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La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels

La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt en date du 6 octobre 2015, vient d’apporter de précieux éclaircissements à propos de la rupture conventionnelle.

Elle a notamment jugé que le salarié devait adresser son courrier de rétractation non pas à l’administration du travail, mais à l’employeur, et qu’en l’absence de rétractation régulièrement intervenue, ce même salarié ne pouvait prendre acte de la rupture de son contrat de travail, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus, ou dont il a eu connaissance, au cours de cette période.

1. Le salarié doit notifier sa rétractation à l’employeur, et non à la DIRECCTE

Il ressort de l’article L 1237-13 du Code du travail qu’à compter de la date de signature par les deux parties de la convention de rupture conventionnelle, chacune desdites parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation, lequel est exercé par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

Dans une affaire tranchée par la Cour de cassation le 6 octobre 2015 (n°14-17539), l’avocat du salarié a adressé un courrier à l’administration du travail, dans le délai de 15 jours précité, aux fins de l’informer que ledit salarié entendait se rétracter.

La Cour de cassation, dans sa décision du 6 octobre 2015 :

  • d’une part, a rappelé les dispositions de l’article L 1237-13 du Code du travail en ce qu’elles disposent que la rétractation doit être notifiée à l’autre partie ;
  • d’autre part, a décidé qu’en ayant relevé que la lettre de l’avocat du salarié avait été adressée non à l’employeur mais à l’administration du travail, la rétractation n’était pas régulière.

Il appartient donc au salarié de notifier sa rétractation à son employeur, et non à un tiers.

2. La rupture conventionnelle combinée à la prise d’acte par le salarié

Dans la même affaire soumise à la Cour de cassation le 6 octobre 2015, le salarié, considérant s’être régulièrement rétracté du fait de l’envoi par son avocat du courrier à l’administration du travail, a dans un second temps pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Il a par la suite saisi les juridictions sociales aux fins de solliciter l’indemnisation résultant, selon lui, des conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel l’a débouté de ses demandes. La Haute Cour a confirmé la position des juges du fond. Elle a estimé, dans sa décision du 6 octobre 2015, en s’appuyant sur les articles L 1237-13 et L 1237-14 du Code du travail, qu’en l’absence de rétractation (régulière) de la convention de rupture conventionnelle, le salarié ne pouvait prendre acte de la rupture de son contrat de travail entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet de la rupture conventionnelle définie par les parties dans la convention, que pour des manquements survenus, ou dont il a eu connaissance, au cours de cette période.

En l’occurrence, l’ensemble des manquements que le salarié imputait à son employeur étaient antérieurs à l’expiration du délai de rétractation. La prise d’acte par le salarié ne pouvait donc pas être considérée comme produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il en aurait été autrement si le salarié avait mis en avant un ou des manquements graves de son employeur entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date de cessation définitive des relations contractuelles définie dans la convention.

3. Situations dans lesquelles la Cour de cassation a considéré l’absence de nullité de la convention de rupture conventionnelle

Dans une décision en date du 25 mars 2015 (n°14-10149), la Haute Cour a estimé qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue au cours des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé maternité, ainsi que pendant les 4 semaines suivant le terme dudit congé.

Ce principe ne trouve cependant pas à s’appliquer en cas de fraude ou de vice du consentement de la salariée.

Dans une autre espèce tranchée le 8 juillet 2015 (n°14-10139), la Cour de cassation a considéré :

  • que la stipulation par les deux parties d’une indemnité dont le montant était inférieur à celle prévue par l’article L 1237-13 du Code du travail ;
  • et que l’erreur commune de date fixée par les parties (laquelle était antérieure au lendemain de l’homologation)

n’entraînaient pas, en elles-mêmes, la nullité de la convention de rupture.

4. La combinaison entre la rupture conventionnelle et le licenciement

Aux termes d’une première décision en date du 3 mars 2015 (n°13-15551), il a été jugé qu’une rupture conventionnelle, intervenue après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emportait pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire. De telle sorte que dans l’hypothèse où le salarié exercerait son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur serait fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable, et à prononcer une sanction pouvant aller jusqu’à un éventuel licenciement pour faute grave.

Par une seconde décision, également rendue le 3 mars 2015 (n°13-20549), la même Cour de Cassation a estimé que lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice, par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale (démission pour le salarié ou licenciement pour l’employeur par exemple), la signature postérieure d’une rupture conventionnelle valait renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

Il s’agit là d’une entorse importante au principe selon lequel un même contrat de travail ne peut être rompu à deux reprises (règle « rupture sur rupture ne vaut« ).

5. L’employeur peut lui aussi solliciter l’annulation de la rupture conventionnelle

Enfin, il ressort d’une décision de la Cour de Cassation du 25 mars 2015 (n°13-23368) que l’employeur est, tout autant que le salarié, en droit de solliciter judiciairement la nullité d’une transaction conclue à la suite de la signature d’une rupture conventionnelle, lorsque la transaction porte sur le principe même de la rupture.

 

Auteur

Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social

 

La rupture conventionnelle : rappel des derniers enseignements jurisprudentiels – Article paru dans Les Echos Business le 19 octobre 2015