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CDD saisonnier : comment limiter les abandons de poste des travailleurs saisonniers ?

CDD saisonnier : comment limiter les abandons de poste des travailleurs saisonniers ?

Les secteurs recourant au travail saisonnier sont bien souvent confrontés, en pleine haute saison, à des abandons de poste de travailleurs saisonniers. Parce que ces derniers ont, par exemple, trouvé un autre emploi saisonnier qui leur convient mieux, ils ne reviennent plus travailler au sein de la société, du jour au lendemain, sans justification valable.

 

Cela a pour conséquence une désorganisation de l’activité de la société et la nécessité de devoir procéder à de nouveaux recrutements, en urgence.

 

Se pose donc la question de savoir s’il est possible, en pratique, de limiter une telle «fuite» des travailleurs saisonniers.

 

Rappel des règles sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée (CDD)

 

Pour rappel, la rupture du CDD obéit à des règles propres.

 

La rupture anticipée du CDD est celle qui intervient :

 

    • avant le terme initialement fixé dans un contrat de date à date ;
    • ou avant la fin de la période minimale ou la réalisation de l’objet d’un contrat, sans terme précis.

 

Une fois la période d’essai achevée, il est seulement possible de rompre le CDD de manière anticipée dans des cas précis, déterminés par la loi.

 

Selon l’article L.1243-1 du Code du travail, le CDD ne peut être rompu avant l’échéance du terme que dans les cas suivants :

 

accord des parties (c’est-à-dire rupture d’un commun accord);

 

faute grave (du salarié ou de l’employeur) ;

 

force majeure (difficile à caractériser en pratique) ;

 

inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail.

 

Le CDD peut également être rompu avant l’échéance du terme à l’initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) (article L.1243-2 du Code du travail).

 

Par conséquent, le salarié peut valablement rompre son CDD, de manière anticipée, s’il justifie de la conclusion d’un CDI mais, sauf accord contraire des parties, il est alors tenu d’effectuer un préavis (article L.1243-2 du Code du travail).

 

Il faut noter que l’article L.1243-2 du Code du travail ne précise pas sous quelle forme le salarié doit apporter la preuve de son embauche sous CDI.

 

L’administration a, toutefois, précisé, à cet égard, que le salarié doit «pouvoir fournir à son employeur tout justificatif de nature à établir la réalité de l’embauche prévue. Une lettre d’engagement comportant une date d’embauche ou un contrat de travail peuvent constituer ces justificatifs, si le caractère indéterminé du contrat y figure. Une simple déclaration d’intention, dépourvue de date d’embauche, et ne comportant aucun engagement du futur employeur pourrait par contre ne pas être considérée comme un justificatif suffisant. La réalité de l’intention d’embauche s’apprécie au moment où le salarié décide de rompre le contrat» (Circ. DRT n°2002-08, 2 mai 2002).

 

En revanche, il a été jugé que le salarié ne peut pas rompre son CDD en dehors des cas prévus par la loi (Cass. soc., 24 juin 2015 n°14-11.220).

 

Ainsi, la démission d’un travailleur saisonnier au motif qu’il aurait trouvé un meilleur emploi saisonnier au sein d’une autre société n’est pas un motif valable de rupture anticipée du CDD.

 

Par ailleurs, en cas d’abandon de poste du travailleur saisonnier pour un tel motif, ou même, en cas d’abandon de poste sans aucune explication, si la société ne signe pas avec ce travailleur saisonnier une convention de rupture du CDD d’un commun accord, elle est contrainte de mettre en œuvre une procédure disciplinaire de rupture du CDD pour faute grave pour rompre le CDD valablement.

 

Cette procédure disciplinaire implique de mettre en demeure le salarié de justifier de son absence à son poste de travail puis, en l’absence de réponse de sa part, de le convoquer à un entretien préalable et, pour finir, de lui notifier la rupture du CDD pour faute grave du fait de son absence injustifiée à son poste de travail. Cela oblige donc la société à mettre en œuvre une procédure formelle et chronophage.

 

Il faut rappeler, à cet égard, que la récente procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste, prévue à l’article L.1237-1-1 du Code du travail, ne s’applique pas aux CDD.

 

Solutions pratiques pour éviter la «fuite» des saisonniers

 

Tout d’abord, il faut rappeler que le salarié, responsable de la rupture anticipée du CDD en dehors des cas autorisés par la loi, pourrait se voir réclamer par l’employeur des dommages et intérêts.

 

En effet, les dispositions régissant la résiliation du CDD sont d’ordre public.

 

Cela signifie que toute rupture prononcée en dehors des cas limitativement énumérés par la loi (accord des parties, faute grave, force majeure, inaptitude ou embauche sous CDI) constitue une rupture abusive ouvrant droit pour l’autre partie au versement de dommages et intérêts.

 

Spécifiquement, le Code du travail rappelle bien que la rupture anticipée qui intervient à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus par la loi ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi (article L.1243-3 du Code du travail).

 

Le montant des dommages et intérêts auxquels peut prétendre l’employeur est fixé par le juge, en fonction du préjudice subi, et l’employeur n’est donc dédommagé que dans la mesure où il peut prouver qu’il a subi un préjudice.

 

En pratique, il serait onéreux et chronophage pour la société de saisir le conseil de prud’hommes à chaque fois que survient un cas de rupture anticipée injustifiée de CDD, pour solliciter la condamnation du salarié à des dommages et intérêts, outre le caractère aléatoire de l’issue d’une telle procédure (aléa quant à la reconnaissance par le juge d’un préjudice, aléa quant à la solvabilité du salarié en cas de condamnation éventuelle, etc.).

 

Toutefois, engager une telle action judiciaire pourrait permettre, malgré son coût pour l’employeur, de «faire un exemple» qui serait, ensuite, utilement rappelé aux autres salariés saisonniers afin de tenter d’endiguer le phénomène d’abandon de postes rencontré dans l’entreprise.

 

Il serait, aussi, possible de jouer sur l’effet dissuasif de l’article L.1243-3 du Code du travail pour les salariés : «La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L.1243-1 et L.1243-2 ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi.».

 

Par exemple, il pourrait être envisagé de rappeler par écrit cette disposition du Code du travail dans les CDD et oralement lors de l’embauche.

 

Afin d’éviter une «fuite» des salariés en CDD saisonnier, il pourrait, en effet, être opportun de rappeler aux salariés, lors de leur embauche, voire dans le CDD, que la rupture anticipée du CDD n’est prévue que dans des cas spécifiques et qu’à défaut de respecter ces cas spécifiques, la société serait en droit de leur demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

 

Enfin, il est également envisageable de prévoir dans le CDD, une clause pénale en vertu de laquelle est déterminé, au préalable et forfaitairement, le montant des dommages-intérêts dû à l’employeur en cas de rupture anticipée du CDD par le salarié (Cass. soc., 23 octobre 1980, n°78-40.649).

 

En cas de rupture anticipée du CDD, la sanction prévue par la clause pénale joue, en principe, automatiquement, sans qu’il soit besoin de recourir au juge.

 

Toutefois, le recours au juge sera nécessaire si le salarié n’exécute pas spontanément la pénalité. Le juge a, en outre, la faculté de modérer ou d’augmenter le montant convenu, s’il est manifestement excessif ou dérisoire (C. civ., art. 1231-5).

 

Il pourrait donc également être opportun de prévoir une clause pénale dans les CDD saisonniers, fixant forfaitairement le montant des dommages et intérêts qui serait dû par les travailleurs saisonniers en cas de rupture abusive de leur CDD.

 

Cette clause pénale viserait essentiellement à dissuader la «fuite» des salariés saisonniers.

 

L’effectivité de sa mise en œuvre concrète resterait compliquée en pratique mais elle serait susceptible au moins de produire un effet dissuasif.

 

Nous soulignons, toutefois, que dans les secteurs faisant face à une pénurie de main d’œuvre, il ne faudrait pas que l’adjonction de telles clauses aboutisse à dissuader les candidats de signer un CDD saisonnier avec la société.

 

Pour conclure, la rédaction du CDD saisonnier pourrait être utilement travaillée afin d’essayer de dissuader les salariés de quitter leur emploi saisonnier, de manière anticipée, sans motif valable.

 

AUTEURS

Guillaume Bossy, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Lyon

Aude Poirier, Avocate counsel, CMS Francis Lefebvre Lyon

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