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Réforme des relations producteurs / diffuseurs : le décret est paru

Réforme des relations producteurs / diffuseurs : le décret est paru

La réforme du régime de contribution à la production indépendante (loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013 qui a modifié l’article 71-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986) a permis aux chaînes de télévision de détenir des parts de coproduction dans les programmes qu’elles financent, après des années d’interdiction. Les diffuseurs peuvent ainsi devenir copropriétaires de l’œuvre à condition d’en avoir financé une « part substantielle« .

Le décret n°2015-483 du 27 avril 2015 met en œuvre cette réforme dans un contexte de tensions entre producteurs et diffuseurs, ce qui pourrait déboucher sur une situation paradoxale où la loi du 15 novembre 2013 ne s’appliquerait pas en pratique.

Ce décret apporte les précisions nécessaires sur la notion de « part substantielle » de financement pour l’obtention de parts coproductrices par le diffuseur, ainsi que sur l’étendue des droits secondaires et des mandats de distribution pouvant être détenus dans ce cadre, et c’est sur ce second point crucial que les difficultés sont les plus importantes.

Seuil de la part substantielle de financement

Le diffuseur doit avoir financé au moins 70% du devis de production de l’œuvre audiovisuelle pour pouvoir bénéficier de parts de coproduction. Et dans tous les cas, ces parts ne pourront lui être attribuées qu’à hauteur de la moitié de ses investissements. Par exemple, si une chaîne finance 70 % du budget d’une œuvre audiovisuelle, elle aura droit à 35% au plus de parts « coproducteur« .

Le décret précise par ailleurs utilement les dépenses contribuant à la production de l’œuvre audiovisuelle, en retenant une acception large des dépenses éligibles : sont ainsi prises en compte les dépenses pour la formation des auteurs, ainsi que les dépenses de promotion des œuvres.

Les sommes doivent être intégralement versées avant la fin de la période de prise de vue, pour bénéficier du régime décrit ici.

Quadruple encadrement des mandats de commercialisation

Le diffuseur qui détient des parts de coproduction peut obtenir des mandats de commercialisation auprès du producteur, mais le cadre de ces mandats est très strict. Le décret prévoit ainsi un quadruple encadrement de la cession des mandats par le producteur au diffuseur coproducteur :

  • les mandats doivent faire l’objet d’un contrat distinct, et doivent être négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires ;
  • le diffuseur ne peut détenir directement ou indirectement des mandats de commercialisation lorsque le producteur dispose d’une capacité de distribution interne ou par l’intermédiaire d’une filiale, ou externe via un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution ;
  • le diffuseur doit s’engager à exploiter dans un délai de 18 mois à compter de son acquisition des droits de diffusion de l’œuvre, en France ;
  • s’il détient le mandat de commercialisation en France de l’œuvre, le diffuseur s’engage à l’exploiter sur un service de télévision, à l’issue de la période initiale des droits de diffusion qui lui ont été cédés.

Ce régime de mandat, contraignant à l’égard du diffuseur, est donc favorable au producteur. Il est par conséquent fort probable que les chaînes se contentent de financer les œuvres sans les coproduire, et ce même si la loi les y autorise, pour pouvoir s’affranchir de ces limitations. En effet, les mandats de distribution ont toujours eu un intérêt stratégique pour les chaînes de télévision, puisque leur détention leur permet notamment d’acquérir des droits sur des programmes, et de limiter ainsi l’exploitation de ces derniers par leurs concurrents.

Un acte 2 de cette réforme a déjà été annoncé par la ministre Fleur Pellerin, avec comme perspective de nouvelles modifications du décret du 27 avril 2015, ainsi que l’ouverture du chantier relatif à la transparence des devis de production et des droits à recette.

 

Auteur

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.