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Forfait jours : quel contenu pour la convention individuelle de forfait ?

Forfait jours : quel contenu pour la convention individuelle de forfait ?

Par un arrêt récent et non publié (Cass. soc., 4 septembre 2024, n°23-16.283), la Cour de cassation apporte des précisions sur le contenu que doit comporter la convention individuelle de forfait en jours conclue avec un salarié pour être valable.

 

Rappel des règles applicables

 

Pour qu’une convention individuelle de forfait en heures ou en jours, qui nécessite l’accord du salarié (C. trav., art. L.3121-55), puisse valablement être conclue, il est nécessaire qu’un accord collectif prévoit ce mode d’organisation du temps de travail.

 

Depuis l’entrée en vigueur des forfaits en jours introduits par la loi «Aubry» du 19 janvier 2000, une abondante jurisprudence est venue préciser les conditions de validité de ce dispositif et notamment la liste des dispositions que doit prévoir l’accord collectif pour qu’il permette de conclure valablement des conventions de forfait en jours.

 

Afin de sécuriser les forfaits en jours, la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite «Loi Travail», a entendu tirer les conséquences de cette jurisprudence :

 

    • en s’efforçant de préciser les règles relatives au contenu de l’accord collectif instituant un forfait en jours (C. trav., art. L.3121-64) ;
    • et en instituant un dispositif «béquille» permettant de pallier l’insuffisance de l’accord collectif et de conclure valablement des conventions individuelles de forfait en jours (C. trav., art. L.3121-65).

 

S’agissant des conventions individuelles de forfait conclues avec un salarié en application de l’accord collectif, le Code du travail, dans ses dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, prévoyait que :

 

    • l’accord collectif fixe les caractéristiques principales des conventions de forfait ;
    • la convention individuelle de forfait est établie par écrit et requiert l’accord du salarié.

 

Ces dispositions ont été reprises dans les mêmes termes par la «Loi Travail». Celle-ci prévoit en effet que «la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit» (C. trav., art. L.3121-55) et que l’accord collectif fixe les caractéristiques principales de la convention individuelle de forfait, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait (C. trav., art. L.3121-64, I).

 

Dans l’arrêt du 4 septembre 2024, la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur la validité de la convention individuelle de forfait en jours.

 

Faits d’espèce

 

Dans cette affaire, une salariée avait conclu une convention de forfait en jours, par la voie d’un avenant à son contrat de travail qui prévoyait que : «Suivant l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du temps de travail dans la métallurgie, modifié par avenant du 29 janvier 2000, le décompte du temps de travail se fera en jours. Ce nombre est fixé à 218 jours par année civile, donnant droit à un certain nombre de RTT défini chaque année. Pour l’année 2012, ce nombre est fixé à 10 jours.»

 

Suite à l’action intentée par la salariée en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, la cour d’appel avait jugé que cette convention de forfait était nulle au motif que :

 

    • la convention aurait dû prévoir des modalités de contrôle sur la charge de travail et les moyens d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, notamment sous la forme de la tenue d’un entretien annuel, portant précisément sur la charge de travail, l’organisation et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ;
    • en conséquence, à défaut de telles précisions dans le contrat de travail ou la convention individuelle de forfait subséquente, le forfait annuel en jours est nul et inopposable au salarié.

 

En d’autres termes, selon la cour d’appel, la convention individuelle de forfait est nulle dès lors qu’en l’absence de précisions portant sur les moyens d’assurer la protection de la santé et de la sécurité de la salariée ainsi que sur les caractéristiques du poste justifiant une autonomie dans l’organisation du travail, la salariée n’a pas été mise en mesure d’accepter de manière suffisamment éclairée la clause de forfait en jours.

 

Dans son pourvoi, l’employeur soutenait, au contraire, que la Cour ne pouvait déclarer nulle la convention individuelle de forfait en jours dès lors qu’aucune disposition légale n’impose la reprise, dans cette convention, des mentions exigées pour la validité de l’accord collectif instituant ce dispositif.

 

La question posée à la Cour de cassation portait donc sur la nécessité de reprendre dans la convention individuelle de forfait en jours, les mentions exigées par la loi pour la validité de l’accord collectif instituant ce dispositif.

 

Solution

 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa, notamment, de deux dispositions dans leur rédaction applicable au cas d’espère et portant :

 

    • l’une sur le contenu de l’accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche) instituant le forfait en jours ;
    • l’autre sur le principe de la conclusion d’une convention individuelle de forfait avec l’accord du salarié et par écrit.

 

Pour justifier sa solution, la Cour de cassation énonce qu’en exigeant la reprise, dans la convention individuelle de forfait, des mentions qui doivent figurer dans l’accord collectif, la cour d’appel a ajouté des conditions, sur la régularité de la convention individuelle de forfait en jours, que la loi ne prévoit pas.

 

Ainsi, la cour d’appel ne pouvait déduire de l’absence de ces mentions dans la convention individuelle de forfait en jours, que le salarié n’avait pas été mis en mesure de l’accepter de manière éclairée.

 

Reste alors à déterminer, à la lecture de cette solution, quel est le contenu suffisant de la convention individuelle de forfait en jours.

 

Portée de la solution

 

Au cas particulier, la Cour a admis la validité de la convention individuelle de forfait en se référant, également, aux dispositions concernées de l’accord de branche dans la métallurgie instituant les modalités d’un contrôle du nombre de jours travaillés du salarié et du suivi régulier de la charge de travail.

 

Au regard, notamment, de ces dispositions conventionnelles, la Cour de cassation a jugé la convention individuelle de forfait en jours valable dès lors que celle-ci :

 

    • visait l’accord collectif national de branche dont le respect était de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours ;
    • et fixait le nombre de jours travaillés.

 

Dès lors, en présence d’un accord collectif répondant aux exigences légales, comme c’était le cas en l’espèce, il suffit, pour que la convention individuelle de forfait en jours soit valable, que celle-ci mentionne :

 

    • l’accord collectif en application duquel elle est conclue dès lors qu’il prévoit, notamment, les modalités de protection de la santé et de la sécurité du salarié ;
    • mais aussi le nombre exact de jours travaillés sur la période de référence.

 

Cette double exigence est cohérente avec la jurisprudence de la Cour relative à la régularité des conventions individuelles de forfait en jours qui exige que la convention individuelle de forfait en jours fixe un nombre de jours travaillés précis (Cass. soc., 12 mars 2014 n°12-29.141 ; Cass. soc., 16 mars 2016, n°14-28.295).

 

En dernier lieu, on peut noter que pour que la convention individuelle de forfait en jours, qui se borne à faire référence à l’accord collectif en application duquel elle a été conclue, soit valable, il est indispensable que l’accord lui-même réponde aux exigences posées par la loi et par la jurisprudence, ce qui était le cas en l’espèce puisque la Cour de cassation a jugé que l’accord conclu le 28 juillet 1998 dans la branche de la métallurgie était de nature à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés (Cass. soc., 29 juin 2011 n°09-71.107).

 

En revanche, en l’absence de décision relative à la validité de l’accord collectif en application duquel la convention individuelle de forfait a été conclue, ou si l’accord a été jugé insuffisant au regard des exigences légales, l’employeur qui s’est contenté d’y faire référence dans la convention individuelle de forfait, s’expose, en cas de litige, à ce que cette dernière soit déclarée nulle.