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Représentants de salariés au conseil d’administration : vers un élargissement de l’obligation

Représentants de salariés au conseil d’administration : vers un élargissement de l’obligation

En modifiant les conditions d’assujettissement des entreprises à l’obligation d’avoir des représentants de salariés dans les organes de direction, la loi Rebsamen élargit significativement le périmètre des entreprises concernées.

Si la présence d’administrateurs salariés dans les organes de direction s’est développée en France à partir du milieu des années 1980 (loi 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public), ce dispositif n’a concerné, dans un premier temps et pour l’essentiel, que les entreprises publiques et privatisées.

Au sein du secteur privé, cette possibilité est longtemps demeurée une simple faculté ouverte aux seules sociétés anonymes.

Certes, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a rendu obligatoire la présence de représentants des salariés actionnaires au sein des organes de gestion des sociétés cotées à la condition que lesdits salariés détiennent plus de 3% du capital.

Toutefois, ce dispositif – toujours en vigueur – ne concerne qu’un nombre relativement restreint d’entreprises.

Par ailleurs, si le Comité d’entreprise dispose depuis 1982 d’une représentation obligatoire au conseil d’administration ou de surveillance, ses délégués ne disposent que d’une voix consultative.

Ce n’est donc qu’avec la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi que le législateur a marqué un pas vers la généralisation, au sein des grandes entreprises, de la présence d’administrateurs salariés avec voix délibérative au sein des conseils d’administration ou de surveillance.

La présence de représentants de salariés jusqu’à présent limitée aux très grandes entreprises

En effet, depuis cette loi, sont visées par cette obligation :

  • les sociétés anonymes, société en commandite par actions et sociétés européennes dès lors que les dispositions relatives aux sociétés anonymes leur sont applicables ;
  • soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise;
  • et employant avec leurs filiales directes ou indirectes, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 salariés en France et à l’étranger.

Les filiales de ces sociétés sont en revanche exonérées de cette obligation.

Toutefois, il ressort du bilan présenté par le gouvernement le 3 mai 2015 que la présence des administrateurs salariés est encore insuffisante

D’après ce bilan, sur les 113 sociétés françaises de l’indice boursier SBF 120 :

  • 13 sociétés (dont 7 du CAC 40) soit 11% avaient déjà des administrateurs salariés en vertu des lois de 1983 et de 1986 ;
  • 33 sociétés (dont 15 du CAC 40) soit 29% ont désigné des représentants de salariés à leur conseil en application de la loi de sécurisation de l’emploi ;
  • 65 sociétés soit 58% n’appliquent pas cette nouvelle exigence au niveau de leur tête de groupe, soit parce qu’elles ne dépassent pas les seuils d’effectifs prévus par la loi (pour 29 d’entre elles) soit parce qu’elles ne sont pas soumises à l’obligation d’avoir un comité d’entreprise, leur holding tête de groupe employant moins de 50 salariés (pour 36 d’entre elles).

Ainsi, la double condition de l’existence d’un comité d’entreprise et de l’emploi d’au moins 5 000 ou 10 000 salariés posée par la loi de 2013 a considérablement restreint le nombre de sociétés concernées, y compris parmi les grandes entreprises.

C’est pour pallier cette insuffisance que le législateur a modifié les conditions d’assujettissement à l’obligation en introduisant un article spécifique dans la loi Rebsamen du 7 août 2015.

Sont désormais concernées les sociétés employant, avec leurs filiales, 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés en France ou à l’étranger

Ainsi, la loi Rebsamen prévoit que l’obligation concerne désormais les sociétés employant avec leurs filiales, à la clôture de deux exercices consécutifs, 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés en France et à l’étranger (au lieu de 5 000 et 10 000 auparavant).

En outre, afin d’éviter que les holdings de moins de 50 salariés soient exclues du champ d’application de cette mesure, la loi supprime la condition d’assujettissement à la règlementation relative aux comités d’entreprise (une exception étant toutefois maintenue pour les holdings de moins de 50 salariés purement patrimoniales, à la condition qu’une ou plusieurs de leurs filiales appliquent le dispositif).

En outre, le principe d’une formation obligatoire d’une durée minimale de 20 heures par an est désormais inscrit dans la loi

Le décret du 3 juin 2015, pris en application de la loi de sécurisation de l’emploi, prévoyait déjà que la formation des représentants pour l’exercice du mandat était d’une durée minimale de 20 heures. Cette obligation a désormais valeur légale.

Rappelons que cette formation s’ajoute aux 15 heures de préparation dont disposent les représentants des salariés pour chaque réunion du conseil d’administration (ou du conseil de surveillance).

Enfin, la loi généralise le principe de parité hommes / femmes des administrateurs salariés

En effet, il convient de rappeler que les administrateurs salariés (au nombre de 2 dans les conseils de plus de 12 membres et de 1 en dessous de ce seuil) peuvent être soit élus par les salariés, soit désignés par les représentants du personnel ou les organisations syndicales les plus représentatives.

Si la loi prévoyait déjà une obligation de parité en cas d’élection des représentants, celle-ci est désormais étendue au cas de la désignation par le comité d’entreprise, le comité central d’entreprise ou le comité de groupe, lorsque les statuts prévoient la désignation de deux membres.

En revanche, le respect du principe de parité ne semble pas s’imposer dans l’hypothèse de la désignation des administrateurs salariés par les organisations syndicales.

Une entrée en vigueur échelonnée

Afin de laisser aux entreprises le temps nécessaires pour s’adapter à ces nouvelles dispositions, la loi prévoit une entrée en vigueur échelonnée de celle-ci.

Ainsi, l’entrée en fonction des administrateurs salariés doit intervenir au plus tard 6 mois après l’assemblée générale procédant à la modification des statuts, qui doit elle-même avoir lieu dans les 6 mois suivant la clôture :

  • de l’exercice 2016 pour les sociétés et leurs filiales dont l’effectif est de plus de 5 000 salariés en France ou de 10 000 salariés en France à l’étranger
  • de l’exercice 2017 pour les sociétés et leurs filiales dont l’effectif est de plus de 1 000 salariés en France ou de 5 000 salariés en France à l’étranger

Par exception, pour les sociétés qui n’étaient pas soumises à ces obligations mais dont l’une des filiales a déjà un conseil comprenant des représentants salariés, l’entrée en vigueur des nouvelles règles interviendra au plus tard au terme des mandats des représentants en exercice.

Au terme de cette période, il est donc à prévoir que le nombre d’entreprises bénéficiant de représentants salariés dans leurs organes de direction aura très substantiellement évolué.

 

Auteur

Florence Habrial, avocat en droit du travail et droit de la protection sociale.

 

Représentants de salariés au conseil d’administration : vers un élargissement de l’obligation – Article paru dans Les Echos Business le 3 novembre 2015