Se céder des titres pour les rentrer au PEA ne rime pas forcément avec abus de droit
Le Conseil d’Etat a rendu le 14 octobre dernier une décision favorable au contribuable, et qui n’allait pas de soi au vu de plusieurs avis rendus, dans des affaires similaires, par le comité de l’abus de droit fiscal.
Monsieur Louis avait inscrit en 2000 au sein de son PEA des titres d’une société non cotée qu’il détenait déjà au nominatif pur. En 2001 et 2002, les titres litigieux furent cédés à un tiers. L’administration fiscale remit en cause l’exonération d’impôt sur le revenu sur le terrain de l’abus de droit au motif (i) que les actions avaient été sous-évaluées lors de leur inscription au sein du PEA (et ainsi que le cédant contournait la limite de versement du plan) et (ii) qu’un titulaire de PEA ne peut y transférer des titres dont il est déjà propriétaire.
Pour le Conseil d’Etat, une telle cession à soi-même ne méconnaît pas l’objectif poursuivi par le législateur d’encourager les ménages à constituer une épargne longue sous forme d’actions. Dès lors que le PEA a été abondé régulièrement pour permettre l’acquisition des titres avec les fonds figurant sur son compte espèces, l’opération ne peut être considérée comme un « transfert de titres » interdit par la loi, ni comme poursuivant un but exclusivement fiscal. D’ailleurs, à l’occasion de la cession qui précède l’inscription des titres au PEA, une plus-value imposable dans les conditions de droit commun doit être constatée.
On ne peut que saluer une telle décision de la part du Conseil d’Etat. Elle appelle à revoir sous une autre lumière plusieurs avis du Comité de l’abus de droit fiscal dans lesquels celui-ci avait considéré comme abusives des cessions croisées au sein d’un groupe familial ayant pour objet de placer au sein du PEA des titres reçus dans le cadre d’une donation ou succession.
Il faudra toutefois rester vigilant, notamment quant à la question de l’évaluation des titres, toujours délicate s’agissant de titres non cotés sur un marché réglementé. En effet, l’administration fiscale pourra critiquer l’opération en raison d’un prix prétendument sous-évalué qui permettrait à tout le moins au contribuable de faire échapper une partie de la plus-value à l’impôt sur le revenu dans le cadre du PEA, voire d’échapper à la règle du plafond de versements, de 150.000 euros depuis le 1er janvier 2014 (75.000 euros pour un PEA-PME).
Auteur
Florian Burnat, avocat en droit fiscal