour un salarié ayant-droit au titre de la couverture dont bénéficie son conjoint salarié dans une autre entreprise, que si ce dispositif prévoit la couverture des ayants droit à titre obligatoire».

 

Cette circulaire, abrogée au 1er septembre 2022, a été remplacée par le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale qui, avant sa mise à jour du 19 avril 2024, précisait expressément que les «ayants droit couverts à titre obligatoire par la couverture collective d’un salarié (généralement, son conjoint)» bénéficient d’une dispense de droit.

 

Ainsi, la Direction de la sécurité sociale semblait considérer que cette dispense ne pouvait jouer que si le salarié ayant droit était couvert à titre obligatoire et non pas simplement à titre facultatif par la couverture de son conjoint.

 

L’arrêt du 7 juin 2023

 

Dans son arrêt du 7 juin 2023, Cour de cassation a jugé qu’un salarié couvert par le régime d’entreprise de son conjoint peut solliciter une dispense d’adhésion quand bien même la couverture dont bénéficie son conjoint ne prévoit l’adhésion des ayants droit qu’à titre facultatif.

 

La portée de cette décision restait toutefois à déterminer dans la mesure où :

 

    • l’arrêt avait été rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, dans le cadre d’un contentieux prud’homal, et non par la 2ème chambre civile dans le cadre d’un contentieux relatif aux cotisations de sécurité sociale ;

 

    • Il se référait à un accord collectif de branche instituant un régime de santé qui ne précisait pas expressément que pour le bénéfice de la dispense d’adhésion, la couverture de l’ayant droit devait être obligatoire.

 

Les apports de la mise à jour du BOSS d’avril 2024

 

Dans sa mise à jour du 19 avril 2024, le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale modifie sa position en tenant compte de l’arrêt précité et précise que la demande de dispense peut intervenir peu important que la couverture de l’ayant droit soit prévue à titre facultatif ou obligatoire.

 

Cette précision est valable aussi bien : pour les dispenses « de droit » (BOSS PSC, § 810) que pour les dispenses « facultatives » (BOSS PSC, § 870) .

 

Pour ces dernières (dispenses facultatives), elle précise toutefois que «L’acte de droit du travail peut également limiter cette faculté de dispense aux ayants droit couverts à titre obligatoire par le régime d’accueil.».

 

Le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale rappelle ainsi expressément que l’acte de mise en place des garanties peut restreindre l’application d’un ou de plusieurs cas de dispense (9).

 

En conséquence, il demeure possible, dans le cadre des dispenses facultatives, d’ouvrir les dispenses aux seuls ayants droit affiliés à titre obligatoire au régime (lui-même collectif et obligatoire) de leur conjoint dès lors que l’acte de droit du travail formalisant les garanties le prévoit expressément.

 

Mais dans une telle hypothèse, les salariés pourraient-ils, pour tenter de faire obstacle à cette limitation, se prévaloir de leur dispense « de droit » ouverte également en cas de couverture facultative des ayants droit ?

 

Selon une lecture littérale des textes, la réponse devrait, à notre sens, être positive.

 

Mais dans la pratique, il sera difficile de se prévaloir d’une telle dispense, dès lors que, comme indiqué précédemment, les dispenses de droit ne peuvent être sollicitées qu’ au moment de la mise en place des garanties, de l’embauche du salarié si celle-ci est postérieure à la mise en place des garanties, ou encore à la date à laquelle prend effet la couverture permettant au salarié de solliciter la dispense.

 

AUTEURS

 

Florence Duprat-Cerri, Avocat Counsel, responsable du département retraite et prévoyance (protection sociale), CMS Francis Lefebvre Avocats

Sophie Yin, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) CSS art. L.242-1 II 4°
(2) CSS art. L.911-7, D.911-2 et D.911-6
(3) CSS art. R.242-1-6 et D.911-4
(4) L’acte instituant les garanties peut être un accord collectif, un accord référendaire ou une décision unilatérale de l’employeur (CSS art. L.911-1
(5) CSS art. L.911-8
(6) Loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques
(7) Cass., civ. 2, 9 mai 2019, n° 18-15.872, concernant qui plus est des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de l’article R.242-1-6 du Code de la sécurité sociale
(8) Circulaire DSS n°2013/344 du 25 septembre 2013
(9) BOSS PSC, § 880.

 

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