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Participation : pas de remise en cause possible du bénéfice net fiscal établi par une attestation du commissaire aux comptes

Participation : pas de remise en cause possible du bénéfice net fiscal établi par une attestation du commissaire aux comptes

La participation des salariés aux résultats l’entreprise permet aux salariés des entreprises d’au moins 50 salariés de participer à l’expansion de l’entreprise en bénéficiant d’une fraction des bénéfices réalisés par l’entreprise.

 

Afin de calculer la participation due aux salariés, l’employeur doit constituer une réserve spéciale de participation dont le montant est calculé sur la base d’une formule de calcul prenant en compte notamment le bénéfice net fiscal (C. trav., art L.3324-1).

 

L’article L.3326-1 du Code du travail précise que le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise servant au calcul de la réserve spéciale de participation aux résultats sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes et ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application des dispositions relatives à la participation.

 

Pourtant, les tentatives de remise en cause du bénéfice net fiscal ainsi établi ont été nombreuses devant le juge judiciaire, qu’elles émanent des salariés, des institutions représentatives du personnel ou mêmes des organisations syndicales.

 

La Cour de cassation a toujours refusé de faire droit à ces demandes (Cass. soc., 7 novembre 2001, n°00-12.216 ; Cass. soc., 8 décembre 2010, n°09-65.810), quand bien même l’action serait fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de la société (Cass. soc., 28 février 2018, n°16-50.015).

 

Dans une affaire récente, suivie par notre Cabinet, la Cour de cassation confirme une nouvelle fois ces solutions mettant ainsi un point final à une longue saga judiciaire (Cass. soc., 12 juin 2024, n°23-14.147).

 

Les circonstances de l’affaire

 

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, plusieurs sociétés françaises d’un groupe international avaient signé en 2014 un accord de participation de groupe.

 

Contestant les modalités de détermination du bénéfice net fiscal des sociétés du groupe, plusieurs syndicats et un CSE ont donc saisi le juge judiciaire aux fins notamment de constater que les attestations du commissaire aux comptes établies en vue du calcul de la réserve spéciale de participation devaient être frappées de nullité ou, en toute hypothèse, ne présentaient pas le caractère de sincérité nécessaire à leur validité en application de l’article L.3326-1 du Code du travail.

 

Le tribunal judiciaire puis la cour d’appel ayant décidé, conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, que l’action des demandeurs était irrecevable, ceux-ci se sont pourvus en cassation et ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) fondée pour l’essentiel sur l’atteinte portée par l’article L.3326-1 au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

La Cour de cassation ayant admis la possible existence d’un conflit entre les dispositions de l’article L.3326-1 et le droit à un recours juridictionnel effectif, a décidé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.

 

La décision du Conseil constitutionnel

 

Par une décision du 24 janvier 2024 (n°2023-1077 QPC), le Conseil constitutionnel après avoir rappelé que « l’attestation établie par le commissaire aux comptes a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de la réserve spéciale de participation », a déclaré les dispositions de l’article L.3326-1 du Code du travail conformes à la Constitution.

 

Il retient en effet qu’en adoptant les dispositions de l’article L.3326-1 du Code du travail, « le législateur a entendu éviter que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt » et que, ce faisant, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général.

 

Par ailleurs, le Conseil rappelle que le contrôle de l’administration fiscale se fait sous le contrôle du juge de l’impôt et que « l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie pour procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation ».

 

Le Conseil constitutionnel en conclut que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.

 

La décision de la Cour de cassation

 

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel – dont elle reprend longuement la motivation – la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir décidé que l’action du comité et des syndicats est irrecevable, au motif que :

 

– le premier alinéa de l’article L.3326-1 du Code du travail selon lequel le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres établi par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes ne peut être remis en cause à l’occasion de litiges relatifs à la participation est un texte d’ordre public absolu.

En conséquence, l’attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, dont la sincérité n’est pas contestée, ne peut être remis en cause dans un litige relatif à la participation, quand bien même l’action en contestation de ces montants est fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise.

 

– seule une différence entre le montant du bénéfice net ou des capitaux propres figurant sur cette attestation et celui qui a été déclaré à l’administration fiscale pour l’établissement de l’impôt est susceptible d’entacher l’attestation d’un défaut de sincérité.

 

Par cette décision qui consacre définitivement le monopole de l’administration fiscale et du juge fiscal pour apprécier les résultats de l’entreprise, la Cour de cassation sécurise non seulement les choix économiques et stratégiques des entreprises mais les protège également contre le risque de distorsion qui aurait pu résulter d’une différence d’appréciation de ses résultats entre le juge fiscal et le juge judiciaire et ses conséquences sur le calcul de la participation.

 

Pour autant, toute modification du bénéfice net fiscal servant de base au calcul de la participation n’est cependant pas écartée mais elle ne pourra émaner que de l’administration fiscale ou du juge de l’impôt.

 

En effet, aux termes de l’article L.3326-1-1 du Code du travail, issu de la loi du 29 novembre 2023, « lorsque la déclaration des résultats d’un exercice est rectifiée par l’administration ou par le juge de l’impôt, que les rectifications donnent lieu ou non à l’application de majorations, à des poursuites pénales ou à une convention judiciaire d’intérêt public, le montant de la participation des salariés au bénéfice de cet exercice fait l’objet d’un nouveau calcul tenant compte des rectifications apportées. »