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Rupture conventionnelle : la volonté de sécurisation se confirme

Rupture conventionnelle : la volonté de sécurisation se confirme

La Cour de cassation effectue un contrôle très restreint de la validité des ruptures conventionnelles, en limitant la remise en cause de celles-ci au constat d’un vice du consentement. Une position confirmée récemment, mais qui laisse subsister des interrogations.

La rupture conventionnelle implique le libre consentement des parties et le respect d’une procédure stricte : la tenue d’au moins un entretien au cours duquel le salarié peut être assisté -ce dont il convient de l’informer en amont-, le respect d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la signature de la convention de rupture, la soumission de la rupture à l’homologation de l’administration du travail (ou l’autorisation pour les salariés protégés), le versement d’une indemnité au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement, etc.

Parmi ces éléments, la jurisprudence concentre son attention sur le consentement des parties.

Peu regardante sur le contexte de la rupture…

Alors que certaines protections existantes en matière de licenciement pouvaient sembler transposables aux ruptures conventionnelles, la Cour de cassation a adopté une position inverse en jugeant notamment qu’une telle rupture pouvait être conclue par une salariée en congé maternité, ou par un salarié victime d’un accident du travail pendant la période d’arrêt maladie (Cass. Soc. 25 mars 2015 n°14-10149 ; 30 septembre 2014 n°13-16297).

En outre, la Cour de cassation a rappelé il y a peu que l’existence d’un différend entre les parties n’affectait pas en elle-même la validité de la rupture (Cass. Soc. 13 mai 2015 n°14-10048).

Par ces arrêts, la Cour de cassation estime que le contexte dans lequel une rupture conventionnelle a été négociée est sans incidence, sous la seule réserve qu’il ne conduise pas à vicier le consentement du salarié.

… La Cour de cassation n’en reste pas moins attentive à certains vices du consentement

Les juridictions procèdent malgré tout à un contrôle des éléments de nature à affecter la liberté du consentement des salariés.

Dans un arrêt du 9 juin 2015 (n°14-10192), la Cour de cassation valide la position d’une Cour d’appel ayant annulé une rupture conventionnelle en raison de manœuvres de l’employeur. Elle relève que le salarié avait été incité par celui-ci à rompre son contrat de travail et s’était vu promettre lors d’entretiens préalables le versement d’une indemnité au titre d’une clause de non-concurrence, que l’employeur avait finalement levée après la rupture. Cette annulation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour sa part, la Cour d’appel de Versailles a sans surprise considéré dans un arrêt du 20 mai 2015 (n°12/04288) que l’envoi à l’administration d’une convention de rupture antidatée le lendemain de sa signature ne garantissait pas la liberté du consentement des parties, eu égard au non-respect du délai de rétractation.

… Mais les critères d’appréciation d’un vice du consentement sont malaisés à identifier

S’il apparaît ainsi qu’un vice affectant le consentement d’une partie est quasiment le seul motif pouvant invalider une rupture conventionnelle, les éléments essentiels à ce consentement sont difficiles à identifier.

A cet égard, dans un arrêt du 8 juillet 2015 (n°14-10139), la Cour de cassation s’est prononcée sur une rupture conventionnelle pour laquelle les parties avaient mentionné sur la convention une date de rupture antérieure à la date d’homologation de l’administration.

Les parties avaient également omis d’inclure certaines primes dans l’assiette de calcul de l’indemnité minimale de rupture, l’indemnité convenue étant de ce fait inférieure à celle-ci. Le salarié avait sollicité en justice l’annulation de la convention de rupture.

La Cour de cassation refuse d’annuler la rupture et précise seulement qu’il appartient à la Cour d’appel de rectifier la date de rupture et d’ordonner le versement au salarié du complément d’indemnité nécessaire pour se conformer à l’indemnité minimale due.

La date et surtout l’indemnité de rupture sont pourtant des éléments primordiaux négociés par les parties dans le cadre d’une rupture conventionnelle, qui doivent d’ailleurs être contrôlés par l’administration lors de la demande d’homologation.

Mais plutôt que de déduire d’erreurs commises sur ces points l’existence d’un vice du consentement, la Cour de cassation invite les juges du fond à régulariser la situation.

L’arrêt du 8 juillet 2015 est donc surprenant et témoigne que la frontière entre les éléments essentiels au consentement et les éléments “secondaires” est ténue : entre le montant minimal de l’indemnité de rupture et le respect d’une obligation de paiement d’une indemnité de non-concurrence, seul le second élément a été jugé essentiel, alors que le premier semble avoir plus d’importance.

En réalité, la Cour de cassation fait primer la volonté de principe des parties de rompre le contrat de travail qui les lie, sans tenir compte des éléments de contexte qui n’ont pas profondément affecté cette volonté ni des erreurs portant sur les seules modalités de la rupture.

Cette analyse tend globalement à sécuriser les ruptures conventionnelles. Il reste que l’employeur n’est en rien dispensé de veiller aux éléments “secondaires” d’une rupture conventionnelle, qui sont vérifiés par l’administration et dont l’exactitude conditionne l’homologation de la rupture : le refus d’homologation est en effet le premier écueil à éviter.

 

Auteur

Xavier Cambier, avocat en droit social

 

*Rupture conventionnelle : la volonté de sécurisation se confirme* – Article paru dans Les Echos Business le 17 août 2015