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Extension du champ d’application de la législation russe sur les prix de transfert – Quelles actions entreprendre immédiatement ?

Extension du champ d’application de la législation russe sur les prix de transfert – Quelles actions entreprendre immédiatement ?

La loi russe sur les prix de transfert est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. A compter du 1er janvier 2014, date de la fin de la période dite de transition (2012-2013), le dispositif a pris une nouvelle dimension avec un élargissement considérable de son champ d’application et un renforcement des sanctions applicables.

La réglementation entrée en vigueur en 2012, très inspirée des principes OCDE et relativement proche de la réglementation française, a fortement modifié la donne et introduit des exigences spécifiques nouvelles de notification et documentation.

Les sociétés françaises opérant en Russie au travers de sociétés liées doivent prendre connaissance du durcissement.

1. Extension du champ d’application de la loi

La loi couvre à la fois les transactions locales et transfrontalières.

S’agissant des premières, seules les opérations entre parties liées et, en particulier, celles dont le montant annuel du chiffre d’affaires excédait trois milliards de roubles en 2012 (environ 75 millions d’Euros), puis deux milliards de roubles en 2013 (environ 40 millions d’euros) étaient dans le champ d’application de la nouvelle loi.

A compter de 2014, ce seuil a été réduit à 1 milliard de roubles (soit environ 20 millions d’euros).

Les opérations transfrontalières entre parties liées ainsi que les opérations avec des sociétés tierces concernant la vente de marchandises sur une bourse étrangère ou impliquant des sociétés localisées dans des juridictions figurant sur la liste noire du Ministère des Finances russe, étaient visées dès lors que le montant annuel du chiffre d’affaires réalisé excédait 60 millions de roubles (environ 1,5 millions d’euros).

Depuis 2014, ce seuil a été abandonné.

On notera que le concept «parties liées» au sens du droit russe englobe les sociétés (ou individus vis-à-vis d’une ou plusieurs sociétés), dont l’un(e) détient directement ou indirectement au moins 25% du capital social de l’autre, ainsi que les sociétés détenues directement ou indirectement, à due concurrence, par une même société mère. Cette notion vise enfin les relations avec un dirigeant (PDG ou directeur) ou même entre des sociétés ayant un dirigeant commun.

Cela signifie que tous les flux entre parties liées tant locaux (si leur montant total annuel excède un milliard de roubles) que transfrontaliers (quels que soient leurs montants), impliquant des contribuables russes doivent être dûment notifiés aux autorités fiscales russes et documentés sur une base annuelle.

En pratique, cela se traduit par un alourdissement considérable de la charge de travail pour les contribuables pour se conformer, dans les délais légaux, aux exigences de la législation russe sur les prix de transfert.

2. Obligations documentaires

Pratiquement, concernant l’exercice fiscal 2014, les contribuables sont tenus de déposer leurs notifications au fisc au plus tard le 20 mai 2015.

Par ailleurs, ces flux doivent faire l’objet d’une documentation locale spécifique (Fichier Pays Russie) afin de justifier que les prix pratiqués correspondent à ceux du marché.
Les autorités fiscales russes pourront exiger la présentation de cette documentation dans le cadre d’un contrôle fiscal au titre de l’exercice 2014 à partir du 1er juin 2015.

La loi autorise le recours à diverses sources d’informations pour déterminer le prix de marché et notamment les informations sur les prix et cotations des bourses internationales s’agissant des marchandises qui y sont vendues, les statistiques douanières publiées par les service fédéral des douanes, les informations sur les prix et cotations de toute autorité, les sources officielles d’information des états étrangers, organisations internationales, et autres sources d’informations publiques, les données des agences spécialisées, les données comptables et statistiques des sociétés russes (ou étrangères, en l’absence de telles données), les informations sur les prix de marchés obtenues sur la base de rapport d’évaluation indépendants.

En pratique nous recommandons de préparer le fichier pays, contenant une documentation spécifique dans laquelle les actifs, fonctions et risques des sociétés affiliées ou contreparties russes seront décrits et la politique de prix de transfert (via, en particulier, l’étude de comparables) justifiés par référence et en conformité avec le masterfile1, lorsqu’il existe.

Composant essentielle de cette documentation, les études de comparables utilisées pour déterminer le prix de marché des transactions doivent -en principe- être réalisées à partir de bases de données russes (Ruslana, Spark). L’utilisation de bases de données régionales, pan-européennes ou internationales (par exemple, Amadeus) pourrait toutefois être acceptée par l’administration fiscale russe au cas par cas, sous certaines conditions (méthode de sélection des comparables, ancienneté des données, etc.).

Enfin si la loi ne précise pas la langue dans laquelle la documentation doit être préparée, en principe, elle doit être rédigée en russe. En pratique, un document rédigé en anglais -s’agissant en particulier du masterfile- qui viendrait à l’appui de la documentation locale, devrait être accepté à condition qu’il soit traduit sur demande de l’administration fiscale ou des tribunaux russes.

A défaut de présentation ou en cas d’insuffisance de documentation, l’administration fiscale pourra mettre le contribuable en demeure de la produire dans un délai de trente jours.

3. Renforcement des sanctions

Enfin, la fin de la période de transition (2012-2014) coïncide avec un renforcement des mesures de contrôle et coercitives de la réglementation des prix de transfert russe :

  • Extension des délais de vérification des prix de transfert. Les autorités fiscales sont en droit de déclencher un contrôle fiscal au titre de l’exercice 2014 entre le 1er juin 2015 et le 31 décembre 2017 ;
  • Introduction de sanctions. En cas de redressement, une pénalité au taux forfaitaire de 20 % sur la quote-part d’impôt impayé a été instaurée à compter de 2014. Ce taux sera porté à 40 % à partir de 2017.

4. Que faire et quand ?

L’expérience en la matière conduit donc à recommander d’anticiper une éventuelle demande de l’administration fiscale russe en commençant à documenter les transactions dès maintenant afin d’avoir suffisamment de temps pour mettre en place ou adapter la politique de prix de transfert et documentation correspondante.

Il est donc fortement recommandé aux contribuables qui n’auraient pas encore entrepris la préparation de leur Fichier Pays Russie d’exécuter le plan d’actions suivant dès que possible et, en tout état de cause, d’ici fin 2014 au plus tard :

  • Analyser le champ d’application potentiel des opérations soumises au contrôle des prix de transfert et faire une première estimation des efforts et de la charge de travail requis pour se mettre en conformité avec la loi;
  • Préparer, le cas échéant, une documentation locale russe (incluant diagnostic, analyses fonctionnelle et économique) ;
  • Procéder aux ajustements nécessaires des dispositions contractuelles existantes ou envisagées (s’agissant en particulier des clauses de prix/paiement, en fonction des résultats de l’analyse économique).

Pour les contribuables qui ont déjà mis en place une documentation locale au titre des exercices fiscaux précédents (2012-2013), il est recommandé d’analyser l’impact de l’extension de la réglementation des prix de transfert sur leur documentation actuelle, afin de procéder, en cas de besoin, aux modifications nécessaires dans le cadre de la revue annuelle.

En conclusion, toute entreprise étrangère ayant des activités en Russie, par le biais de filiales et impliquée dans des transactions transfrontalières avec celles-ci, peut tomber sous le coup des exigences russes en matière de documentation de prix de transfert, en vigueur depuis le 1er janvier 2014.

Pour les transactions locales, les règles de prix de transfert russes ne s’appliqueront que dans la mesure où les transactions entre parties liées réalisées en Russie dépassent 1 milliard de roubles pour 2014 (soit environ 20 millions d’euros).

Si vous pensez que votre entreprise se trouve dans l’un de ces deux cas de figure, il est vivement recommandé de vérifier si elle est tenue de notifier et de documenter les opérations correspondantes à des fins fiscales russes.

Note

1 Le masterfile doit contenir des informations générales sur le groupe de sociétés liées, (organisation juridique et fonctionnelle, descriptions des principaux actifs incorporels, description de la politique groupe de prix de transfert).

 

Auteur

Dominique Tissot, associé, CMS Russie

 

Article paru dans le magazine Option Finance le 13 octobre 2014