Consécration de la distinctivité de la marque acquise par l’usage postérieur au dépôt
Le 28 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris avait, à la demande de la société Showroomprive.com, annulé partiellement l’enregistrement de la marque verbale « vente-privee.com », qu’elle avait jugée dépourvue de distinctivité pour certains des services visés par l’enregistrement.
Saisie en appel, la cour d’appel de Paris affirme que si la marque litigieuse était dépourvue de caractère distinctif au moment de son dépôt, elle était par la suite devenue distinctive par l’usage. Si une telle possibilité ne ressort pas clairement de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, la cour se fonde, pour interpréter cet article, sur l’article 3 de la directive n°2008/95 du 22 octobre 2008, qui a codifié la directive n°89/104 du 21 décembre 1988, et prévoit expressément cette possibilité d’acquisition par l’usage postérieur au dépôt de la marque. Elle juge en outre que l’enregistrement de cette marque n’est pas frauduleux.
Selon la cour, l’usage continu, intense et de longue durée de la marque litigieuse permet à « « une fraction significative » du public concerné [de percevoir] la marque « VENTE-PRIVEE.COM » comme identifiant les services de vente au détail de produits ou services d’origines diverses désignés par elle comme provenant d’une entreprise déterminée » (CA Paris, 31 mars 2015, n°12/12856).
Cette décision s’inscrit dans la logique de celle-ci qu’elle avait rendue dans le cadre de l’affaire « SeLoger.com » et qui faisait déjà une pleine application du droit communautaire, mais dans un cas où la distinctivité par l’usage avait été acquise antérieurement au dépôt de la marque (CA Paris, 14 octobre 2014 ; voir notre lettre des propriétés intellectuelles d’avril 2015).
Pour autant, cette décision – de même que la décision SeLoger.com – soulève quelques difficultés. En effet, cette jurisprudence est susceptible d’encourager les sociétés à utiliser des caractères élémentaires de recherche Internet pour atteindre le public, afin de pouvoir ensuite se prévaloir du caractère distinctif de leur marque par l’usage. Toutefois, il n’est pas certain que la société Vente-privée puisse agir légitimement en contrefaçon, puisque sa marque est, certes, distinctive, mais aussi composée de signes usuels et descriptifs. C’est sur ce fondement que le juge de première instance a refusé d’annuler la marque showroom-prive.com.
Le pourvoi annoncé par la société Showroomprive.com apportera peut-être de nouveaux éléments de réponse.
Auteur
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.