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La protection du secret des affaires s’invite dans le projet de loi Macron

Il n’existe pas, en France, de régime spécifique de protection du secret des affaires. Ce vide pourrait toutefois être rapidement comblé, tant les initiatives réglementaires dans ce domaine se multiplient ces derniers mois.


La dernière en date est à l’initiative de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, chargée d’examiner avant sa discussion en séance publique le projet de loi n°2447 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économique, dite «loi Macron», qui y a inséré, le 19 janvier 2015, un volet sur la protection du secret des affaires.

L’analyse du projet révèle que la Commission a repris l’intégralité de la proposition de loi n°2139 du 16 juillet 2014 portant sur la protection du secret des affaires1. A l’instar de cette proposition, le projet de loi a vocation à anticiper l’adoption du projet de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secret d’affaire), présenté par la Commission européenne le 28 novembre 2013. A la différence de ce dernier qui n’envisage qu’une protection du secret des affaires sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, le dispositif proposé tend à une approche plus complète, en consacrant également le principe d’une responsabilité pénale des contrevenants.

Le projet de loi appelle à compléter le livre premier du Code de commerce par un Titre V intitulé «du secret des affaires», qu’il définit comme toute information ne présentant pas un caractère public, revêtant une valeur économique et faisant l’objet de mesures de protection raisonnable pour en conserver le caractère non public.

Le texte érige en principe général que nul ne peut obtenir une information protégée, l’utiliser ou la communiquer, toute atteinte délibérée ou par imprudence engageant la responsabilité civile de son auteur.

Le préjudice résultant de l’atteinte au secret des affaires sera réparé par l’octroi de dommages et intérêts calculés en tenant compte des conséquences économiques négatives dont le manque à gagner et la perte subie par la personne lésée du fait de l’atteinte ainsi que le préjudice moral qui lui a été causé, ou par toute autre mesure complémentaire appropriée.

Des mesures provisoires et conservatoires, en référé ou par requête, pourront être ordonnées par le juge afin de prévenir ou faire cesser une atteinte au secret des affaires. Précision importante : si ces mesures sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur devra agir dans un délai de 30 jours ; à défaut, les mesures seront annulées sur simple demande du défendeur.

Le texte prévoit également des mesures permettant de garantir la protection du secret des affaires durant les procédures judiciaires, telle que la possibilité pour le Tribunal de refuser la production d’une pièce ou l’autoriser dans une version non confidentielle, sous forme résumée ou par simple consultation sur place.

Enfin, le projet de loi comprend un volet consacré aux mesures pénales de protection du secret des affaires. Le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires, ou la simple tentative de ce délit, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (1 875 000 euros pour les personnes morales qui pourraient en être tenues responsables).

Attendons maintenant de voir si les parlementaires suivront cette initiative prise dans le cadre d’un projet de loi déjà particulièrement lourd, dont l’adoption doit de surcroît intervenir selon la procédure accélérée.

Note

1. Cette proposition de loi fait elle-même suite à une précédente proposition de loi n°3985 déposée par le député Bernard Carayon le 22 novembre 2011, abandonnée à la suite du changement de législature après avoir fait l’objet d’une première lecture au Sénat.

 

Auteur

Alexis Vichnievsky, avocat spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle et droit d’auteur

 

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 2 février 2015