Le nouveau régime du travail dominical et en soirée issu de la loi Macron
7 octobre 2015
Parmi les dispositions de la loi Macron les plus médiatisées, figurent celles relatives au travail dominical et au travail en soirée.
Si certaines mesures, entrées en vigueur le 8 août 2015, visent à faciliter le recours au travail le dimanche, la grande nouveauté de cette loi réside dans la création du régime du travail en soirée au sein des «zones touristiques internationales».
La redéfinition des zones dans lesquelles il peut être dérogé au repos dominical
Sans pour autant remettre en cause le principe du repos dominical, la loi Macron redéfinit les zones géographiques au sein desquelles les établissements de vente au détail qui y sont implantés peuvent accorder le repos hebdomadaire par roulement à leurs salariés, et crée deux nouvelles zones.
– Les «zones commerciales» et les «zones touristiques»
Les zones commerciales correspondent aux anciens Puce (périmètres d’usage de consommation exceptionnel) tandis que les zones touristiques se substituent aux «communes d’intérêt touristique ou thermales» et aux «zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente».
Les procédures de délimitation ou de modification de ces zones sont harmonisées : elles sont désormais instruites par le représentant de l’Etat dans la région après avis de certaines instances locales prévues par les textes.
– Les zones touristiques internationales (ZTI) et les gares d’affluence exceptionnelle
Ces deux zones constituent, quant à elles, deux nouveautés issues de la loi Macron.
Les premières sont des zones dotées d’un rayonnement international et caractérisées par l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et l’importance de leurs achats.
Douze arrêtés ministériels viennent de délimiter les zones situées à Paris mais d’autres arrêtés concernant des zones situées à Deauville, Cannes ou encore Nice devraient être prochainement publiés.
De la même manière, certaines gares situées hors des zones touristiques internationales mais caractérisées par une «affluence exceptionnelle de passagers» permettent aux établissements qui y sont localisés de bénéficier de la dérogation au repos dominical.
Un arrêté listant ces gares devrait être publié dans les prochaines semaines.
Par ailleurs, il convient de préciser que les commerces de détail alimentaire qui peuvent ouvrir jusqu’à 13 heures le dimanche, sont soumis au régime applicable aux ZTI et aux gares d’affluence exceptionnelle après 13 heures, dès lors qu’ils sont situés dans ces zones.
L’uniformisation des modalités de recours au travail dominical
Les dérogations au repos dominical sont désormais de droit dès lors que l’établissement situé dans l’une de ces zones est couvert par un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise, d’établissement, par un accord conclu à un niveau territorial ou encore par un accord conclu avec des salariés mandatés.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés non couvertes par un accord, il est nécessaire de consulter les salariés sur les contreparties, notamment salariales, qui leur sont offertes et d’obtenir leur approbation à la majorité.
Le législateur a souhaité renforcer les droits des salariés et impose que les accords prévoient :
- des contreparties, en particulier salariales ;
- des engagements en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées ;
- des mesures visant à faciliter la conciliation vie professionnelle/vie personnelle ;
- des contreparties visant à compenser les coûts inhérents à la garde des enfants ;
- les conditions de prise en compte de l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et de leur changement d’avis.
Seuls les salariés volontaires ayant formalisé leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.
L’opposition d’un salarié ne peut justifier un refus d’embauche ou conduire au prononcé d’une mesure discriminatoire ou disciplinaire.
L’aménagement des autres dérogations au repos dominical
– L’accroissement du nombre de «dimanches du maire»
Jusqu’à présent, les commerces de détail pouvaient être autorisés à ouvrir leurs portes 5 dimanches par an sur autorisation du maire ou du préfet à Paris.
Au titre de l’année 2015, le nombre de dimanches est porté à 9 puis sera relevé à 12 à compter de l’année 2016.
Les salariés travaillent sur la base du volontariat et bénéficient d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement perçue ainsi que d’un repos compensateur équivalent en temps.
– La précision de la durée d’autorisation en cas de «fermeture préjudiciable au public ou au fonctionnement de l’établissement»
Le législateur est enfin venu préciser la durée de la dérogation au repos dominical accordée par le préfet aux établissements dont la fermeture le dimanche est préjudiciable au public ou compromet le fonctionnement normal de cet établissement.
Antérieurement, le texte prévoyait que cette autorisation était accordée pour une « durée limitée » sans pour autant préciser cette dernière.
L’autorisation préfectorale est désormais limitée à 3 ans.
La création d’un régime du travail en soirée dans les «zones touristiques internationales»
La loi Macron permet désormais aux commerces de détail situés dans les zones touristiques internationales de reporter le début de la période de travail de nuit jusqu’à minuit.
Cette disposition vise à neutraliser les effets d’un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation ayant interdit à une parfumerie située sur l’avenue des Champs-Elysées d’ouvrir après 21 heures au motif qu’elle ne respectait pas les conditions de recours au travail de nuit (Cass. Soc. 24 sept. 2014 n°13-24.851).
Le législateur institue ainsi un régime spécifique pour la période comprise entre 21 heures et minuit sous réserve que l’établissement soit couvert par un accord collectif offrant des garanties aux salariés et notamment :
- la mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur permettant au salarié de regagner son domicile ;
- des mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;
- les conditions de prise en compte de l’évolution de la situation personnelle des salariés et de leur changement d’avis.
Chaque heure effectuée au cours de cette période est alors rémunérée le double de la rémunération normalement due et ouvre droit à un repos compensateur équivalent en temps.
Le principe du volontariat s’applique de la même manière que pour le travail dominical.
Il convient toutefois d’être vigilant dès lors que les salariés volontaires seraient amenés à dépasser les seuils prévus pour les travailleurs de nuit.
Auteurs
Thierry Romand, avocat associé en droit social.
Virginie Séquier, avocat en droi social
Le nouveau régime du travail dominical et en soirée issu de la loi Macron – Article paru dans Les Echos Business le 7 octobre 2015
A lire également
L’obligation d’information des salariés en cas de cession d’une entrepris... 11 janvier 2016 | CMS FL
Les principaux réglages apportés par la loi Macron au droit des concentrations... 28 octobre 2015 | CMS FL
Actionnariat salarié : les réformes annoncées de la loi Macron... 9 avril 2015 | CMS FL
Le dispositif projeté d’un amortissement supplémentaire exceptionnel... 6 mai 2015 | CMS FL
Conclure une rupture conventionnelle avec une salariée en congé de maternité... 5 mai 2015 | CMS FL
Indemnisation du licenciement et égalité devant la loi... 31 janvier 2017 | CMS FL
Impacts en droit des sociétés de la loi Macron sur le régime des attributions... 7 octobre 2015 | CMS FL
Quels sont les atouts supplémentaires du PERCO depuis la loi Macron?... 25 janvier 2016 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?