Clause attributive de juridiction et internationalisation du contrat
Dans un arrêt du 23 septembre 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé qu’une clause attributive de juridiction est valable au sens de l’article 23 du Règlement CE n°44/2001 (Bruxelles I) aux seules conditions (i) qu’une partie ait son domicile dans un Etat membre de l’Union européenne et que (ii) la juridiction choisie soit celle d’un Etat membre (Cass. Com., 23 septembre 2014, n°12-26585).
En l’espèce, une société (A) de droit anglais ayant son siège en Grande-Bretagne ainsi qu’une succursale en France avait acquis l’intégralité des actions d’une société française (B) qui détenait elle-même la totalité du capital d’une autre société française (C). A la suite de cette cession, l’un des cédants avait constitué (avec son fils) une nouvelle société ayant une activité similaire à celle de la société C.
La société A a assigné, en concurrence déloyale et en application de la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de cession, le cédant et son fils devant le tribunal de commerce de Paris.
Les intéressés ont alors soulevé une exception d’incompétence territoriale au profit du tribunal du lieu de leur domicile au motif que la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de cession était nulle car dépourvue de caractère international dans la mesure où la société A disposait d’une succursale en France.
Le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris ont écarté cet argument et se sont déclarés compétents en application de la clause attributive de juridiction au motif que la société A était domiciliée en Grande-Bretagne et que le contrat de cession était donc un contrat international.
La Cour de cassation confirme cette solution en énonçant que :
« l’article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) reconnaît la validité de la clause attributive de juridiction aux seules conditions que l’une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d’un Etat membre et que la juridiction désignée soit celle d’un Etat membre ; qu’ayant constaté que les parties étaient domiciliées sur le territoire d’Etats membres différents, la cour d’appel a, par ce seul motif, faisant ressortir un élément d’extranéité suffisant à établir le caractère international du contrat, légalement justifié sa décision ».
La Chambre commerciale de la Cour de cassation considère donc que l’internationalité d’une situation, préalable nécessaire à l’application de l’article 23 du Règlement Bruxelles I, est établie aux fins de ce même Règlement par le simple fait que les parties aient leur domicile dans des Etats membres différents. Ce faisant, elle applique un critère juridique de reconnaissance du caractère international du contrat.
Par cet arrêt, la Haute Juridiction rappelle également que pour être appliquée, une clause attributive de juridiction doit satisfaire deux conditions imposées par la convention internationale qu’est le Règlement de Bruxelles I et deux seulement: (i) que l’une au moins des parties ait son domicile dans un Etat membre et (ii) que la juridiction choisie soit celle d’un Etat membre.
Il est cependant à noter que la première de ces deux conditions semble vouée à disparaître avec l’entrée en vigueur du Règlement UE n°1215/2012 (dit Règlement de Refonte ou Bruxelles I Bis) qui devrait conduire à ce que l’appréciation de la validité des clauses attributives de juridiction ne se fasse plus en considération du domicile des parties (article 25.1 dudit Règlement). A compter du 15 janvier 2015 et sous réserve de l’interprétation jurisprudentielle future du Règlement Bruxelles I Bis, l’effectivité des clauses attributives de juridiction devrait donc se trouver améliorée.
Auteurs
Stéphanie de Giovanni, avocat en droit de la distribution et contrats internationaux.
Aliénor Fèvre, avocat en droit de la distribution et contrats internationaux.