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Transfert d’entreprise : le maintien des avantages en vigueur chez le cédant n’exclut pas l’application des avantages en vigueur chez le cessionnaire

Transfert d’entreprise : le maintien des avantages en vigueur chez le cédant n’exclut pas l’application des avantages en vigueur chez le cessionnaire

En cas de transfert des contrats de travail en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, le maintien en vigueur des engagements unilatéraux et des usages en vigueur dans l’entreprise cédante ne peut priver les salariés dont le contrat de travail a été transféré des avantages plus favorables qui s’appliquent au sein de l’entreprise cessionnaire. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. soc., 22 mai 2024, n°23-10.214).

 

Les circonstances de l’affaire

 

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, des salariés bénéficiaient au sein de leur entreprise d’un bonus «Corporate» au taux de 5% mis en place par engagement unilatéral.

 

L’entreprise ayant fait l’objet d’une fusion-absorption, les contrats de travail des salariés ont été transférés au sein de la société absorbante. A la suite de ce transfert, les salariés ont réclamé en justice le versement du bonus au taux de 12,5% en vigueur au sein de celle-ci.

 

Les juges du fond ont fait droit à la demande des salariés mais en limitant le montant du bonus au taux de 5% qui était en vigueur dans l’entreprise absorbée.

 

Pour limiter la condamnation de la société absorbante au paiement d’une somme correspondant au bonus «Corporate» calculé sur la base d’un taux de 5%, la cour d’appel a retenu que la société était légalement tenue de maintenir au bénéfice des salariés transférés de la société absorbée les droits qu’ils tenaient des usages en vigueur au jour du transfert.

 

Selon la cour d’appel, la différence de traitement qui en résultait entre les salariés de la société absorbante, qui bénéficiaient d’un bonus au taux de 12,5%, et les salariés de la société absorbée, qui bénéficiaient d’un bonus au taux de 5%, était justifiée par l’obligation légale faite à l’entreprise absorbante de maintenir au profit des salariés transférés les avantages dont ils bénéficiaient au sein de l’entreprise absorbée.

 

Les salariés se sont pourvus en cassation.

 

La décision de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond.

 

Elle a rappelé, en effet, que si le nouvel employeur est légalement tenu de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qu’ils tiennent de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, il ne peut refuser à ces mêmes salariés le bénéfice des avantages plus favorables résultant des engagements unilatéraux qui s’appliquent au sein de l’entreprise d’accueil.

 

Portée de la décision

 

Il est de jurisprudence constante que, en cas de transfert du contrat de travail en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, les salariés transférés continuent de bénéficier des avantages résultant d’un engagement unilatéral ou d’un usage qui était en vigueur dans l’entreprise absorbée (Cass. soc., 7 mai 1996, n°93-44.289 ; Cass. soc., 9 octobre 2001, n°99-43.661).

 

La Cour de cassation décide à cet égard que la différence de traitement susceptible de résulter de cette application entre les salariés de l’entreprise cédante, qui continuent à bénéficier de l’avantage existant chez leur ancien employeur, et ceux de l’entreprise cessionnaire qui ne bénéficient pas de cet avantage, est justifiée par l’obligation du nouvel employeur de maintenir les usages en vigueur au jour du transfert (Cass. soc., 30 mai 2018, n°17-12.782).

 

En revanche, et c’est le principal apport de l’arrêt du 22 mai 2024, l’obligation légale de maintenir, au profit des salariés transférés, les usages et les engagements unilatéraux dont ils bénéficiaient chez le cédant ne permet pas au cessionnaire de refuser d’appliquer à ces mêmes salariés les avantages résultant d’engagements unilatéraux en vigueur au sein de l’entreprise d’accueil : une telle différence de traitement serait alors injustifiée.

 

En conséquence, le fait que le cessionnaire soit tenu de poursuivre l’application du bonus au taux de 5% mis en place par le cédant ne peut priver les salariés du bénéfice d’un bonus au taux de 12,5% mis en place par engagement unilatéral en vigueur chez le cessionnaire.

 

Rappelons, en effet, que le statut collectif applicable dans l’entreprise cessionnaire, qu’il résulte des accords collectifs, des usages ou des engagements unilatéraux existant au sein de celle-ci, est immédiatement applicable aux salariés transférés.

 

Toutefois, bien que l’arrêt ne le précise pas, on peut raisonnablement penser qu’il n’y a pas lieu, pour autant, d’appliquer cumulativement les deux avantages lorsqu’ils ont le même objet.

 

En effet, selon la jurisprudence, lorsque deux avantages ont le même objet ils ne se cumulent pas et seul l’avantage qui conduit au résultat le plus favorable au plus grand nombre de salariés s’applique (Cass. ass. plén., 18 mars 1988, n°84-40.083 ; Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-15.797).

 

Tel était bien le cas dans l’affaire en cause puisque le litige portait, semble-t-il, sur deux bonus dont seuls les taux différaient. La Cour de cassation décide donc logiquement qu’il y avait lieu d’appliquer aux salariés transférés le bonus en vigueur dans l’entreprise cessionnaire dont le taux était plus favorable.

 

Notons enfin que si les usages et engagements unilatéraux en vigueur chez le cédant sont transférés au cessionnaire en cas de transfert du contrat de travail en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, celui-ci conserve toujours la possibilité de les dénoncer (Cass. soc., 23 février 1994, n°91-42.947) ou d’y mettre un terme en concluant un accord collectif.

 

Cela permet d’uniformiser le statut collectif applicable à l’ensemble du personnel et d’éviter, lorsque les avantages n’ont pas le même objet, un cumul des avantages existant chez le cédant et le cessionnaire au profit des salariés transférés.