Cartes prépayées : prévoir la fermeture de la ligne après une durée d’inactivité n’est pas abusif
L’association de consommateurs UFC Que Choisir a assigné les sociétés SFR et Bouygues Télécom dans le cadre de leurs offres de cartes prépayées. L’association reproche à ces deux opérateurs l’insertion de clauses abusives dans leurs contrats d’adhésion.
Lesdits contrats prévoient la mise à disposition du client d’une ligne téléphonique, à laquelle est associé un numéro de téléphone portable permettant, pour une durée variant en fonction du prix de la recharge, d’accéder aux différents services de l’opérateur. A compter de la fin de validité du dernier crédit acheté, il est prévu une fermeture de la ligne après une période donnée (six mois pour SFR et huit mois pour Bouygues Télécom). C’est essentiellement cette limitation dans le temps que l’association de consommateurs considère comme abusive.
Par transposition de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993, l’article L.132-1 al. 1 du Code de la consommation qualifie d’abusives les clauses ayant « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties du contrat« . L’alinéa 7 du même article exclut du contrôle du caractère abusif l’objet principal du contrat ainsi que l’adéquation du prix au service offert (ce que la directive ne prévoyait pas).
Sur ce fondement, la cour d’appel de Paris1, et à sa suite la Cour de cassation, ont considéré que l’existence d’un terme de validité de la ligne mise à disposition était caractéristique de l’offre de la carte prépayée, soulignant à juste titre que c’était là sa singularité vis-à-vis des formules d’abonnement par ailleurs proposées. Aussi, la limitation dans le temps de la mise à disposition de la ligne faisait partie intégrante de l’objet du contrat. Par conséquent, la Cour de cassation a estimé que c’était à bon droit que la cour d’appel de Paris avait refusé d’apprécier le caractère abusif de cette limite de validité (Cass. Civ. 1re, 3 juin 2015, n°14-13.193 et n°14-13.194). Il en est ainsi lorsqu’un élément des conditions générales de vente est suffisamment caractéristique de l’offre pour que personne ne puisse raisonnablement l’ignorer.
On notera tout de même que le raisonnement retenu par le tribunal de grande instance de Paris avait été différent2. Celui-ci avait considéré que l’objet du contrat était uniquement l’accès au réseau par la mise à disposition d’une ligne téléphonique moyennant le règlement par avance d’un coût de communication, de sorte que la durée de validité limitée des cartes, élément litigieux en l’espèce, ne constituait qu’une modalité d’exécution du contrat. Cette approche réductrice avait amené le tribunal à étudier sur le fond le caractère abusif des clauses mais n’avait néanmoins pas empêché le rejet des demandes de l’UFC Que choisir.
Notes
1 CA Paris, pôle 2 ch. 2, 6 décembre 2013, n°12/12305, UFC Que Choisir c/ Société française de radiotéléphone (SFR) ; CA Paris, pôle 2 ch. 2, 6 décembre 2013, n° 12/12306, UFC Que Choisir c/ Société Bouygues Télécom
2 TGI Paris, 15 mai 2012, n°10/03470, UFC Que Choisir c/ Société française de radiotéléphone (SFR) ; TGI Paris, 15 mai 2012, n° 10/03472, UFC Que Choisir c/ Société Bouygues Télécom
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Sarah Dubot, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management