De la loi Macron à la loi Royal : quelques nouveautés intéressant la distribution des produits
A côté des mesures emblématiques de la « loi Macron » n° 2015-990 du 6 août 2015, d’autres dispositions moins médiatisées pourront, pour certaines, avoir des conséquences pratiques pour les opérateurs économiques.
Ce sera le cas en droit de la distribution. Un aperçu de certaines des modifications apportées dans ce domaine paraît donc utile.
1 – Création d’un régime spécial de convention unique fournisseur/grossiste
Le nouvel article L.441-7-1 du Code de commerce met en place l’obligation de conclure une convention unique spécifique entre le fournisseur et le grossiste. Le contenu de cette convention est assez proche de la convention unique applicable à la relation fournisseur/distributeur en vertu de l’article L.441-7 du Code de commerce issu de la loi LME.
Ces nouvelles dispositions ont pour but d’alléger les obligations qui avaient été créées par la loi Hamon du 17 mars 2014 et qui pesaient sur le fournisseur à l’égard de ses grossistes. Ainsi, l’obligation pour le fournisseur de communiquer ses conditions générales de vente avant le 1er décembre de chaque année et l’obligation de répondre aux demandes écrites précises du fournisseur ne s’appliqueront pas dans les relations avec des grossistes.
Le champ d’application de cette dispense, précisé au II de l’article L.441-7-1 précité, donnera toutefois probablement lieu à des questions d’interprétation.
2 – Encadrement de la fin des contrats de distribution dans le commerce de détail
Le nouvel article L.341-1 du Code de commerce prévoit que tous les contrats conclus entre un « réseau de distribution » et une personne exploitant un magasin de commerce au détail ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice de l’activité de l’exploitant doivent prévoir une échéance commune.
Ce nouveau dispositif est destiné à faciliter la sortie des exploitants de commerces au détail des réseaux de distribution dans lesquels un ensemble de contrats ayant des durées distinctes sont souvent conclus.
En raison d’une formulation complexe, le champ d’application de cet article paraît cependant relativement flou.
En outre, l’article L.341-2 nouveau du Code de commerce dispose que les clauses de non-concurrence post-contractuelles prévues dans ces contrats seront réputées non écrites sauf si quatre conditions cumulatives sont réunies (limitation aux biens et services en concurrence, limitation aux terrains et locaux, caractère indispensable à la protection du savoir-faire, durée maximale d’un an).
A noter que ces quatre conditions reprennent globalement les conditions posées par le règlement d’exemption (UE) n°330/2010 déjà applicable aux clauses de non-concurrence post-contractuelles des contrats de distribution.
3 – Alourdissement de l’amende civile sanctionnant les pratiques restrictives de concurrence de l’article L.442-6 du Code de commerce
Les pratiques visées par l’article L.442-6 du Code de commerce (déséquilibre significatif, rupture brutale des relations commerciales établies, etc.) peuvent notamment être sanctionnées par des dommages-intérêts, par la nullité mais également par une amende civile ne pouvant excéder deux millions d’euros ou le triple du montant des sommes indûment versées.
La loi Macron complète ce dispositif en prévoyant que l’amende civile peut être portée « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ».
Le plafond de l’amende civile applicable pour ces pratiques est donc potentiellement augmenté de manière importante pour les moyennes et grandes entreprises.
4 – Retouches concernant les délais de paiement
Sur ce point, les dispositions de la loi Macron ne bouleversent pas l’ancienne réglementation. En effet, il est seulement question, d’une part, de porter en principe le délai de paiement à soixante jours à compter de la date d’émission de la facture et d’autre part, de permettre aux secteurs bénéficiant d’un régime dérogatoire basé sur des accords interprofessionnels de continuer à en profiter.
En ce qui concerne la question du plafond légal du délai convenu entre les parties, l’article L.441-6 du Code de commerce prévoit désormais que ce délai ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture mais que, par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être convenu, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un « abus manifeste » à l’égard du créancier.
Pour mémoire, l’ancienne rédaction mettait ces deux délais sur le même plan. La modification rédactionnelle apportée qui serait justifiée par une mise en conformité avec la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 devrait donc avoir peu d’incidence en pratique pour les entreprises.
A cet égard, une proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export » pourrait, quant à elle, avoir un impact plus conséquent pour les entreprises exportatrices.
Cette proposition motivée par le souci de renforcer la compétitivité et le soutien à l’export français hors Union européenne vise à lutter contre « l’effet ciseau » né du décalage entre les délais de paiement fournisseurs et les délais de paiement des clients étrangers, qui porte atteinte à la trésorerie des entreprises.
Aucune suite n’a cependant été donnée pour l’heure à cette proposition de loi depuis son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture le 13 mai dernier. La loi Macron aurait pu être l’occasion de s’emparer de ce sujet essentiel pour nombre d’entreprises françaises.
5 – Création du délit d’obsolescence programmée
Le mois d’août 2015 aura également été l’occasion pour le législateur de prendre une autre mesure concernant le droit de la distribution.
La « loi Royal » n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte crée en effet le délit d’obsolescence programmée puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende (art. L.213-4-1 nouveau C. cons.).
Le Code de la consommation dispose que « l’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ».
La mesure ne reprend finalement pas la formulation qui avait été proposée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et adoptée par le Sénat en première lecture (voir notre article, L’actualité de l’obsolescence programmée, Lettre des réseaux de distribution de mars 2015). Pour autant les contours de la définition consacrée n’en sont pas plus clairs.
A l’heure actuelle, ce texte pose de nombreuses questions. Faut-il déterminer la durée de vie d’un produit de manière théorique ? La fabrication d’un produit totalement nouveau peut-elle être concernée par cette disposition ? En effet, comment envisager de réduire la durée de vie d’un tel produit ?
Difficile donc d’évaluer la portée de ce nouveau texte. Si cette disposition devait être interprétée largement, on peut imaginer qu’elle pourrait s’appliquer en pratique à un nombre très important de situations (par exemple, la simple installation de batteries moins coûteuses sur un appareil électronique).
On peut, au contraire, imaginer qu’une interprétation restrictive pourrait retirer toute efficacité à cette disposition.
Le texte initialement envisagé illustrait cette notion en précisant que « ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non-compatibilité ». La lettre du texte définitif, d’interprétation stricte, paraît toutefois permettre d’embrasser un plus grand nombre de situations.
Lettre-morte ou bouleversement, il reviendra donc au juge de trancher. Dans l’attente, on regrettera qu’une bonne intention du législateur débouche sur une telle insécurité juridique pour les entreprises.
Auteurs
Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution