La fiducie après la loi de finances rectificative pour 2014 : enfin neutre ?
La loi de finances rectificative pour 2014 a modifié les articles 145 et 223 A du Code général des impôts (le « CGI ») pour permettre la prise en compte des titres remis en fiducie dans l’application des régimes mère-fille et d’intégration fiscale, lorsque le constituant conserve l’exercice des droits de vote attachés à ces titres ou lorsque le fiduciaire exerce ces droits de vote dans le sens déterminé par le constituant.
Ces deux conditions présentent des attraits inégaux. En effet, la conservation des droits de vote par le constituant laisse perplexe car y parvenir paraît rendre nécessaire soit de procéder à un démembrement de propriété (en laissant l’usufruit au constituant qui inclurait les droits de vote), soit de transférer la pleine propriété des titres à la fiducie et de recourir ponctuellement à des prêts de titres au constituant. Néanmoins, ces solutions pourraient s’avérer fragiles s’il advenait que les conventions dont elles requièrent la conclusion venaient à être qualifiées de conventions de mise à disposition au sens de l’article L. 622-23-1 du Code de commerce, ce qui rendrait impossible le transfert des titres prêtés ou de leur usufruit en cas de faillite (pour dire les choses largement) du constituant.
Aussi, on préfèrera l’autre possibilité laissée par le CGI : l’exercice des droits de vote par le fiduciaire dans le sens déterminé par le constituant sur la base de clauses de vote classiques. Ces clauses pourront, comme le permettent les articles du CGI issus de la loi de finances rectificative, prévoir la limitation des droits du constituant pour protéger les intérêts financiers du bénéficiaire (par exemple, en prévoyant une interdiction de voter une réduction de capital ou d’autoriser la conclusion d’un endettement supplémentaire). Au final peu contraignante, cette seconde option ouvre la voie à un arbitrage bien plus libre qu’auparavant entre la fiducie sur titres et celle sur actifs qui reposera désormais sur des critères tels que les formalités de transfert ou les contraintes de gestion par le fiduciaire.
Incontestablement, cette fiducie, qui s’approche de la vraie neutralité fiscale promise depuis l’origine, offre des perspectives renouvelées : c’est plus que jamais le cas du restructuring, qui est le contexte ayant favorisé la réforme, mais aussi du LBO, où elle pourrait venir supplanter les structures de double Luxco pour une plus grande stabilité, ou encore de la titrisation d’actifs, puisque la possibilité de remettre en fiducie les titres de l’entité ad hoc portant l’actif titrisé devrait renforcer la bankruptcy remoteness de ladite entité ad hoc. Enfin, les intérêts de la dette d’acquisition des titres devraient rester déductibles chez le constituant comme si la fiducie n’existait pas sous réserve néanmoins de s’assurer au cas par cas de la « neutralité fiduciaire » à l’égard des dispositifs susceptibles de restreindre la déduction (sous-capitalisation, acquisition d’une participation principalement).
Auteurs
Michel Collet, avocat associé en fiscalité internationale.
Alexandre Bordenave, avocat en matière de financements structurés.
*La fiducie après la loi de finances rectificative pour 2014 : enfin neutre ?* – Article paru dans le magazine Option Finance du 9 février 2015