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Investissements immobiliers : L’instructive réforme de la fiscalité italienne pour les sociétés foncières cotées

Investissements immobiliers : L’instructive réforme de la fiscalité italienne pour les sociétés foncières cotées

Rendu plus contraignant à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2013, le régime français des SIIC se positionne dans un environnement de plus en plus concurrentiel en Europe, comme l’illustre la récente réforme apportée au régime fiscal des sociétés foncières italiennes.

Introduit en droit français en décembre 2002 (article 11 de la loi de finances pour 2003 – loi 2002-1575 du 30 décembre 2002, codifié principalement à l’article 208 C du Code général des impôts), le régime français des sociétés d’investissements immobiliers cotées («SIIC») va bientôt fêter son douzième anniversaire avec un succès certain.

Ce régime adopté aujourd’hui par 90% des sociétés foncières cotées françaises exonère d’impôt sur les sociétés, sous certaines conditions, les revenus immobiliers de ces sociétés (revenus locatifs, plus-values, dividendes de filiales foncières), en contrepartie de l’obligation d’en distribuer la majeure partie à leurs actionnaires, permettant ainsi de déplacer indirectement la fiscalisation de ces revenus au niveau de ces derniers.

En pratique, ce régime a favorisé la restructuration du parc immobilier français et l’émergence de grands projets innovants, notamment dans le commerce et les bureaux. Corrélativement, il a rendu attractif les titres de ces sociétés, qui assurent aux investisseurs un rendement moyen structurellement plus élevé que celui offert par les autres entreprises de la cote. Son succès a permis la constitution de groupes français d’envergure internationale.

Exemple emblématique, Unibail (entrée en 2007 au CAC 40) a réussi son OPE sur le groupe néerlandais Rodamco en 2007, et est devenue depuis la plus importante foncière européenne. S’inspirant de cet exemple, son concurrent Klépierre a lancé cet été une opération similaire sur un autre groupe néerlandais, Corio. Autres illustrations actuelles de ce dynamisme des groupes SIIC français, l’acquisition (toujours à l’été 2014) de SIIC de Paris par Eurosic, ou l’évolution récente de Cofitem-Cofimur, qui est devenue Foncière de Paris SIIC en optant pour le régime à l’été 2013, a absorbé Foncière Paris France dans la foulée et vient d’annoncer un projet de fusion avec Foncière des 6ème et 7ème arrondissements.

Le succès du régime français des SIIC participe d’un phénomène largement observé en Europe. Il convient de rappeler qu’à la naissance du régime en 2002, le législateur français s’est inspiré de régimes similaires existant dans d’autres Etats membres de l’Union Européenne (Belgique et Pays-Bas notamment). L’Italie, en 2006, puis le Royaume-Uni et l’Allemagne, en 2007, et enfin l’Espagne en 2009 ont suivi le mouvement, en créant ou modernisant des régimes comparables, communément désignés sous l’acronyme international de «REIT» (pour real estate investment trust).

Ce constat traduit la réalité d’une compétition accrue entre Etats européens pour dynamiser leurs marchés immobiliers et attirer les investisseurs, et trouve son prolongement dans les récents efforts de l’Espagne (il y a 2 ans) et de l’Italie (aujourd’hui) pour rendre plus attractifs les régimes fiscaux de leurs sociétés foncières – approche qui amène à s’interroger sur les dernières évolutions du régime français.

Contexte de la réforme en Italie

Par un décret publié en septembre («Sblocca-Italia» Decreto Legge 133/2014), le gouvernement italien a, parmi d’autres mesures destinées à revitaliser le secteur immobilier, introduit des modifications significatives au régime des sociétés d’investissements immobiliers cotées italiennes, dit régime «SIIQ».

Alors que les SIIQ n’ont pas connu jusqu’à présent le même succès que les autres REITs européens, l’objectif de cette réforme est de faire des SIIQ un outil privilégié pour les investissements immobiliers en Italie, en alignant leur régime fiscal sur celui des REITs les plus performants (régimes anglais, français, allemand et néerlandais) et en rendant ces structures plus flexibles au regard tant des conditions d’accès au régime que de la gestion de leurs investissements.

Les nouvelles conditions d’accès au régime SIIQ

Dorénavant, pourront opter pour le régime SIIQ d’une part les sociétés de capitaux dont l’activité principale est la location d’immeubles, qui ont leur résidence fiscale en Italie et qui sont cotées dans l’UE (voire dans l’EEE), et d’autre part les sociétés étrangères ayant des caractéristiques similaires (établies dans l’UE voire dans l’EEE) et exerçant une activité foncière par le biais d’un établissement stable en Italie. Ces conditions sont comparables à celles du régime français.

Le plafond de détention de la SIIQ par un actionnaire de contrôle est relevé de 51% à 60% du capital, tandis que l’exigence de flottant minimum (visant les actionnaires disposant d’au maximum 2% des droits de vote ou des droits financiers) a été réduite de 35% à 25%. Sur ces deux points, le régime italien se rapproche du régime français, qui reste toutefois plus souple puisque le flottant minimum en France n’est que de 15% et ne doit être respecté que le premier jour d’application du régime.

Exonération des bénéfices et obligations de distribution

L’un des principaux intérêts de la réforme italienne est l’extension de l’exonération d’impôt sur les sociétés aux plus-values sur les immeubles ou filiales éligibles, qui étaient jusqu’à présent taxables dans les conditions de droit commun. De ce point de vue, le régime italien rejoint le régime français.

Corrélativement, le décret diminue de 85% à 70% la fraction soumise à obligation de distribution des bénéfices nets des opérations de location (et des revenus assimilés, dont les dividendes reçus de fonds ou filiales éligibles et les plus-values sur actifs éligibles), afin de permettre à la SIIQ d’allouer des ressources plus importantes à la rénovation et à l’entretien de ses actifs, dans l’espoir d’alimenter le secteur de la construction.

A cet égard, l’évolution du régime français est inverse, puisque la dernière réforme en date du régime SIIC, issue de la loi de finances rectificative pour 2013, a eu pour objet d’augmenter l’obligation de distribution de 85% à 95% pour les revenus locatifs et de 50% à 60% pour les plus-values, tandis que l’obligation de distribution pesant sur les dividendes est restée fixée à 100%. Contraignante pour les SIIC, cette évolution est théoriquement favorable pour les investisseurs – étant toutefois rappelé que les particuliers n’ont plus droit, depuis la loi de finances pour 2012, à l’abattement de 40% sur les dividendes issus des bénéfices exonérés des SIIC.

Restructurations

Dernier point notable, le décret italien facilite l’adoption du régime SIIQ dans le cadre de transformations et liquidations de fonds immobiliers, en rendant applicable un régime de neutralité fiscale au transfert à une SIIQ d’un portefeuille d’actifs immobiliers locatifs par un fonds immobilier.

De ce point de vue, la flexibilité du régime français est nettement moindre, puisqu’il n’existe pas de régime de neutralité spécifique pour des opérations de transformation ou d’apport de fonds ou d’actifs immobiliers à des SIIC, et qu’une exit tax au taux de 19% s’applique en principe aux actifs éligibles qu’une SIIC acquiert d’une structure non SIIC dans le cadre d’une restructuration éligible à un régime fiscal de faveur (par exemple, une fusion).

Une stabilisation souhaitable du régime français

Né en 2003 et ayant trouvé son équilibre et sa maturité suite à plusieurs réformes intervenues dans sa prime jeunesse (entre 2004 et 2009), le régime SIIC a connu un succès que nos voisins européens nous envient, comme en témoigne la réforme du régime SIIQ en Italie : celle-ci s’est clairement inspirée, entre autres, du régime SIIC français. Une fois n’est pas coutume, la fiscalité française a donc servi de modèle pour une mesure destinée à favoriser les investissements.

Il est toutefois à noter que la réforme italienne prend le contrepied du durcissement apporté au régime français en 2013. Il est donc souhaitable que celui-ci laisse la place à une période de stabilité, ardemment souhaitée par les opérateurs et investisseurs. Dans ce domaine comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres, la règlementation fiscale française a souffert ces dernières années d’une insécurité nourrie par des réformes trop nombreuses, souvent brutales et parfois incohérentes.

Le rapport «Queyranne» de juin 2013, qui a inspiré la dernière retouche apportée au régime SIIC français, prenait soin de souligner à juste titre l’intérêt et la pertinence du dispositif pour favoriser l’investissement dans un immobilier indispensable à de nombreux secteurs économiques en France, dans un contexte où la fiscalité immobilière de droit commun est comparativement plus lourde en France que dans la plupart des autres pays européens. Ce rapport incitait donc le législateur français à se montrer très prudent dans ses tentatives éventuelles de modifier le régime. L’exemple italien actualise cette recommandation.

 

Auteurs

Frédéric Gerner, Avocat spécialisé en matière de restructurations, d’intégration fiscale et plus généralement de fiscalité de groupes français et internationaux.

Stefano Chirichigno, partner CMS Adonnino Ascoli & Cavasola Scamoni

 

Article paru dans le magazine Option Finance le 24 novembre 2014