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Négociation du PAP : la délicate articulation des articles L.2314-13 et L.2314-14 du Code du travail

Négociation du PAP : la délicate articulation des articles L.2314-13 et L.2314-14 du Code du travail

Lors de l’engagement du processus électoral, l’employeur et les organisations syndicales intéressées invitées à la négociation du protocole, doivent définir dans un protocole d’accord préélectoral, les modalités du futur scrutin et notamment, le nombre et la répartition des collèges électoraux ainsi que la répartition du personnel dans les collèges, la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral, la durée des mandats, le mode de scrutin etc. Il s’agit donc d’un acte préparatoire essentiel à l’organisation du scrutin.

 

Si l’invitation des organisations syndicales intéressées à la négociation est obligatoire, celle-ci ne pourra se tenir que si une ou plusieurs organisations syndicales ont répondu favorablement à cette invitation. Si la négociation ne peut se tenir ou en cas d’échec des négociations, il conviendra selon le cas que l’employeur ou l’administration intervienne pour répartir le personnel et/ou les sièges, dans les collèges électoraux.

 

Sur ce point, l’articulation des articles L.2314-13 relatif à la saisine de l’administration et L.2314-14 du Code du travail qui autorise l’employeur à procéder à cette répartition est source d’interrogation.

 

 1 – La validité du PAP conditionnée à une exigence de double majorité

 

La négociation du protocole d’accord préélectoral a lieu, à chaque mise en place ou renouvellement du Comité Social et Economique « CSE », entre l’employeur, d’une part, et les organisations syndicales intéressées, d’autre part.

 

Il appartient alors à l’employeur de prendre l’initiative d’inviter les organisations syndicales à cette négociation et d’engager la négociation, dès lors qu’au moins un syndicat a répondu positivement à son invitation.

 

Si les négociations aboutissent à la conclusion du protocole d’accord préélectoral, cet accord, qui n’est pas un accord collectif de travail, obéit à des conditions de validité particulières.

 

Il doit être signé à la double majorité :

 

    • la majorité en nombre des syndicats présents à la négociation ;

 

    • et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise qui ont recueilli la majorité des suffrages exprimés.

 

En effet, pour rappel, l’article L.2314-6 du Code du travail précise que la validité du protocole d’accord préélectoral  

 

« est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise. »

 

Plusieurs cas de figure sont dès lors possibles :

 

⇒ En l’absence d’organisation syndicale représentative dans l’entreprise, le protocole sera valide s’il est signé par la majorité numérique des syndicats intéressés ayant participé à sa négociation : dans ce cas, seule la condition de majorité en nombre est requise :

 

Par exemple, si 5 syndicats intéressés participent à la négociation, le protocole est valide à condition d’être signé par 3 syndicats au moins. En revanche, s’il est signé par 2 syndicats ou moins, la majorité n’est pas obtenue et le protocole n’est pas valide ;

 

⇒ En présence d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, un protocole d’accord préélectoral devra, pour être valide, être signé par la majorité en nombre des syndicats présents à la table des négociations, qui comprend les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise.

 

⇒ Si le ou les syndicats représentatifs majoritaires (c’est-à-dire ceux qui ont obtenu plus de la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections) sont absents à la table des négociations, même si d’autres syndicats participent à la négociation, la condition de double majorité sera impossible à obtenir, même si tous les négociateurs signent l’accord.

 

A défaut de conclusion d’un protocole d’accord préélectoral conforme aux prescriptions de l’article L.2314-6 du Code du travail, les dispositions légales précisent les modalités selon lesquelles il est procédé à la répartition du personnel, et des sièges dans les collèges électoraux.

 

Or, l’application de ces dispositions peut être source de difficultés.

 

2 – En l’absence de précision légale : la difficile question de la saisine de la DREETS

 

Les articles L.2314-13 et L.2314-14 du Code du travail paraissent, à leur lecture, assez simples et compréhensibles.

 

Toutefois, une lecture plus attentive révèle leurs difficultés d’application voire leur contradiction.

 

2.1. Une imprécision porteuse d’interrogation

 

Comme indiqué plus avant, les conditions de validité du protocole d’accord préélectoral obéissent à une condition de double majorité.

 

L’article L.2314-13 du Code du travail dispose que :

 

« [ …]Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et que l’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l’autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l’accord mentionné à l’article L.2314-12, soit, à défaut d’accord, à celles prévues à l’article L.2314-11.

La saisine de l’autorité administrative suspend le processus électoral jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin.[…]  »

 

Par ailleurs, l’article L.2314-14 du Code du travail ajoute que :

 

« Lorsque aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation, l’employeur répartit le personnel et les sièges entre les différents collèges électoraux. »

 

Ces deux articles, qui se succèdent, s’avèrent difficiles à articuler.

 

L’article L.2314-13 du Code du travail indique que, lorsqu’au moins une organisation syndicale s’est présentée à la négociation du protocole d’accord préélectoral mais qu’aucun accord n’a donc pu être obtenu quant à la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux, l’administration du travail doit être saisie par l’employeur qui procède à cette répartition.

 

Ainsi, le texte ne distingue pas selon que l’organisation qui participe à la négociation est représentative ou non, de sorte qu’il y aurait lieu de l’appliquer dans les deux hypothèses.

 

Néanmoins, l’article L.2314-14 du Code du travail précise quant à lui que, lorsqu’aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation, l’employeur répartit de manière unilatérale, le personnel et les sièges entre les différents collèges, sans qu’il soit besoin de saisir l’autorité administrative.

 

Dès lors, lorsqu’une organisation syndicale non représentative participe à la négociation du protocole mais qu’aucune organisation syndicale représentative n’est présente, l’employeur doit-il saisir la DREETS pour procéder à la répartition du personnel entre les différents collèges électoraux ou peut-il y procéder unilatéralement ?

 

2.2. A la nécessaire application du principe de précaution/les précautions à prendre

 

En l’absence de précision dans les textes, c’est au juge qu’il appartient d’interpréter les dispositions légales.

 

Dans un arrêt rendu le 20 septembre 2023, la Cour de cassation a apporté un début de réponse à la question.

 

Dans cette affaire, il n’existait aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise et en l’absence d’accord entre l’employeur et les organisations syndicales présentes à la négociation, l’employeur avait procédé seul à la répartition des salariés et à la répartition des sièges au sein des collèges électoraux.

 

La Cour a en effet considéré que :

 

« Selon l’alinéa 3 de l’article L.2314-13 du Code du travail, lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation de l’employeur et que l’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l’autorité administrative procède à cette répartition entre les collèges.

 

Il en résulte que, dès lors qu’une organisation syndicale a manifesté son intention de participer à la négociation préélectorale, l’employeur, à défaut d’accord préélectoral valide, a l’obligation de saisir l’autorité administrative pour faire procéder à la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges électoraux » (Cass. soc., 20 septembre 2023, n°22-60.114).

 

En conséquence, la Haute juridiction décide que, en l’absence d’accord, l’employeur devait saisir l’autorité administrative et qu’en l’absence de décision de celle-ci, l’élection n’avait pu être valablement organisée et devait être annulée.

 

Ainsi, lorsqu’en l’absence d’organisation syndicale représentative au sein de l’entreprise, si au moins une organisation syndicale se présente à la négociation du PAP et qu’aucun accord sur la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux ne peut être conclu, l’employeur se trouvera dans l’obligation de saisir le DREETS.

 

Toutefois, on peut se demander si la solution aurait été identique dans le cas où, bien que l’entreprise dispose d’organisations syndicales représentatives, aucune d’elle n’a participé à la négociation qui s’est tenue avec une ou des organisations syndicales non représentatives dans l’entreprise.

 

On peut le penser et une partie de la doctrine semble d’ailleurs retenir que l’administration est compétente dès lors qu’une négociation a été engagée et que ce n’est que dans le cas où aucune négociation n’a pu avoir lieu en raison de l’absence de réponse des syndicats représentatifs ou non à son invitation à négocier, que l’employeur peut procéder seul à cette répartition.

 

Compte tenu de ces incertitudes, dans le cas où une négociation a bien été engagée mais qu’aucune organisation syndicale représentative n’y a participé – soit parce que l’entreprise en est dépourvue soit parce que celles-ci n’ont pas répondu à l’invitation à négocier, les entreprises auront intérêt à saisir la DREETS afin qu’elle procède à la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges électoraux, pour éviter toute difficulté concernant la régularité des élections.

 

Auteurs

Hana Hassoumi, Avocate Counsel, CMS Francis Lefebvre Lyon

Sandrine Bacigalupi, Avocate, CMS Francis Lefebvre Lyon

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