Les salariés susceptibles d’être désignés en qualité de délégué syndical
3 septembre 2013
La loi du 20 août 2008 a significativement modifié certaines des règles entourant la désignation des délégués syndicaux. S’agissant des salariés susceptibles d’être désignés en cette qualité, ils doivent réunir a minima les conditions « de base » (âge, ancienneté, droits civiques, absence de fraude, absence de représentation de l’employeur, …), mais encore avoir obtenu un score minimal de 10% « sur leur nom » aux dernières élections professionnelles. La jurisprudence admet cependant certaines dérogations, permettant notamment un syndicat représentatif de désigner en qualité de délégué syndical un salarié qui s’est présenté aux élections sur une liste établie par un autre syndicat, ou à un simple candidat, qui n’a pourtant pas obtenu le score de 10%, d’exercer un tel mandat.
Les conditions « de base » pour qu’un salarié soit désigné en qualité de délégué syndical
- l’âge, l’ancienneté et les droits civiques
Pour être désigné en qualité de délégué syndical, le salarié doit être âgé de 18 ans révolus, travailler dans l’entreprise depuis un an au moins et n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques. Le délai d’un an est réduit à 4 mois en cas de création d’entreprise ou d’ouverture d’établissement.
L’ancienneté du salarié s’entend de celle qu’il a acquise dans l’entreprise, tous établissements confondus. Elle peut résulter d’un ou plusieurs contrats de travail successifs séparés par une ou plusieurs périodes d’interruption.
Dans les entreprises de travail temporaire, la condition d’ancienneté est fixée à 6 mois pour les salariés temporaires. Elle est appréciée en tenant compte des périodes pendant lesquelles le salarié a été lié à ces entreprises par des contrats de mission au cours des 18 mois (réduit à 6 mois en cas de création d’entreprise ou d’ouverture d’établissement) précédant sa désignation en qualité de délégué syndical.
- le salarié ne doit pas représenter l’employeur
Le salarié qui soit dispose d’une délégation écrite particulière d’autorité permettant de l’assimiler au chef d’entreprise, soit représente effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel (comité d’entreprise, délégués du personnel, CHSCT, …) ne peut être désigné en qualité de délégué syndical. A cet effet, il a été décidé récemment que ni une clause tendant à opérer un transfert de responsabilité pénale dans un domaine limité, ni l’énonciation des attributions que l’intéressé tenait de sa position hiérarchique, ne constituaient une délégation écrite particulière d’autorité permettant d’assimiler le salarié au chef d’entreprise auprès du personnel.
- la situation des salariés mis à disposition ou détachés par leur entreprise d’origine dans une entreprise d’accueil
Après avoir considéré dans un premier temps qu’un salarié mis à disposition d’une entreprise d’accueil ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical au sein de cette entreprise, la jurisprudence admet aujourd’hui cette possibilité, dès lors que l’ensemble des conditions exposées ci-avant (âge, droits civiques, ancienneté, …) sont réunies. Cette situation conduira à ce que l’entreprise d’accueil devra négocier avec un délégué syndical qui ne se présente pas comme l’un de ses salariés.
- la situation du salarié dont le contrat de travail est suspendu ou qui ne travaille pas à temps plein
Le salarié qui remplit les conditions précitées peut être désigné en qualité de délégué syndical, quand bien-même son contrat de travail se trouve suspendu (maladie, mise à pied disciplinaire, maternité …..) ou qu’il travaille à temps complet ou à temps partiel. C’est au syndicat, et non à l’employeur, qu’il appartiendra d’apprécier l’aptitude du salarié, placé dans de telles situations, à exercer le mandat de délégué syndical.
- La situation du salarié travaillant dans une entreprise comptant moins de 50 salariés
Dans les entreprises qui emploient moins de 50 salariés, un délégué du personnel peut être désigné en qualité de délégué syndical, pour la durée de son mandat. Le délégué du personnel doit revêtir la qualité de titulaire, ou celle de suppléant s’il remplace un titulaire momentanément absent (auquel cas il exercera le mandat de délégué syndical pour la seule durée de ce remplacement).
La nécessité d’avoir atteint « sur son nom » le score minimal de 10% des suffrages aux dernières élections professionnelles
- les principes
Pour être désigné en qualité de délégué syndical (par un syndicat représentatif), le salarié doit en premier lieu s’être porté candidat aux dernières élections du comité d’entreprise (ou du comité d’établissement) et/ou des délégués du personnel, ou de la délégation unique du personnel (hypothèse réservée aux entreprises de moins de 200 salariés).
Il doit en second lieu, peu importe qu’il ait ou non été élu, avoir obtenu « sur son nom » au moins 10% des suffrages valablement exprimés au premier tour (titulaires ou suppléants) des élections précitées, quel que soit le nombre de votants. Ce score s’apprécie au niveau du collège au sein duquel le salarié, susceptible d’être désigné, a été candidat.
Rien n’interdit à un syndicat représentatif de désigner en qualité de délégué syndical un salarié ayant obtenu sur son nom le score minimal de 10%, mais sur une liste présentée par un autre syndicat. La Cour de cassation considère en effet que si l’affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats aux dernières élections professionnelles constitue un élément essentiel du vote des électeurs en ce qu’elle détermine la représentativité du syndicat, le score électoral de 10% exigé d’un candidat pour sa désignation en qualité de délégué syndical constitue un score personnel qui l’habilite à recevoir mandat par un autre syndicat représentatif.
- les exceptions
Quelques exceptions à ces principes méritent une attention particulière.
En premier lieu, si le syndicat ne dispose plus dans l’entreprise ou l’établissement de candidat aux dernières élections professionnelles ayant obtenu « les 10% », celui-ci peut désigner en qualité de délégué syndical un autre candidat (n’ayant donc pas obtenu ce score minimal) ou, à défaut, l’un de ses adhérents.
Cette option n’est envisageable que dans l’hypothèse où le syndicat ne dispose plus dans l’entreprise ou l’établissement d’aucun candidat remplissant la condition « de 10% », ou lorsque le seul candidat restant – ayant atteint les 10% – a quitté le syndicat pour adhérer à une autre organisation syndicale. Elle ne vise pas en revanche le cas d’un syndicat comptant plusieurs candidats ayant obtenu le minimum de 10%, mais dont aucun d’entre eux ne souhaite exercer un mandat de délégué syndical.
En second lieu, il a été jugé qu’un syndicat représentatif dont aucun des candidats qu’il a présenté aux élections n’a réuni 10 % des suffrages sur son nom peut choisir un délégué syndical parmi eux, sans devoir proposer préalablement le mandat aux autres candidats ayant obtenu ce score, mais pour le compte d’un autre syndicat. Admettre le contraire reviendrait à priver ce syndicat, qui a fait la preuve par les urnes de sa représentativité, de tout rôle actif auprès de l’employeur et de négocier des accords collectifs.
La désignation du salarié en qualité de délégué syndical ne doit pas être frauduleuse
La désignation d’un salarié en qualité de délégué syndical doit avoir pour but de lui conférer des fonctions à exercer dans l’intérêt de l’ensemble des salariés de l’entreprise, et non d’assurer sa seule protection individuelle.
La désignation pourra par exemple être considérée comme frauduleuse lorsque l’employeur sera en mesure de démontrer que le salarié désigné avait connaissance de l’imminence de l’engagement à son encontre d’une procédure de licenciement ou lorsque les relations de travail étaient dégradées à un point tel que la désignation n’avait à l’évidence d’autre but que celui d’offrir au salarié la protection attachée à l’exercice de ce mandat.
La désignation irrégulière d’un salarié en qualité de délégué syndical doit être contestée dans les 15 jours
Lorsqu’il reçoit d’un syndicat un courrier l’informant de la désignation d’un salarié en qualité de délégué syndical, l’employeur doit analyser rapidement les conditions de sa validité, et faire preuve de réactivité.
En effet, s’il l’estime irrégulière, pour l’un ou l’autre des motifs précités concernant le salarié désigné, mais encore pour de nombreuses autres raisons tenant par exemple :
- à l’absence de représentativité du syndicat se trouvant à l’origine de la désignation,
- au caractère surnuméraire de cette désignation (l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement n’autorisant pas la désignation d’un délégué syndical supplémentaire par le même syndicat),
- à l’absence d’une section syndicale,
- à l’absence de pouvoir et/ou d’habilitation de la personne ayant procédé à la désignation,
- à l’inadaptation du mandat à la configuration juridique de l’entreprise (désignation d’un délégué syndical d’entreprise lorsque l’employeur dispose de plusieurs établissements distincts ou à l’inverse désignation d’un délégué syndical d’établissement lorsque l’employeur ne dispose que d’un seul établissement ; existence ou non d’une unité économique et sociale), etc…
l’employeur dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour saisir le tribunal d’instance compétent d’une demande d’annulation de ladite désignation. Passé ce délai, la désignation sera considérée comme étant purgée de tout vice, et produira ses pleins effets juridiques.
A propos de l’auteur
Rodolphe Olivier, avocat associé. Il anime l’équipe contentieuse et intervient plus particulièrement dans les litiges pendants devant le conseil de prud’hommes (tous types de litiges), le tribunal d’instance (contestation de désignations de délégués syndicaux, élections professionnelles, représentativité syndicale, reconnaissance d’unité économique et sociale, référendum des salariés à la suite de la signature d’accords collectifs…), le tribunal de grande instance (dénonciation et mise en cause d’accords collectifs, demande de suspension de la procédure consultative auprès du comité d’entreprise, demande d’annulation de plans de sauvegarde de l’emploi, grèves, contestation d’expertise CHSCT ou CE…), le tribunal des affaires de sécurité sociale (urssaf, affiliation, accident du travail, maladie professionnelles, faute inexcusable,…), le tribunal de police et tribunal correctionnel (discrimination syndicale, délit d’entrave, contraventions à la durée du travail, harcèlement moral…) et le tribunal administratif et cour administrative d’appel (contestation des décisions de l’Inspection du travail ou du Ministre…).
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