Régime des sociétés mères : le Conseil d’Etat refuse l’exonération des dividendes reçus d’une filiale étrangère dépourvue de substance économique
Le Conseil d’Etat a écarté l’utilisation abusive du régime des sociétés mères à plusieurs reprises, notamment :
- dans l’affaire Garnier Choiseul (CE, 17 juillet 2013, n°352989), au sujet de distributions provenant de filiales sociétés coquilles, acquises justement pour procéder aux distributions exonérées, dans la perspective de leur disparition,
- ou dans l’affaire Sagal (CE, 18 mai 2005, n°267087), dans laquelle la filiale distributrice – luxembourgeoise – n’était pas vouée à disparaître, mais dont le défaut de substance avait joué un rôle majeur dans la décision du Conseil d’Etat.
Dans une nouvelle affaire, le Conseil d’Etat conclut dans le même sens à propos de la distribution provenant d’une filiale étrangère exerçant une activité purement patrimoniale, consistant seulement à détenir des obligations et à les céder. L’administration soutenait que le fait que l’opération d’investissement ait été passée par l’intermédiaire de la société étrangère (au lieu d’une réalisation directe par la société française) poursuivait un but exclusivement fiscal. Le Conseil d’Etat lui donne raison en relevant (CE, 11 mai 2015, n°365564, SA Natixis) :
- d’une part, que la filiale étrangère avait pour seuls actifs des obligations acquises dès l’origine grâce aux sommes apportées par la société mère, pour seule activité leur gestion patrimoniale et pour seules recettes les intérêts et plus-values résultant de ces obligations,
- d’autre part, que la politique de placement avait été définie une fois pour toutes lors de la création de la filiale, que la société mère ne contrôlait pas réellement la gestion de cette filiale et que le risque qu’elle supportait ne se distinguait pas (le dividende versé étant seulement fonction des revenus du placement en obligations), de celui qu’elle aurait supporté si elle avait directement investi, sans l’intermédiaire de la filiale, dans l’acquisition de ces obligations.
D’une façon générale, la substance – en particulier l’effectivité de la gestion – de la filiale est un point particulièrement important à vérifier en présence de sociétés patrimoniales. Mais la décision semble ajouter au cas particulier la nécessité d’un risque d’actionnaire qui doit se traduire par un aléa sur le rendement de l’investissement.
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale.