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Ententes anticoncurrentielles : les Etats membres libres de prendre des sanctions en-deçà des seuils de minimis

Aux régimes nationaux de prohibition des ententes anticoncurrentielles vient s’ajouter une interdiction issue du droit de l’Union européenne (UE). Elle est applicable parallèlement au droit national chaque fois que le commerce entre les Etats Membres est susceptible d’être affecté.

C’est aux autorités nationales de concurrence qu’il revient à titre principal de connaître des infractions au droit de la concurrence de l’UE. La Commission européenne n’est appelée à appliquer elle-même le droit de l’UE que dans des cas limitativement définis (notamment lorsqu’une pratique a des effets dans plus de trois Etats membres). L’application du droit national par une autorité nationale ne peut toutefois conduire à interdire des ententes que le droit de l’UE n’interdit pas ou exempte (Règlement 1/2003).

En application du droit de l’UE, une entente échappe notamment à la prohibition si elle n’affecte pas le marché de manière sensible. Les critères de détermination de l’effet sensible sont fixés par la jurisprudence de l’UE.

La Commission s’est par ailleurs dotée de règles de soft law, sous la forme d’une communication de 2001 dite « Communication de minimis »(1), visant à « quantifier, au moyen de seuils de parts de marché [des entreprises en cause], ce qui ne constitue pas une restriction sensible de concurrence au sens » du droit de l’UE, afin de déterminer un seuil d’engagement des poursuites et de guider les autorités et juridictions nationales dans leur analyse.

Sur une question préjudicielle de la Cour de cassation, la CJUE vient de dire pour droit que cette communication ne lie pas les Etats membres qui restent libres de sanctionner une restriction de concurrence en-deçà des seuils fixés par la Commission, pour autant qu’ils ont vérifié qu’il s’agit d’une restriction sensible (CJUE, 13 déc. 2012, aff. Expedia). Il ressort en outre de l’arrêt de renvoi (Cass. Com., 10 mai 2011) que les seuils de sensibilité fixés en droit français (article L.464-6-1 C.Com) ne lient pas plus l’Autorité de la concurrence qui garde la faculté de poursuivre une infraction en-deçà de ces seuils. Les entreprises ne peuvent donc prétendre faire échapper leurs accords au droit de la concurrence en raison de la faiblesse de leurs parts de marché.

La CJUE a par ailleurs précisé qu’une entente qui a un objet anticoncurrentiel constitue en tout état de cause une restriction sensible. Les règles de minimis n’ont ainsi vocation à jouer que lorsqu’une pratique, qui ne constitue pas une restriction par objet, a ou est susceptible d’avoir un effet anticoncurrentiel.

Notes

1. Communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (devenu depuis l’article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

 

A propos de l’auteur

Virginie Coursière-Pluntz, avocat. Elle intervient principalement en droit de la concurrence et en droit européen (antitrust, contrôle des concentrations, libertés de circulation), tant en conseil qu’en contentieux.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 14 janvier 2013

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